Une petite précision, je sais qu’il m’arrive de lire des CRs pour découvrir des jeux auxquels je n’ai pas encore joué. Je pense que ça sujet n’intéressera que ceux qui connaissent déjà Ditv, on va entrer dans le détail des règles de résolution et je ne rappellerai pas le système du jeu.
Configuration de jeu : 3 participants
J’étais le MJ et je faisais jouer deux joueurs que je connais très bien (et pas seulement parce que nous avons partagé des dizaines de parties de JDR depuis presque 10 ans). Il y avait dans mes deux joueurs ma copine qui n’aime les système de résolution que quand ils sont en retrait, on en discutera dans la suite de mon CR mais ce qui la gêne n’est pas tant le fait de lancer des brouettes de dés que le fait de devoir faire des choix tactiques basés uniquement sur le système et déconnectés de ce qui est raconté.
Le village
J’évite en général de le faire mais j’ai repris le village que Fabien nous avait fait jouer (j’ai quand même relancé les dés pour retirer les fiches des PNJs) en lui piquant ses documents. Je me permets de tout recopier ici (ATTENTION !!!, si j’ai bien compris Fabien a l’intention de le réutiliser -notamment avec Romaric- si vous avez l’intention de jouer à Dogs avec lui prochainement tenez-vous éloigné de ce CR).
J’évite en général de le faire parce que je suis souvent déçu quand je cherche à réutiliser un scénario qui a donné une excellente partie. Peut-être parce que je perds en spontanéité, en tant que meneur il est possible que j’ai cherché à reproduire des scènes qui avaient marché dans ma partie précédente en faisant de mon « village » un « scénario » avec ce que cela implique de scripts.
Fabien a écrit :Orgueil
Frère Azariah est l’Intendant du village et considère qu’il doit vivre dans un grand confort matériel à
cause de sa lourde charge.
Frère Virgil est certain qu’il ferait un meilleur travail comme Intendant que Frère Azariah. Il sait que
Sœur Mindwell (la femme de Frère Azariah) vole dans le grenier.
Injustice
Frère Azariah prélève des taxes pour son propre bénéfice plus lourdes qu’il ne devrait.
Sœur Mindwell vole dans les greniers de la ville pour donner à manger à la famille de son amant,
Frère Cyrus.
Frère Azariah récolte bien au-delà de ses terres, empiétant largement sur les champs d’une famille
de Gens de la Montagne converti, dont le fils aîné est Frère Cyrus. Ils n’osent pas se plaindre par peur
Péché
Frère Azariah est marié à Sœur Mindwell, ils ont deux enfants adolescents, Frère Elijah et Sœur
Hester. Il bat sa femme pour des motifs triviaux, juste pour exercer son autorité.
Frère Azariah organise régulièrement des expéditions avec Frère Virgil et Frère Phineas pour
menacer la famille du Peuple de la Montagne convertis.
Sœur Mindwell a une liaison régulière avec Frère Cyrus (plus jeune qu’elle et non-marié), ils sont
vraiment amoureux.
Frère Elijah et Sœur Hester, frères et sœurs de sang, sont amants en secret et s’aiment
véritablement. Ils voudraient pouvoir se marier. Le Roi de la Vie a béni leur union : Sœur Hester est
déjà enceinte ; ils le savent mais ils gardent le secret.
Attaques démoniaques
Des insectes attaquent les récoltes, qui sont exceptionnellement pauvres cette année. Les habitants
du village ont faim.
Fausse doctrine
Frère Azariah est convaincu que les Gens de la Montagne convertis doivent souffrir afin de montrer
qu’ils ont véritablement abandonné leur ancienne foi.
Frère Cyrus est convaincu que les autres gens de la Foi n’ont pas la vraie Foi et que donc 1. le mariage
de Sœur Mindwell et Frère Azariah n’est pas valide et que donc il pourra épouser Sœur Mindwell dès
que possible, 2. voler les autres gens de la Foi n’est pas pécher.
Ce que veulent les PNJs
Frère Azariah veut que les Dogs approuvent sa vendetta contre ceux du Peuple de la Montagne.
Frère Cyrus veut que les Dogs mettent fin au vol de récolte de Frère Azariah, à ses menaces, et au fait
qu’il batte sa femme, annulent son mariage avec Sœur Mindwell et la marient avec elle.
Sœur Mindwell veut que les Dogs la marient avec Frère Cyrus, sans forcément remettre en cause son
mariage avec Frère Azariah.
Frère Elijah et Sœur Hester veulent que les Dogs les marient officiellement afin que leur union ne soit
plus un péché et qu’elle soit reconnue par tous. Ils veulent également que les Dogs mettent un terme
aux mauvais traitements que leur père fait subir à leur mère.
