[Shadowrun] Dés et incertitude : Le Pari de Pascal

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[Shadowrun] Dés et incertitude : Le Pari de Pascal

Message par edophoenix » 26 Août 2008, 22:12

( excuse-moi, Christoph, j'avais pas vu qu'il fallait ouvrir un nouveau fil... :oops: désolé de pas avoir bouturé. :oops: )

Dans le jeu ( de rôle ou autre ) l'avantage des dés, c'est qu'ils apportent de l'incertitude, pas dans le sens d'une surprise, mais dans le fait que la construction du jeu ne peut être définie à l'avance : c'est ce qui fait la différence entre un jeu sans système aléatoire : le joueur participant à ce jeu porte déjà en lui toutes les prémisses de ses capacités à surmonter une épreuve.
( J'y ai d'ailleurs réfléchi sur Casus-NO, il y a actuellement un autre topic sur le même sujet )
Peu importe alors quelles sont les péripéties impliquées dans la partie ( que ce soient des péripéties mises en place par les règles du jeu, ou mises en oeuvre par le meneur ) : la construction finale ne dépendra pas de la résolution de ces péripéties, puisque cette résolution est résolue intrinsèquement par les caractéristiques correspondantes ( au jeu d'échecs, par exemple, un Fou sur case blanche, quelque soit la situation, ne pourra jamais aller sur une case noire, mais a accès virutellement à toutes les cases blanches du jeu. ).
Dans ce cas, la construction n'est déterminée que par les décisions des joueurs participant, et le cas échéant, par le meneur de jeu ( c'est le cas dans une partie de "jeu à rôle, comme les Loups Garous de ThierceLieu. )

Si on ajoute un élément de variable aléatoire, cela confère au jeu un élément de non-prévisibilité ( je ne parle pas d'imprévisibilité au sens pur ! ) c'est-à-dire un potentiel événement non prévu.
Dans le cas d'un jeu de rôle, le facteur aléatoire peut modifier la partie en menant la partie vers une issue que n'avait pas prévue le MJ ( ni les personnages-joueurs, également ).
C'est là que réside l'intérêt du dé : il permet de faire évoluer l'histoire d'une façon nouvelle.

Si tel PJ a échoué dans le décodage d'un site de la Matrice ( je prends un exempleque je connais bien, Shadowrun, excuse-moi Christoph ! ) :
Il va falloir trouver une autre solution pour qu'il accède à l'information qui lui permettra de remplir sa mission ; il va donc voir un contact pour obtenir cette info - une action qui n'était pas prévue à l'origine par le MJ. De plus, il se trouve que ce contact fait partie de l'organisation ennemie, mais s'avère être un agent double, espionnant l'organisation ennemie pour un tiers. Donc, en allant le voir, le PJ le grille. Ce faisant, il a changé le scénario qui prévoyait que l'agent double devait le rencontrer à un autre moment et pour une autre action.
Bref, le run doit donc se terminer d'une façon imprévue.

On aurait pas abouti à ce résultat sans le jet de dé foiré : parce que n'était pas le résultat prévu par le MJ d'une part, et d'autre part parce que le joueur impliqué avait la compétence suffisante pour parvenir à cracker le code ( pitin di fumble..! )

Le deuxième résultat, c'est que la Campagne se basait sur une trame autour du contact agent-double. Comme il est grillé, la Campagne a dû être modifié pour prendre en compte cela. Conséquemment, dans la partie suivante, le PJ, au lieu d'être embauché par ce contact afin de transmettre des infos à la tierce organisation, a été embauché par l'organisation ennemie pour une chasse à l'homme : retrouver ledit contact.

