Ce système est celui que je préfère pour un certain nombre de raisons que je vais essayer de détailler. Ce que j'aimerais faire ici, c'est dégager concrêtement ce que permet ce système, et voir dans quelle mesure on peut récupérer certains éléments pour les utiliser dans d'autres univers.
Je pars donc sur un exemple de partie, mais avant, je résume les caractéristiques principales du système.
1/ Tout fonctionne par mots-clef, et ceux-ci sont des traits, et désignent des "étants" : autrement dit, on peut avoir comme trait "mélée" mais aussi "petit". Chaque trait peut être utilisé, au choix du jouer ou du meneur. Par exemple, si le géant m'attaque, je peux utiliser "mélée", mais ça servira pas à grand chose et le meneur peut dire que l'épée sera ici un cure dent contre lui. Il me reste "course" ou "petit". J'ai course à 13 (sur 20) et "petit" à 18. Je vais donc me battre avec petit, et le combat visuellement s'en ressentira. Ce système de mots clefs est très intéressant, mais ce n'est pas sur ce point que je voudrais m'appesantir.
2/ Les oppositions se gèrent notamment en combat physique ou social par gestion d'un capital de points. C'est ce sur quoi je veux m'attarder, et sur quoi je vais donner un exemple. Chaque adversaire choisit une compétence, et le chiffre indique à la fois le capital de points de départ, ainsi que le score sous lequel il faut faire moins avec le dé. Jeter un dé ne décrit pas un round, mais un ensemble d'actions de longueur indéfinie au préalable et à décrire en jeu. Les deux adversaires lancent les dés en même temps, et vont miser des points. Ils misent à tour de rôle. A mise ses points et ils lancent les dés, puis on résout. Ensuite B mise ses points, ils lancent les dés, puis on résout. Il y a une table très simple qui indique le résultat. Les points misés sont les points perdus par le perdant de la passe, et peuvent même être gagnés par le vainqueur si la différence des jets est énorme. Le perdant retranche les points perdus de son capital de départ, mais il fera toujours les jets sous sa compétence normale. Le système prévoit évidemment des ajustements selon les circonstances et les objets utilisés.
3/ Le système gère (enfin !) les combats de masse de façon hyperfluide et sans changer de système : on prend le score du meilleur guerrier, et on ajoute à son capital de mise (pas sa compétence) tous les points de compétence de tous ceux qui se joignent à lui. Si l'adversaire lui fait perdre 20 pts d'un coup, on enlève un des suivants qui n'avait donné que 18 pts par exemple. Je reviendrai sur le combat de masse dans le second exemple.
Un premier exemple pour bien comprendre l'opposition à un contre un :
Aronius (personnage de Jayant) veut séduire Guang Juan (perso de Caro). Il lance donc l'offensive avec sa compétence intitulée "faire craquer les femmes" à 18. Mais il sait qu'il lui faudra être très subtil. Il pourrait lui dire "venez partager ma couche", mais il sait que l'asiatique va résister et comme une telle déclaration équivaudrait à miser 18 pts d'un coup, il n'ose pas. Il préfère y aller plus en douceur. "Comment vous portez-vous, ce soir, ma douce amie ?", seul le "douce" trahit son intention, et le joueur déclare miser 6 pts, et son uniforme lui donne un bonus constant de +1, donc il mise 7 au total. Caro va résister et entrer dans le jeu : elle choisit la compétence "faire tourner les hommes en bourrique" à 16. Elle ne mise pas, ici, puisqu'elle est en résistance. Les joueurs jettent les dés, on applique la table, et Guang Juan remporte non seulement l'échange, mais Aronius perd ses points. Pire, le résultat est tel que Gung Juan absorbe ses points. Cela signifie donc que la phrase prononcée par Guang Juan ou ses postures, ou la conversation, sont de nature à mettre Aronius non seulement en défaut, mais en plus terriblement mal à l'aise. Guang Juan peut contre attaquer donc, pour mettre Aronius définitivement hors d'état de produire une séduction en le ridiculisant, par exemple, mais elle peut aussi le laisser. Il a perdu 7 pts (y compris le point de sa robe, ce qui signifie peut-être que Guang Juan s'est moqué de son accoutrement). Il est très mal, et va donc tenter le tout pour le tout, car il ne lui reste que 11 pts. Il va donc non seulement miser tout ce qui lui reste, mais miser même 16+1=17 pts, car il peut miser le tout même s'il ne lui reste que 11. Seulement s'il perd, il ne sera plus à 0, mais en négatif, du coup, ce qui implique une situation non pas d'échec, mais de désastre. Il la prend donc dans ses bras et tente de l'embrasser. Elle tente de résister avec une autre compétence : "insaisissable" à 19, mais même si elle utilise cette compétence, elle continue la gestion des points avec la compétence de départ ("hommes en bourrique"). Les dés sont avec Caro. Elle s'échappe de son emprise et physique et morale, lui colle une gifle, et lui lance en plus un commentaire désobligeant sur ses succès féminins. Le pauvre se sent tout honteux. Il ne pourra pas retenter de la séduire avant longtemps et aura un malus sur toutes ses tentatives de séduction sur les femmes dans les deux semaines à venir (c'est ainsi que le meneur a choisi d'interpréter son résultat d'arrivée à -6pts).