Frère Virgil veut que les Dogs démettent Frère Cyrus de ses fonctions et le nomment Intendant. Il
veut aussi (comme beaucoup de gens dans le village) que Frère Cyrus arrête de prélever des taxes
excessives et que Sœur Mindwell arrête de voler dans le grenier.
Ce que veulent les démons
Les démons veulent que le village se transforme en un bain de sang, d’une part, et que le mariage
perde de sa sacralité d’autre part. Ils aimeraient que les Dogs usent de violence pour régler tous ces
problèmes et se barricadent derrière leurs règles pour justifier leurs actes.
Si les Dogs n’étaient jamais venus, Frère Azariah aurait finalement découvert 1. que sa femme le
trompe, avec un membre du Peuple de la Montagne en plus 2. que ses enfants couchent ensemble.
Il aurait tué sa femme à force de la battre puis chassé ses enfants, avant de réunir ses partisans
pour exterminer la famille du Peuple de la Montagne. Après être devenu un tyran régnant sur le
village en solitaire, il aurait été détesté de tous et finalement abattu dans le dos par Frère Virgil avec
l’approbation silencieuse de tout le village. Frère Virgil serait devenu l’Intendant du village. Sœur
Hester et Frère Elijah se seraient enfuis de leur foyer pour vivre de rapines à la lisière du village ; elle
serait morte en couche, il aurait vécu comme un paria et serait finalement mort de faim ; leur bébé
aurait été adopté par une famille ne connaissant pas son origine.
Entrons maintenant dans le vif du sujet. Je vais me contenter de « zoomer » sur quelques scènes qui n’ont pas du tout fonctionné et chercher à expliquer pourquoi.
Je ne me souviens plus des noms des deux frères créés par les joueurs* mais il s’agissait de PJs très croyants ayant de nombreux traits du type « je crois dans le livre de la vie », « proche des écritures », etc, etc. Ces deux personnages étaient a priori intéressants car la partie allait être l’occasion de confronter leur naïveté à une réalité rugueuse (je notais avec un petit sourire en coin que le personnage de ma copine ressemblait beaucoup à celui que j'avais joué moi-même).
Le personnage de ma copine était le neveu de frère Azariah et de sœur Mindwell.
Le problème est apparu dès les initiations : les personnages étaient des sortes de Josephine ange-gardien ! Ils n’avaient pas besoin de recourir à la violence car ils parvenaient à résoudre les conflits par la parole, à la fois parce qu’ils étaient chanceux aux dés** et parce leur traits rendaient inutiles l’usage de la violence.
Évidemment les dilemmes sur le mode de « jusqu’où êtes vous prêts à aller pour atteindre vos objectifs » étaient un peu absents.
Première initiation :
Ma copine souhaitait que son Dog perde un peu de sa naïveté. J’ai décidé de le confronter à une scène de violence (piquée sur la partie que m’avait mené Fabien) : un homme battant une jeune fille qui venait de le voler.
Pas de chance : ma joueuse fait un lancé de dés remarquablement élevé. Elle parvient sans problème à résoudre la situation par le dialogue. Au moment de choisir quel trait lui ajouter il m’était difficile de respecter sa demande initiale.
Pour cette scène, Fabien m’a fait remarquer que j’aurai du jouer un conflit entre le personnage et sa naïveté : ma scène n’était pas adaptée.
Deuxième initiation :
Le Dog de mon deuxième joueur cherche à impressionner son mentor (qui fait partie des Dogs). Ils croisent une femme du peuple de la montagne au milieu d’une plaine désertique. Celle-ci est affamée et tient contre elle le cadavre de son bébé. Elle refuse leur aide, son enfant est mort sur des terres proches d’un village des Dogs et elle accuse le Roi de la Vie d’être responsable de cette tragédie.
La scène est plus intéressante, la femme insulte la foi du joueur, la discussion est plus animée. Mais encore une fois, la scène est résolue par le seul dialogue.
Cette terrible absence de dilemmes s’est malheureusement propagée pendant la partie elle-même. Et je m’obligeais à réduire les enjeux des conflits pour éviter que la naïveté de mes PJs emporte tout sur son passage. Un exemple :
L’arrivée chez Frère Azariah
Frère Azariah a proposé aux joueurs de venir diner chez lui (rappelons qu’il bat Sœur Mindwell, la tante d’un des PJs). Je l’avoue j’avais en tête cette scène de ma première partie où -en plein repas- Sœur Mindwell renverse un plat ce qui provoque la colère de son mari qui la frappe violemment devant les invités.