Un jet de dés a donc changé le cours de l'histoire.
S'est-on moins amusé pour autant ? Pour ma part, ç'a été plutôt le contraire...
Dernière édition par edophoenix le 27 Août 2008, 22:19, édité 1 fois.
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Message par Christoph » 27 Août 2008, 13:27

Hello Edouard

Décidément, c'est pas ton fort de lire jusqu'au bout! Un peu de discipline, que diable. Bon, je t'assure, rien de grave, je bouture afin qu'on puisse parler de ton expérience en toute quiétude. Je pense en effet qu'elle aborde un autre sujet et comme tu as donné des éléments d'une partie afin d'illustrer tes points, ça fait un parfait début à un rapport de partie!
Tu peux éditer le titre du fil si tu penses qu'un autre nom serait plus adéquat.

Ne pas avoir peur de multiplier les fils, même si on croit que ça parle du même sujet. Sur ce forum, ce qui compte pour créer un nouveau sujet c'est: (a) le fait qu'on ait un nouvel auteur avec (b) une autre expérience. Sur les autres forums, c'est souvent le contraire: on rassemble tous les avis qui touchent vaguement au même sujet, ce qui ne donne pas, à mon avis, un terreau fertile pour de la discussion constructive.

Je relirai tranquillement ce compte-rendu dès que j'ai un peu de temps libre devant moi.

A plus!
Christoph
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Message par Frédéric » 27 Août 2008, 14:10

Concernant la non-prédictibilité, elle s'applique également avec certains jeux sans aléatoire.
Dans Nobilis, par exemple, les personnages ont des caractéristiques relativement fixes, et des jauges de points que les joueurs peuvent dépenser pour augmenter leur score et donc réussir de meilleures actions.
Mais qui sait le nombre de points que les joueurs vont oser dépenser ?

L'imprédictibilité de l'issue d'une épreuve est donc toujours présente. En revanche, la dimension "tactique gestionnaire" d'un tel processus de résolution des actions tranche avec l'espèce d'espoirr ou de désespoir quasi-religieux (espérance et désespérance ?) avec lequel on lance les dés.

Peut-on pour autant sortir de notre "zone de confort" avec des systèmes de résolution d'actions dont l'issue est non-prévisible, mais sans aléatoire ?
Frédéric
 
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Message par edophoenix » 27 Août 2008, 22:27

Frédéric (Démiurge) a écrit : Concernant la non-prédictibilité, elle s'applique également avec certains jeux sans aléatoire.
Dans Nobilis, par exemple, les personnages ont des caractéristiques relativement fixes, et des jauges de points que les joueurs peuvent dépenser pour augmenter leur score et donc réussir de meilleures actions.
Mais qui sait le nombre de points que les joueurs vont oser dépenser ?


Je constate une divergence dans nos conceptions respectives de l'aléatoire ( je préfère d'ailleurs parler de facteur aléatoire plutôt que de "dés" : le concept est plus large, il englobe le tirage au sort, la courte paille, la roulette, etc. ) :
La question que tu poses à la fin de ce premier paragraphe, pour moi, cela montre un aléatoire :
tant qu'il existe une variable - c'est-à-dire un élément qui ne dépend ni d'une décision d'action
( différent d'une décision de gestion, telle que tu en as présentée une dans ton paragraphe ),
ni d'une prédétermination dans les règles - il existe selon moi un facteur aléatoire.

Dans ce cas-ci, la variable inconnue est la prochaine action que le personnage-joueur va tenter après avoir exécuté la présente : cette procahine action dépendra de deux éléments ;
ils sont la situation dans laquelle se trouvera le personnage-joueur conséquemment à la résolution ( succès ou échec ) de son action présente et de celles des autres personnages ( joueurs ou non ) impliqués dans ladite situation d'une part,
et la réaction du joueur à cette situation :
ces deux éléments sont prévisibles à l'avance de diverses manières, mais elles ne peuvent l'être qu'à valeur de probabilité, et non à valeur de certitude.
J'y vois donc un facteur aléatoire, lié à la gestion et la dépense de points d'action ( ou de karma, ou je nesais ) : mais je reconnais volontiers qu'il est beaucoup plus subtil que le jet de dé..!