Deuxième exemple, sur les combats de masse :
Trois semaines après, Aronius récide de retrouver Guang Juan. Il a revêtu une tunique plus belle encore (+2) pour la séduire, et a choisi un lieu adéquat en accord avec les couleurs de sa tunique (+1). Il a donc 18+2+1=21 pts. Manque de chance pour lui, Erek de Pomos (joué par Denis) se trouve là avec elle, et n'est pas d'humeur à laisser Aronius penser à des ébats en des temps aussi troublés. Denis compte bien faire échouer la séduction d'Aronius, et va utiliser pour cela sa compétence "sournois" à 14. Son 14 est inférieur au "faire tourner les hommes en bourrique" à 16 de Guang Juan, aussi, c'est Caro qui va jeter les dés sous le score de 16, mais elle aura un pool de pts de 16+14=30 pts grâce aux points du personnage de Denis. Mais Denis aura un rôle à jouer dans la partie. Aronius a retenu la leçon, il sera donc plus subtil et malin. Il va falloir d'abord écarter la menace de Erek de Pomos tout en courtisant Guang Juan. Il lance malignement un "tiens, Erek, tu n'es pas en train de prier ?" se rappelant que Guang Juan a horreur des histoires de son dieu et que la religion l'agace au plus haut point. Mais elle sait bien, inconsciemment, que si Erek s'en va, elle sera plus vulnérable aux avances. Aronius ne s'est point découvert, néanmoins, il mise 5 pts, puisque son capital est plus haut que la fois dernière. Echanges verbaux... Aronius remporte la mise et fait perdre 5 pts à Guang Juan, car Erek envisage de les quitter sous peu. Mais Guang Juan va ici répondre. Elle utilise la même compétence, et va utiliser les points de Erek (joué par Denis, donc) en faisant tourner Erek en bourrique. "Voyons, Erek, votre Dieu peut bien attendre midi. Ma compagnie ne le peut, elle. Songez que c'est la dernière fois que vous et moi nous promenons en ce lieu". Elle indique ainsi à Aronius qu'elle ne veut pas rester seule avec lui. Elle est donc très catégorique. Elle mise 8 pts. Echanges. C'est le jour d'Aronius. Elle perd 8 pts. Il ne lui en reste que 17, dont 1 à Erek. Cela veut donc dire qu'Erek est sur le point de partir. En effet, celui-ci s'est levé et échange ses derniers mots avec Aronius le coquin. Aronius veut enterrer l'affaire et mettre à mal la situation de Guang Juan. Il se sent chanceux et adroit aujourd'hui. Il lance un "après la prière, allez donc au village chercher un tonneau de bière, je serai assoiffé tout à l'heure", et il regarde avec gourmandise la jolie Gung Juan. C'est très gonflé de sa part, il mise donc 15 pts. ça passe ou ça casse. Et ça passe... mais juste. Il ne gagne pas de points, mais les fait perdre à Guang Juan qui se retrouve à 2pts. Erek est donc parti pour aller aussi chercher de la bière. Et il a pris Guang Juan dans ses bras qui trouve décidément qu'Aronius a un parfum de rose. C'est à Guang Juan. La situation est dramatique pour elle ; elle va sombrer. Elle tente une dernière chose. Le tout pour le tout. Elle va miser ses 16 pts personnels et déclarer "ce n'est pas la période du mois adéquate, mon cher". Si elle gagne, le dégoût envahira le vaillant Aronius. Si elle perd, il aura compris que malgré tout, c'est ce jour ou jamais, et que sans doute, elle ment. Mais Aronius la croit ; le jet de Jayant est une catastrophe. Il perd 16 pts et tombe à 5 pts. C'est lui qui doit tenter le tout pour le tout, car elle vient de gagner 16 pts de son côté avec un jet "critique" de 1 sur le D20. Voilà Aronius qui se contera d'un baiser. Il sent bon, il lance son regard de braise, tellement profond qu'il sait que s'il échoue, ce stratagème ne marchera plus jamais (le MJ le lui interdira). Ce regard de braise aurait pu marcher, mais la chance était vicieuse, aujourd'hui. Ce regard n'atteint pas Guang Juan qui déclare qu'elle a vu trop de femmes faciles y succomber, et qu'il serait honteux de s'y laisser prendre. Elle s'en va donc. Aronius a encore échoué, et étant en négatif, ne pourra plus user de son regard, ni de son apparence sur Guang Juan. Jayant se dit que son personnage ne pourra jamais la séduire. Il lui reste un atout, les actes : la sauver de l'ennemi, les femmes adorent ça. Dans quelques mois, peut-être, il tentera une troisième et dernière fois...
