Frédéric (Démiurge) a écrit : Concernant la non-prédictibilité, elle s'applique également avec certains jeux sans aléatoire.
Dans Nobilis, par exemple, les personnages ont des caractéristiques relativement fixes, et des jauges de points que les joueurs peuvent dépenser pour augmenter leur score et donc réussir de meilleures actions.
Mais qui sait le nombre de points que les joueurs vont oser dépenser ?
Je constate une divergence dans nos conceptions respectives de l'aléatoire ( je préfère d'ailleurs parler de
facteur aléatoire plutôt que de "dés" : le concept est plus large, il englobe le tirage au sort, la courte paille, la roulette, etc. ) :
La question que tu poses à la fin de ce premier paragraphe, pour moi, cela montre un aléatoire :
tant qu'il existe une variable - c'est-à-dire un élément qui ne dépend ni d'une
décision d'action ( différent d'une décision de gestion, telle que tu en as présentée une dans ton paragraphe ),
ni d'une prédétermination dans les règles - il existe selon moi un facteur aléatoire.
Dans ce cas-ci, la variable inconnue est la prochaine action que le personnage-joueur va tenter après avoir exécuté la présente : cette procahine action dépendra de deux éléments ;
ils sont la situation dans laquelle se trouvera le personnage-joueur conséquemment à la résolution ( succès ou échec ) de son action présente et de celles des autres personnages ( joueurs ou non ) impliqués dans ladite situation d'une part,
et la réaction du joueur à cette situation :
ces deux éléments sont prévisibles à l'avance de diverses manières, mais elles ne peuvent l'être qu'à valeur de probabilité, et non à valeur de certitude.
J'y vois donc un facteur aléatoire, lié à la gestion et la dépense de points d'action ( ou de karma, ou je nesais ) : mais je reconnais volontiers qu'il est beaucoup plus subtil que le jet de dé..!
Frédéric (Démiurge) a écrit : L'imprédictibilité de l'issue d'une épreuve est donc toujours présente. En revanche, la dimension "tactique gestionnaire" d'un tel processus de résolution des actions tranche avec l'espèce d'espoirr ou de désespoir quasi-religieux (espérance et désespérance ?) avec lequel on lance les dés.
Peut-on pour autant sortir de notre "zone de confort" avec des systèmes de résolution d'actions dont l'issue est non-prévisible, mais sans aléatoire ?
Suite à mon explication précédente, je reviens donc sur une partie de ma définition du "facteur aléatoire" : Tu parles de "l'imprédictibilité de l'issue d'une épreuve" ; dans ce cas, je vais comparer trois systèmes :
celui de Shadowrun, dont je parlais plus haut, celui de Nobilis tel que tu me l'as décrit ( j'avoue que je n'ai pas encore eu l'occasion d'y jouer, donc je ne me base que sur ce que j'ai compris de ton explication ) et le jeu de Romaric.
Le système de Shadowrun est basé sur la somme du résultat d'un lancer de dé, et de la valeur de compétence du personnage-joueur, comparé à un seuil de réussite ( enfin, c'était le système que j'utilisais dans l'exemple cité plus haut, pour faire court. ).
Le système de Nobilis, selon ce que j'ai compris donc, serait un système de gestion de points ( et d'enchères ? ) - basé sur la somme de la valeur d'une caractéristique, et du nombre de point investi dans l'action ( comparé là aussi à un seuil de réussite ? ).
Le système de Sens est basé sur la comparaison entre deux valeurs fixes.
Dans les deux premiers cas, la présence d'une variable entraîne celle d'un facteur aléatoire ( selon mon point de vue expliqué précédemment ).
Dans le troisième cas, les valeurs étant prédéterminées, il n'y a pas de facteur aléatoire. On pourrait dire que le personnage-joueur sait déjà s'il va réussir ou non l'action avant de l'accomplir, à la condition bien entendu que le Meneur lui indique la valeur opposable ( la Rune - ou caractéristique - de l'objet manipulé, par exemple ).
Cependant, même si la condition n'est pas rempli, les deux valeurs restent fixes : la réussite ou l'échec de l'action ne dépend ni d'une décision humaine, ni d'une variable, mais de ces deux valeurs - tout au plus peut-on mettre en cause l'évaluation de la valeur opposable par le Meneur, si celle-ci n'est pas prédéterminée dans le scénario.
Il n'y a donc pas de facteur aléatoire.
Cependant, lors de la partie que j'ai pu faire avec Romaric, du point de vue du joueur, l'imprévisibilité du résultat de son action a dépendu uniquement du fait que le Meneur ne révélait pas aux joueurs les valeurs opposables à leurs actions.
Ce qui fut une très bonne chose.
Mais pour conclure, je dirais qu'il existe davantage de ramifications dans le deuxième cas, que dans celui qui dépend uniquement du profil du personnage-joueur :
dans le cas n°1 on a droit à deux réponses absolues : le personnage est capable /le personnage n'est pas capable.
Dans le cas n°2 on a droit à deux probabilités : celle de réussite et celle d'échecs.
Pour en revenir à mon propos initial dans ce fil, la différence entre la partie de Sens et celle de Shadowrun que je citais au début du jeu, peut être décrite par le "pari de Pascal" :
Dans ses Pensées, il indique deux possibles :
existence de Dieu,
et non-existence de Dieu.
Je pars du principe que le joueur n'indique pas pour quel possible son personnage parie : il décide juste de prendre part au pari en lançant le dé, ou en annonçant l'action et la valeur de la Rune - ou caractéristique - appropriée à celle-ci.
Si l'on fait ce choix dans le cadre de Sens, le résultat est prédéterminé par des valeurs immuables ( Rune du personnage-joueur contre la Rune de la "réalité de Dieu" - existant ou non-existant - ) : ainsi le résultat est toujours le même, prédéterminé.
Si les valeurs prévoient que le joueur gagne, il gagnera, car aucune variable ne vient troubler cette résolution.
Dans le cas de Shadowrun, le succès ou l'échec de l'action du personnage-joueur est fonction d'une variable : le résultat est incertain.
C'est cette incertitude qui ouvre la voie à un possible alternatif, donc à une ramification de l'histoire.
( et dans le cas de Nobilis, c'est la non-connaissance de la difficulté de l'action suivante qui constitue l'incertitude. Suivant l'évaluation du joueur, le nombre de points qu'il investit est donc la variable ).
L'existence de ce possible alternatif permet de "bousculer" l'histoire préétablie dans le scénario, d'une manière plus importante que ne le permet le profil du personnage dans "Sens".
Donc, dans Sens, le résultat est déterminé à l'avance, alors que dans Shadowrun, il est assujetti à des probabilités : c'est là que se situe selon moi l'intérêt du facteur aléatoire ; il permet de constuire différemment la trame de la partie.
Je n'ai pas de préférence personnelle pour un système ou pour l'autre ; j'aime les deux : Leurs avantages diffèrent, simplement, comme je me suis efforcé de le montrer.
Mais l'imprédictibilité dont tu parlais ne peut exister que dans celui où existe cette variable, ou ce facteur aléatoire - quel qu'il soit : le résultat d'une fonction systémique sans variable aléatoire est toujours prédictible dans ma conception du jeu.