Frédéric (Démiurge) a écrit : L'imprédictibilité de l'issue d'une épreuve est donc toujours présente. En revanche, la dimension "tactique gestionnaire" d'un tel processus de résolution des actions tranche avec l'espèce d'espoirr ou de désespoir quasi-religieux (espérance et désespérance ?) avec lequel on lance les dés.

Peut-on pour autant sortir de notre "zone de confort" avec des systèmes de résolution d'actions dont l'issue est non-prévisible, mais sans aléatoire ?


Suite à mon explication précédente, je reviens donc sur une partie de ma définition du "facteur aléatoire" : Tu parles de "l'imprédictibilité de l'issue d'une épreuve" ; dans ce cas, je vais comparer trois systèmes :
celui de Shadowrun, dont je parlais plus haut, celui de Nobilis tel que tu me l'as décrit ( j'avoue que je n'ai pas encore eu l'occasion d'y jouer, donc je ne me base que sur ce que j'ai compris de ton explication ) et le jeu de Romaric.

Le système de Shadowrun est basé sur la somme du résultat d'un lancer de dé, et de la valeur de compétence du personnage-joueur, comparé à un seuil de réussite ( enfin, c'était le système que j'utilisais dans l'exemple cité plus haut, pour faire court. ).
Le système de Nobilis, selon ce que j'ai compris donc, serait un système de gestion de points ( et d'enchères ? ) - basé sur la somme de la valeur d'une caractéristique, et du nombre de point investi dans l'action ( comparé là aussi à un seuil de réussite ? ).
Le système de Sens est basé sur la comparaison entre deux valeurs fixes.

Dans les deux premiers cas, la présence d'une variable entraîne celle d'un facteur aléatoire ( selon mon point de vue expliqué précédemment ).
Dans le troisième cas, les valeurs étant prédéterminées, il n'y a pas de facteur aléatoire. On pourrait dire que le personnage-joueur sait déjà s'il va réussir ou non l'action avant de l'accomplir, à la condition bien entendu que le Meneur lui indique la valeur opposable ( la Rune - ou caractéristique - de l'objet manipulé, par exemple ).
Cependant, même si la condition n'est pas rempli, les deux valeurs restent fixes : la réussite ou l'échec de l'action ne dépend ni d'une décision humaine, ni d'une variable, mais de ces deux valeurs - tout au plus peut-on mettre en cause l'évaluation de la valeur opposable par le Meneur, si celle-ci n'est pas prédéterminée dans le scénario.
Il n'y a donc pas de facteur aléatoire.

Cependant, lors de la partie que j'ai pu faire avec Romaric, du point de vue du joueur, l'imprévisibilité du résultat de son action a dépendu uniquement du fait que le Meneur ne révélait pas aux joueurs les valeurs opposables à leurs actions.
Ce qui fut une très bonne chose.

Mais pour conclure, je dirais qu'il existe davantage de ramifications dans le deuxième cas, que dans celui qui dépend uniquement du profil du personnage-joueur :
dans le cas n°1 on a droit à deux réponses absolues : le personnage est capable /le personnage n'est pas capable.
Dans le cas n°2 on a droit à deux probabilités : celle de réussite et celle d'échecs.

Pour en revenir à mon propos initial dans ce fil, la différence entre la partie de Sens et celle de Shadowrun que je citais au début du jeu, peut être décrite par le "pari de Pascal" :
Dans ses Pensées, il indique deux possibles :
existence de Dieu,
et non-existence de Dieu.

Je pars du principe que le joueur n'indique pas pour quel possible son personnage parie : il décide juste de prendre part au pari en lançant le dé, ou en annonçant l'action et la valeur de la Rune - ou caractéristique - appropriée à celle-ci.