Arrivés dans la maison, Sœur Mindwell ne vient pas les accueillir (« elle s’occupe du repas »), son neveu PJ va la voir dans la cuisine, remarque qu’elle a une trace de coups sur son visage. Sœur Mindwell prétend être trombé dans les escaliers, le PJ ne la croit pas et je lance un conflit pour lui faire avouer la vraie raison de ces marques. Le PJ parvient à lui faire avouer la source de ces marques mais Sœur Mindwell lui demande de ne rien dire (« Frère Azariah n’est pas toujours comme ça, c’était ma faute si je l’ai mis en colère »).
(Je sais que c’est une erreur de lancer un conflit pour révéler/ou non des éléments de l’intrigue. Je me suis à la fois fait prendre par la force de mes habitudes et par le fait que j’avais au fond de moi envie que les joueurs soient surpris par la réaction de Frère Azariah).
Les PJs vont quand même s’installer à table et je joue quand même la scène où frère Azariah frappe sa femme devant les invités. Cela mène évidemment au conflit. Comme d’habitude mes joueurs font un score exceptionnellement élevé, ajoutons qu’il s’agit d’un conflit à 2 contre 1 ce qui ne laisse pas beaucoup de chance à Frère Azariah.
Encore une fois le conflit est très décevant, Frère Azariah escalade en sortant les poings mais cela ne suffit pas à créer du dilemme : les joueurs décident de continuer à le raisonner par les mots. Ils y parviennent. Josephine Ange-Gardien au Far-West…Yiheah…
Une remarque quand même, le système de résolution est très présent. Mes joueurs passent pas mal de temps à optimiser les dés utilisés dans leurs relances. Cet aspect tactique les sort de la fiction. Ils soulèvent un problème que j’avais déjà remarqué lors de ma partie avec Fabien (c'est bien la seule critique que j'aurai pu formuler vis à vis du système) : il arrive qu’un joueur enchaine une réplique à une attaque de l’adversaire et une attaque. Exemple :
Dog (Raise) : «Frère Azariah, la parabole de Jacob dans le livre de la Vie nous montre qu’il faut accepter ce que l’on a perdu. Sœur Mindwell a renversé notre repas mais vos coups ne le feront pas revenir dans nos assiettes »
Azariah (Riposte) : «Quand on gère un village comme je le fais, on ne peut pas se permettre de se référer au livre de la Vie. »
Azariah (Raise) : « Sœur Mindwell aura appris une bonne leçon aujourd’hui. Elle cessera d’être maladroite demain. »
Ici le joueur aimerait intervenir entre les deux dernières répliques de Frère Azariah et répondre à l’objection sur le livre de la Vie. Le système l’en empêche…
En conclusion : la partie ne s’est pas bien passée du tout. Elle enchainait des discussions longuettes, sans enjeu et sans dilemme. Il y a certes une malchance exceptionnelle dans les lancers de dés mais c’est le système de résolution lui-même qui fut mal vécu à notre table.
Même si j’identifie déjà quelques erreurs dans ma maîtrise, il me semble quand même que ma partie soulève de difficultés que je ne me vois pas résoudre d’un claquement de doigts (problème de séquençage des échanges verbaux, problème de la tentation d’optimiser longuement ses « coups » lors des conflits, trop grande puissance des PJs qui se mettent à 2 contre 1). C’est bien dommage : j’ai très envie de réussir à retrouver les sensations de ma première partie.
Notons que la partie s'est terminée de façon assez ironique. J'ai décidé de provoquer une scène de violence, frère Azariah et ses acolytes attaquant la maison de Frère Cyrus. Pour la première fois de la partie mes joueurs se sont pris des retombées. Dont 3D10 pour un joueur. Croyez le ou non mais il est mort sur le coup...Ce que nous avons vécut ce soir là, aucun probabiliste ne l'avais jamais vécu...
*Remarquons qu’ils étaient tous les deux de sexe masculin. Ma copine ayant crée un frère et non une sœur. Les prérogatives des Dogs ne dépendent pas de leur sexe mais -une fois terminée leur carrière de Dog- la position sociale de la femme ne traduit par la qualité de son mariage. Il m’a semblé que cet aspect l’a agacé et que c’est avant tout pour ça qu’elle a joué un frère et non une sœur.
**D'où le titre du sujet. Je pense que mes joueurs et moi pouvons raisonnablement prétendre à être compétents en théorie des probabilités. Nous fûmes pourtant continuellement soufflés par la faiblesse des jets du MJ et par la puissance de ceux des PJs.