Ceci plus à des fins d'archivage que de présentation du jeu, vu qu'il manque toute la partie système qui sous-tend les conflits (enfin, conflit oral pour Frère Ezekiel)
Je me demande d'ailleurs si ce serait utile de développer un codage léger à inclure en début de conflit pour les résultats aux dés obtenus et en fin de narration pour indiquer les dés employés.
Exemple: "blablabla... bla... blabla... MEURS!" [8 9]
Qui indiquerait qu'on monte avec un 8 et un 9 pour un total de 17 (ou on pourrrait aussi dire relancer, comme au poker)
Réponse possible: "#§@% !!!" [+7, 10 7]
Où le joueur a obtenu un 7 grâce à un trait, puis a vu avec un 10 et un 7.
Qu'en pensez-vous?
Voici donc les deux scènes dont j'ai édité la typographie, les fautes de frappe (et reconnaissance vocale :)) et l'orthographe pour rendre plus agréable. Un losange indique un changement de joueur, sachant que c'est le MJ (moi) qui commençait.
- Frère Ezékiel "Arrivera-t-il à surmonter son aversion des armes à feux?"
- Frère Ezékiel suivait Frère Jonathan sur les chemins rocailleux et couverts de poussière qui sillonaient le fond de la petite vallée depuis des heures. Le soleil tappait dru et les deux Chiens de garde du Roi de la Vie suaient à grosses gouttes. Les pas des cheveux faisaient crisser la maigre végétation sèche sous leurs sabots.
Les deux Fères avaient été envoyés par l'Ordre pour régler une affaire d'adultère dans le petit hameau de Rapid Creek. On ne leur avait rien dit de plus.
Frère Jonathan: « Frère Ezékiel, regarde: voici les maisons du hameau! Quel misère d'habiter ici... c'est sec et il n'y a que des rochers partout, pas étonnant que les gens d'ici essaient de se distraire comme ils le peuvent... » - « Se distraire ? Tu plaisantes, mon frère? »
- Frère Jonathan le regarde d'un air surpris: « Absolument pas. Le problème étant qu'ici, ils le font hors-marriage. »
- Stupéfait, frère Ezékiel lance un regard étonné au cavalier à ses côtés : « le Livre de la Vie nous dit : éloignez-vous des choses matérielles, élevez votre esprit vers le Roi de la Vie... »
- Surplombant le petit hammeau du haut de leur colline ocre, les deux cavaliers se regardent dans les yeux.
Frère Jonathan: « Bien sûr... mais, si tu crois que les gens suivent à la lettre ce qui y est écrit... tu crois que tu es né comment, hein? »
Sur ces mots, il se retourne face à la route et s'apprête à descendre le sentier. - « Le Livre de la Vie nous fut livré par le Roi de la Vie pour ordonner nos existences selon ces préceptes divins... L'homme peut faire erreur, mais son devoir est d'élever son esprit vers l'Éternel... »
- « Oui oui... comme tu dis... viens, on n'a pas de temps à perdre avec ces tergiversations, j'aimerais rentrer au plus vite au Temple. »
- « Allons-y. Des pêcheurs attendent notre délivrance. »
- Un homme âgé de la quarantaine attend sous l'avant-toit de sa maison de bois. Il tient un fusil de chasse à ses côtés. D'un air suspect il hèle les cavaliers.
« Bonjour étrangers, quel bon vent vous amène à Rapid Creek?« - « Nous sommes les Chiens de Dieu. Nous apportons aux fidèles la parole du Roi de la Vie, sa paix et des vivres pour ceux qui en ont besoin... »
- « Je suis le maire du hameau, je m'appelle Thomas.« Il se lève et s'avance vers les cavaliers, le fusil de chasse sous son bras, pas spécialement menaçant.
« Qu'est-ce qui vous amène ici, roublards? »
Frère Jonathan descend calmement de son cheval et repousse les pans de son manteau de cuir en arrière, faisant étinceller son gros calibre. Il jette un coup d'oeil à son confrère, attendant un signal de sa part. - « Les Anciens nous ont révélé que le péché d'adultère contaminait cette ville. Nous nous adressons à toi, Gardien, pour nous exposer la vérité et ouvrir ton coeur à la lumière du Roi de la Vie. »
Le regard bleu de Frère Ezékiel brille par sa sincérité. Il n'exprime que la douceur et l'appel au repentir... - « Ah oui... je vois qui vous êtes maintenant. »
Il se retourne vers sa maison et crie: « Joseph, amène les deux jeunes, les juges sont là! »
De la maison sortent deux hommes, trainant deux jeunes ligotés derrière eux, tels de vulgaires sacs de pommes de terres.