Si l'on fait ce choix dans le cadre de Sens, le résultat est prédéterminé par des valeurs immuables ( Rune du personnage-joueur contre la Rune de la "réalité de Dieu" - existant ou non-existant - ) : ainsi le résultat est toujours le même, prédéterminé.
Si les valeurs prévoient que le joueur gagne, il gagnera, car aucune variable ne vient troubler cette résolution.

Dans le cas de Shadowrun, le succès ou l'échec de l'action du personnage-joueur est fonction d'une variable : le résultat est incertain.
C'est cette incertitude qui ouvre la voie à un possible alternatif, donc à une ramification de l'histoire. ( et dans le cas de Nobilis, c'est la non-connaissance de la difficulté de l'action suivante qui constitue l'incertitude. Suivant l'évaluation du joueur, le nombre de points qu'il investit est donc la variable ).
L'existence de ce possible alternatif permet de "bousculer" l'histoire préétablie dans le scénario, d'une manière plus importante que ne le permet le profil du personnage dans "Sens".


Donc, dans Sens, le résultat est déterminé à l'avance, alors que dans Shadowrun, il est assujetti à des probabilités : c'est là que se situe selon moi l'intérêt du facteur aléatoire ; il permet de constuire différemment la trame de la partie.

Je n'ai pas de préférence personnelle pour un système ou pour l'autre ; j'aime les deux : Leurs avantages diffèrent, simplement, comme je me suis efforcé de le montrer.
Mais l'imprédictibilité dont tu parlais ne peut exister que dans celui où existe cette variable, ou ce facteur aléatoire - quel qu'il soit : le résultat d'une fonction systémique sans variable aléatoire est toujours prédictible dans ma conception du jeu.
"Le Paradis, c'est un roman devant un bon feu ! " - Théophile GAUTHIER.
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Message par Frédéric » 28 Août 2008, 02:40

Admettons que dans une partie de Shadowrun avec le système de Sens, personne n'ait eu la valeur fixe suffisante pour craquer le code -le scénar n'étant pas basé sur les fiches de personnage en règle générale- on aurait pu obtenir le même retournement scénaristique, non ?
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Message par Marc » 28 Août 2008, 13:39

Le problème des systèmes "diceless", c'est qu'il donne encore plus de pouvoir au MJ, puisqu'il lui suffit de connaître les scores des joueurs pour avoir une idée particulièrement précise de la façon dont les choses vont se passer, et donc d'être encore plus directif !

Car qui décide des difficultés, sinon le MJ ? Et en l'absence de possibilités de dépassement (ressources, dés), cette décision est directe sur l'histoire en cours de construction.

Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, par contre, c'est du goût de chacun.
Marc
 
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Message par Frédéric » 28 Août 2008, 13:45

Oui, il me semble que c'est quelque chose qui est fréquemment reproché à Ambre.

Après, la gestion de ressources comme dans Nobilis pallie plutôt bien cela, car ce qui me semble important, dés ou pas, c'est que les choix du joueur aie une influence potentielle ou non sur sa capacité à réussir ou non l'action.

Edouard >> J'ai de gros doutes sur ton emploi du mot "aléatoire", je ne sais pas si tu l'emploies de façon étymologique (le destin, le sort, ce qui nous échappe car on n'a pas de prise dessus, auquel cas imprédictibilité est plus précis et tout aussi englobant) ou dans l'acception actuelle qui est synonyme de hasard...
Frédéric
 
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Message par Marc » 28 Août 2008, 15:12

Je trouve ta réponse très intéressante, Frédéric, parce qu'elle met au jour l'évolution majeure du jdr sur ces dernières années (à mes yeux) : on est passé de "les joueurs choisissent quelles actions ils tentent" à "les joueurs choisissent quelles actions s'accomplissent, et lesquelles échouent".

Le corollaire avec les systèmes à gestion de ressources, c'est la frustration ressentie par les joueurs (on en revient toujours au même point) lorsqu'ils dépensent des points sur une action qui n'avait aucune chance de réussir de toute façon...
Marc
 
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