Hello,
Pour continuer à approfondir la réflexion sur le modèle de la synesthésie des sujets Synesthésie faible et Un moment de tranquillité dans une tempête de violence, je propose donc une partie de Lanfeust de Troy que nous avons joué il y a un mois et demi.
Les joueurs sont mes petits frères :
Gaspard : joue un "yum-yum" (une espèce de gnome miniature). Son pouvoir est de faire pleuvoir du hum... de l'excrément de volaille, disons.
Mayeul : joue Frédéric, un noble exilé des baronnies parce qu'il était attiré par la magie. Il n'a pas de pouvoir.
Je suis le MJ.
Le scénario faisant suite à une quête précédente qui fut jouée par Gaspard et un mien cousin (qui jouait un chaman troll), on se met d'accord sur le fait que les personnages se seraient rencontrés auparavant, lorsque yum-yum et le troll voyageaient dans les Baronnies : Frédéric leur aura servi de guide ;
et la première scène va donc servir à introduire le personnage de Mayeul :
première scène "Rien de tel qu'un bon repos après un bon boulot !"
Yum-yum est tranquillement installé dans une taverne lorsqu'il aperçoit son ancien guide entrer. Il lui fait signe de la main, et les deux personnages se retrouvent joyeusement, en évoquant quelques souvenirs de la taille du monstre qu'ils avaient à combattre il y a deux ans (ce qui permet de mettre Mayeul au parfum) et en constatant à quel point la réfection d'Eckmül avance bien dans les quartiers saccagés par la bête.
C'est alors qu'il alors qu'un "tambour" entre dans la taverne et proclame : "Oyez, gente compagnie, le marchand Aintail fait une promotion ce jourd'hui jusqu'au coucher du Soleil".
Yum-yum décide d'aller voir là-bas immédiatement, tandis que Frédéric décide de trouver un boulot pour gagner des sous. Il se rend sur la place publique la plus proche où des crieurs publics annoncent les offres de recrutement. On demande entre autres des gens pour récurer les égouts ou pour écrire les cotes des monnaies chez un changeur.
Il choisit de se rendre chez ce dernier.
scène 2, où l'on écrit vite :
Yum-yum arrive devant la boutique, mais il rencontre divers personnages : le premier est un homme élancé qui regarde furtivement de tous les cotés comme s'il ne pouvait pas fixer son regard sur une direction précise, le second est un petit homme râblé et l'air grognon, le troisième est un grand dégingandé mal sapé. Il s'approche du petit râblé et engage la conversation sur un ton facétieux qui ne plaît pas à l'autre. Malicieux, Gaspard décide de continuer à le provoquer (il a en effet la furieuse envie de déclencher une bagarre avec enthousiasme, et je ne l'en ai pas privé, vous allez le voir !)
Pendant ce temps, Frédéric est pris à l'essai chez le changeur, un assistant sévère, renfrogné et hargneux, qui lui indique une table à laquelle il doit s'asseoir. On lui apporte des parchemins avec des suites de chiffres à recopier toutes les dix-huit secondes, tout en lui disant de prendre en dictée d'autres chiffres en litanies ininterrompues (ici, ce n'est pas vraiment une "scène tranquille", parce qu'il est stressé et qu'il n'arrive pas à écrire assez vite, évidemment. Il tente bien quelques jets de dés sous des compétences diverses, mais ça ne suffit pas, c'est logique vu le rythme.).
Au bout d'un moment, l'assistant lui enjoint de boire, à quoi Frédéric répond "Heps ! Boire quoi ?", mais l'autre lui répète : "pourquoi donc vous ne buvez pas ?" et des répéter "buvez" pendant cinq minutes.
Mayeul, lassé, décrète alors que Frédéric regarde autour de lui. Il repère alors une bouteille opaque posée au sol près de son bureau. Après en avoir bu une petite gorgée, il sent sa main trembler comme si elle piaffait d'impatience. Quand il se met à écrire, il le fait toute berzingue. Il décide alors de boire (presque) toute la bouteille. Funeste erreur...
scène 3, où l'on se demande comment se sortir du pétrin :
Dans le même moment, la bagarre éclate entre Yum-yum et le petit râblé. Après quelques directs qui les envoient, l'un et l'autre, bouler les quatre fers en l'air, Gaspard se dit qu'il est temps d'essayer son pouvoir, et yum-yum provoque une curieuse pluie nauséabonde sur son adversaire.
