Scénar vs Impro
Suite à la discussion entamée sur le CR Nobilis et en lien avec ma construction scénaristique en schémas euristiques
Je tiens tout d'abord à préciser que pour moi l'improvisation a une place privilégiée au coeur du JDR, qu'il s'agisse de l'impro à laquelle a recours le MJ ou de celle des joueurs.
Un JDR sans impro, pour moi, c'est comme la mer sans les vagues, c'est comme les vagues sans l'écume, c'est comme l'écume sans le sel, c'est comme le sel sans le poivre...
D'un autre côté, un certain plaisir que je tire du JDR vient du fait de vivre des histoires riches avec des intrigues fortes et des rebondissements inattendus. Et de ce point de vue-là, la scénarisation permet de faire vivre un univers autour des personnages.
Je vais donc partir de deux expériences de jeu, que je considère aujourd'hui en partie comme des erreurs de jeunesse (malgré un grand plaisir partagé à la table), mais qui m'ont aidées à remettre en question le rôle de l'impro et de l'écriture scénaristique :
***
Une petite partie improvisée de Terres de légendes :
Les PJ avaient pour mission de récupérer un vase soi-disant volé, ayant donné lieu à des trahisons, combats, pièges, négociations etc.
Bref, après que deux joueurs sur quatre s'en allèrent dormir, nous avons continué la partie avec 2 joueurs : Frédéric (que nous appellerons Freco pour ne pas semer d'embrouilles) et Floriane plus moi : le MJ.
En fuite d'un village, poursuivis par une horde de soldats, les PJ se réfigient sous un vieux tertre... (banal).
Pour ma part, en tant que MJ, je n'avais aucune idée de ce vers quoi ils allaient arriver. Je leur ai donc demandé : "soit on clos l'aventure en voyant si vous récupérez le vase et si vous survivez, soit je rajoute des trucs pour prolonger réellement la partie."
Ils ont choisi la deuxième solution.
Dans le tertre, plusieurs salles étranges, sans cohérence architecturale. Un ancien tertre d'une civilisation disparue (youpi). Je me suis dit que j'allais me fendre d'une petite énigme... improvisée (et oui, à l'époque, je mettais encore des énigmes dans mes parties).
Cette énigme étant ficelée en impro totale, des tas d'éléments disposés de ci de là n'ont en fait servi à rien, si ce n'est faire perdre un temps considérable aux PJ qui tentaient toutes sortes de combinaisons. (en fait, il y avait des jarres et des plateaux à offrande. Les jarres contenaient des résidus poussiéreux qu'il fallait mettre dans les plateaux pour ouvrir la porte de la pièce dans laquelle était enfermé le personnage de Freco, attaqué par des squelettes tentant de l'enterrer vivant dans le sable (ils ont failli y arriver, ces satanés squelettes).
Tout d'abord, il était très intéressant de voir que la situation est devenue complexe, simplement par mes choix de réponse aux actes, parfois anodins de mes joueurs (par exemple, le fait de s'aventurer seul dans une pièce pendant que l'autre est ailleurs). Je n'ai fait qu'exploiter les situations pour créer plus de tension dramatique. Et ça, pour moi, ça fait partie des indispensables de l'impro en JDR.
Bon, j'ai réussi quelques pirouettes gratifiantes pour une énigme improvisée, plus proche de Zelda que d'autre chose.
Mais mes joueurs m'ont avoué qu'à un moment, ils se demandaient si moi-même je connaissais une façon de résoudre l'énigme... j'ai honteusement menti en leur disant que j'ai rapidement envisagé un moyen, alors que j'étais autant dans la confusion qu'eux.
Les joueurs l'ont senti et j'ai senti une baisse d'implication dans la partie.
Je pense que le fait que les joueurs aient ressenti de faibles incohérences ou des lacunes dans la narration leur a donné l'impression que la fiction était en carton pâte.
Et cela vient du fait qu'il est extrêmement difficile de générer une histoire cohérente tout en se souciant de la couleur, de la montée de la tension dramatique, du système et du reste...
***
Autre partie : quand les événements importants arrivent quand les PJ dorment.
Une partie contemporaine, basée sur des enquêtes, un petit système perso qui date de mes 13 ans, proche du Basic, avec lequel j'ai joué des années (pratique pour ne pas acheter de bouquins de JDR, non, ne me jetez pas dans les ronces...)
Scénar ambiance Stephen King...
Meurtre, dans un petit village d'écosse, enquête...
Des morts assez violentes et improbables...
Des PNJ qui font leur apparition...
Plein de suspects, mais aucune preuve...
Bref un scénar bien ficelé, une bonne petite intrigue pour un one shot assez long (7/10h)
C'était la deuxième fois que je faisais jouer ce scénar, avec un groupe de joueurs différents qui dès le début voulaient tenter des choses osées... mais voilà, ces choses osées risquaient de contrarier mes plans de MJ machiavélique (hum...)
Au bout de deux planifications échouées, et de deux scènes importantes passées pendant la nuit, le joueur Freco me dit : ok, c'est bien, maintenant on va se coucher et on attend la prochaine nuit qu'il se passe quelque chose...
Je suis devenu pivoine... je ne m'étais pas rendu compte à quel point mon scénar était linéaire et se jouait sans le concours des joueurs. Ils devaient faire x pour arriver à y... tout était écrit. Je ramenais les PJ sur les rails...
Heureusement que j'avais des joueurs gentils et compréhensifs. :-k
Je me rends compte que ce qui m'apparaît aujourd'hui comme des erreurs de jeunesse (pas si loin que ça) ne semblent pas tant que ça être des erreurs pour bcp de MJ... Car les parties extrêmement dirigistes ou complètement dans la tentative de l'illusion que le MJ n'improvise pas sont plutôt courrantes, si je ne m'abuse.
Pour ma part, je suis désormais très attaché à une transparence sur la façon de maîtriser une partie. Une partie improvisée qui ne partage pas suffisamment l'autorité avec les joueurs risque fort de devenir légère. Je pense qu'il est plus aisé pour un joueur de croire en un monde si ce monde est écrit. S'il se rend compte aux descriptions du MJ que le lieu est un lieu important et non pas un lieu inventé sur le pouce avec des clichés du genre.
Aussi, je pense que la liberté du joueur est déterminante pour le plaisir qu'en retirent les joueurs, mais elle inclue une part d'improvisation indispensable de la part du MJ et une transparence concernant leur possibilité d'emprise sur la partie.
***
Je vous propose donc de discuter des aspects positifs et négatifs de la scénarisation et de l'improvisation en JDR.
Je tiens tout d'abord à préciser que pour moi l'improvisation a une place privilégiée au coeur du JDR, qu'il s'agisse de l'impro à laquelle a recours le MJ ou de celle des joueurs.
Un JDR sans impro, pour moi, c'est comme la mer sans les vagues, c'est comme les vagues sans l'écume, c'est comme l'écume sans le sel, c'est comme le sel sans le poivre...
D'un autre côté, un certain plaisir que je tire du JDR vient du fait de vivre des histoires riches avec des intrigues fortes et des rebondissements inattendus. Et de ce point de vue-là, la scénarisation permet de faire vivre un univers autour des personnages.
Je vais donc partir de deux expériences de jeu, que je considère aujourd'hui en partie comme des erreurs de jeunesse (malgré un grand plaisir partagé à la table), mais qui m'ont aidées à remettre en question le rôle de l'impro et de l'écriture scénaristique :
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Une petite partie improvisée de Terres de légendes :
Les PJ avaient pour mission de récupérer un vase soi-disant volé, ayant donné lieu à des trahisons, combats, pièges, négociations etc.
Bref, après que deux joueurs sur quatre s'en allèrent dormir, nous avons continué la partie avec 2 joueurs : Frédéric (que nous appellerons Freco pour ne pas semer d'embrouilles) et Floriane plus moi : le MJ.
En fuite d'un village, poursuivis par une horde de soldats, les PJ se réfigient sous un vieux tertre... (banal).
Pour ma part, en tant que MJ, je n'avais aucune idée de ce vers quoi ils allaient arriver. Je leur ai donc demandé : "soit on clos l'aventure en voyant si vous récupérez le vase et si vous survivez, soit je rajoute des trucs pour prolonger réellement la partie."
Ils ont choisi la deuxième solution.
Dans le tertre, plusieurs salles étranges, sans cohérence architecturale. Un ancien tertre d'une civilisation disparue (youpi). Je me suis dit que j'allais me fendre d'une petite énigme... improvisée (et oui, à l'époque, je mettais encore des énigmes dans mes parties).