A ce moment-là, le grand dégingandé (et mal habillé) se précipite et commence à faire ripaille avec la pluie. Il demande à Yum-yum de continuer à faire pleuvoir.
Pendant ce temps, la main de Frédéric est pris d'une frénésie incontrôlable, et entraîne le reste du corps du malheureux noble derrière lui (ce qui fait que l'ensemble accomplit cinq ou six tours de la salle à la vitesse d'une fusée, sous le regard réprobateur et sévère de l'assistant du changeur, trop occuper à changer ses monnaies pour aller l'aider.)
Il faut attendre vingt minutes, et la fin de la bagarre de Yum-yum avant que Mayeul découvre que la main de son personnage continuera à jouer au marathonien tant qu'elle n'aura pas de nouveau attraper une plume pour écrire. Il y parvient après de grands efforts (et quelques jets de dés entrecoupés de scènes de bagarre de Gaspard - pardon, de yum-Yum.) et se remet à écrire tellement vite qu'il a fini son travail avec quatre heures d'avance. Il peut donc rejoindre plus tôt que prévu son compagnon à la boutique, mais il a rendez-vous le lendemain pour continuer son boulot et recevoir sa première paye hebdomadaire (issue d'âpres négociations dont je vous passe le détail !)
Yum-yum, de son coté, apprend que le grand dégingandé a le pouvoir de réaliser des voeux, mais seulement à condition de faire des pets, et que ceux-ci ne surviennent que s'il mange de la...vous voyez quoi. Yum-yum lui offre donc avec enthousiasme une nouvelle pluie, mais il exige un voeu en échange (je ne me rappelle plus ce qu'il a demandé...)
scène 4, où l'on vole, mais pas dans les airs :
Les deux compères se retrouvent sous une pluie d'un genre particulier, ce qui plaît beaucoup au grand dégingandé, tandis que l'homme au regard louche et le petit râblé se sont éloignés du fou qui fait pleuvoir des choses nauséabondes.
Tout ce petit monde (et même d'autres personnages qu'il n'est pas besoin de décrire ici ) finit par rentrer dans le magasin, et par fureter à la recherche d'objets hétéroclites. Soudain, le marchand crie au voleur !
...Et la partie s'arrête là (nous n'avons pas encore joué la suite !)
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Ici, j'ai une question et une remarque.
La question, c'est :
au moment où Gaspard lance son personnage dans des provocations pour déclencher une bagarre ( scène2), il n'est clairement pas dans une grande synesthésie, parce que son but (provoquer la bagarre) ne vient pas de la situation de jeu, mais d'une envie de fun extérieure à la situation. C'est un désir qui se situe uniquement au niveau utilitaire, et qu'il va artificiellement transmettre au niveau sympathique, d'où :
Hiérarchiquement, y a t-il un niveau assujetti à l'autre ?
En fait, cette question m'est venue spontanément en écrivant le CR, parce que j'avais toujours eu l'impression que ces niveaux étaient équivalents, mais s'il y a une hiérarchie entre les deux, ça peut certainement aider à comprendre là où la synesthésie est bloquée.
La remarque que j'ai faite (mais qui avait déjà été faite avant sur les autres CR impliqués dans le sujet) c'est qu'il est question d'attitudes du joueur et du personnage. Ici, on voit que les deux joueurs ont des attitudes différentes (entre eux, mais aussi parfois, des attitudes différentes de leurs personnages.) Et je me demande si finalement, au lieu de parler d'enjeux ou de vouloir, on pourrait plutôt parler d'allures. Ca me semble intéressant parce que c'est un terme dynamique, qui est proche de celui de "posture", mais qui indique un mouvement de jeu.
Qu'en pensez-vous ?