Cette énigme étant ficelée en impro totale, des tas d'éléments disposés de ci de là n'ont en fait servi à rien, si ce n'est faire perdre un temps considérable aux PJ qui tentaient toutes sortes de combinaisons. (en fait, il y avait des jarres et des plateaux à offrande. Les jarres contenaient des résidus poussiéreux qu'il fallait mettre dans les plateaux pour ouvrir la porte de la pièce dans laquelle était enfermé le personnage de Freco, attaqué par des squelettes tentant de l'enterrer vivant dans le sable (ils ont failli y arriver, ces satanés squelettes).
Tout d'abord, il était très intéressant de voir que la situation est devenue complexe, simplement par mes choix de réponse aux actes, parfois anodins de mes joueurs (par exemple, le fait de s'aventurer seul dans une pièce pendant que l'autre est ailleurs). Je n'ai fait qu'exploiter les situations pour créer plus de tension dramatique. Et ça, pour moi, ça fait partie des indispensables de l'impro en JDR.
Bon, j'ai réussi quelques pirouettes gratifiantes pour une énigme improvisée, plus proche de Zelda que d'autre chose.
Mais mes joueurs m'ont avoué qu'à un moment, ils se demandaient si moi-même je connaissais une façon de résoudre l'énigme... j'ai honteusement menti en leur disant que j'ai rapidement envisagé un moyen, alors que j'étais autant dans la confusion qu'eux.
Les joueurs l'ont senti et j'ai senti une baisse d'implication dans la partie.
Je pense que le fait que les joueurs aient ressenti de faibles incohérences ou des lacunes dans la narration leur a donné l'impression que la fiction était en carton pâte.
Et cela vient du fait qu'il est extrêmement difficile de générer une histoire cohérente tout en se souciant de la couleur, de la montée de la tension dramatique, du système et du reste...
***
Autre partie : quand les événements importants arrivent quand les PJ dorment.
Une partie contemporaine, basée sur des enquêtes, un petit système perso qui date de mes 13 ans, proche du Basic, avec lequel j'ai joué des années (pratique pour ne pas acheter de bouquins de JDR, non, ne me jetez pas dans les ronces...)
Scénar ambiance Stephen King...
Meurtre, dans un petit village d'écosse, enquête...
Des morts assez violentes et improbables...
Des PNJ qui font leur apparition...
Plein de suspects, mais aucune preuve...
Bref un scénar bien ficelé, une bonne petite intrigue pour un one shot assez long (7/10h)
C'était la deuxième fois que je faisais jouer ce scénar, avec un groupe de joueurs différents qui dès le début voulaient tenter des choses osées... mais voilà, ces choses osées risquaient de contrarier mes plans de MJ machiavélique (hum...)
Au bout de deux planifications échouées, et de deux scènes importantes passées pendant la nuit, le joueur Freco me dit : ok, c'est bien, maintenant on va se coucher et on attend la prochaine nuit qu'il se passe quelque chose...
Je suis devenu pivoine... je ne m'étais pas rendu compte à quel point mon scénar était linéaire et se jouait sans le concours des joueurs. Ils devaient faire x pour arriver à y... tout était écrit. Je ramenais les PJ sur les rails...
Heureusement que j'avais des joueurs gentils et compréhensifs. :-k
Je me rends compte que ce qui m'apparaît aujourd'hui comme des erreurs de jeunesse (pas si loin que ça) ne semblent pas tant que ça être des erreurs pour bcp de MJ... Car les parties extrêmement dirigistes ou complètement dans la tentative de l'illusion que le MJ n'improvise pas sont plutôt courrantes, si je ne m'abuse.
Pour ma part, je suis désormais très attaché à une transparence sur la façon de maîtriser une partie. Une partie improvisée qui ne partage pas suffisamment l'autorité avec les joueurs risque fort de devenir légère. Je pense qu'il est plus aisé pour un joueur de croire en un monde si ce monde est écrit. S'il se rend compte aux descriptions du MJ que le lieu est un lieu important et non pas un lieu inventé sur le pouce avec des clichés du genre.
Aussi, je pense que la liberté du joueur est déterminante pour le plaisir qu'en retirent les joueurs, mais elle inclue une part d'improvisation indispensable de la part du MJ et une transparence concernant leur possibilité d'emprise sur la partie.
***
Je vous propose donc de discuter des aspects positifs et négatifs de la scénarisation et de l'improvisation en JDR.