« Frères Juges, voici les deux fauteurs. La deuxième femme de Joseph, Conscience, trouvait très attirant mon fils ainé. Comment devons-nous les punir?« - « Le soleil de l'Ouest a-t-il voilé tes yeux, ô frère Gardien ? Et quel crime reproche-t-on à ses deux enfants du Roi de la Vie ?
« Je veux d'abord entendre de leur bouche qu'ils confessent leur crime. Le Roi de la Vie saura nous guider.
« Parlez sans peur, enfants, nul ne le doit craindre la vérité. » - Thomas fait signe aux hommes de leur enlever les foulards qui les empêchent de parler. Ils agissent visiblement dans la crainte du maire. Conscience a les joues humides et les yeux rouges, le jeune homme, Abraham, a le regard dur et stoïque. Ils ne parlent pas tout de suite.
« Allez, fils! Montre au moins que tu es un homme et réponds aux juges!« - « Parle, Abraham. Qu'as tu as dire ? »
- Il fusille son père du regard, puis se tourne vers les Chiens de Garde en baissant les yeux. « Je suis amoureux de Conscience...«
Joseph serre les machoires, Thomas explose:
« AMOUREUX! Tu te fiches de qui, nom de Dieu?! Vous avez forniqué, voilà quoi! » - « L'adultère est un crime très grave, car il porte atteinte aux sacrements sacrés du mariage. Comme le dit le livre de la vie (Mosaiah 1:13) :
« Si ce peuple hautement favorisé par le Seigneur vient à tomber dans la transgression et à devenir un peuple méchant et adultère, le Seigneur le livrera, afin qu'ainsi il devienne faible comme ses frères. » - Thomas se retourne, rouge et tremblant.
« Messieurs les juges, je suis prêt à exécuter mon fils pour le Roi de la Vie afin que les choses rentrent dans l'ordre. »
Il braque son fils avec son fusil.
Tout le monde sursaute, Conscience laisse s'échaper un petit cri d'effroi étranglé. - « Tu dois comprendre, Abraham, qu'en convoitant la femme d'un autre tu pèches non seulement contre la communauté, et contre son mari, mais envers le Roi de la Vie lui-même... Par contre, frère Gardien, il ne t'appartient pas d'en décider puisque tu as décidé que cela relevait des Chiens de garde et non de toi-même. Pose ton arme.
- « Je ne comprends pas ce que tu veux dire, Juge, mais je crois qu'on ferait mieux d'en finir tout de suite. »
Il arme le chien et vise.
« Donnez-moi le signal! »
Abraham reste silencieux, mais une tache humide apparaît au niveau du pantalon. - « Je comprends la honte et la colère que tu ressens envers ton fils, Gardien, mais il faut savoir écouter et pardonner. Je t'en prie, pose cet arme et écoute l'amour du père qui est en toi. »
Le jeune frère pose sur la main sur l'épaule de son aîné, d'un geste réconfortant.
Toute cette violence lui rappelle le cauchemar qu'il a vécu cette nuit-là, après laquelle il avait juré de ne plus jamais se servir d'une arme. Ce souvenir le hantait encore... « Il est possible d'en arriver à une solution par la parole, Gardien, la violence n'est pas nécessaire... Elle n'est jamais nécessaire... » Sa voix était sinistre et lourde de sous-entendus. - Thomas se raidit au contact, mais ne se retourne pas. Il fixe intensément son fils et tremble.
« Mais... il a commis un crime... il faut le racheter aux yeux du Père toutpuissant... »
Il commence à pleurer en silence et baisse son arme.
Tout à coup il s'élance sur son fils, la rage au coeur. Il se jette sur lui et commence à l'étrangler. - Frère Ezékiel s'empourpre de colère, et brandit bien haut le Livre de la Vie de son père. Sa voix résonne comme les clairons du Jugement Dernier. « HONTE SUR TOI FRÈRE THOMAS! TU OSES DÉFIER LA VOLONTÉ DU TOUT PUISSANT EN FAISANT JUSTICE DE TES PROPRES MAINS? CRAINS LA COLÈRE DU ROI DE LA VIE, ET REPENS-TOI DE TON ORGUEIL POUR QUE NE S'ABATTENT PAS SUR TOI LE PRIX DE TES PÉCHÉS !« La lumière du soleil perce les nuages à ce moment, comme si la volonté divine appuyait ses propos.
- Thomas s'immobilise à ces mots et roule de côté, laissant son fils souffler. Les deux autres hommes n'osent pas bouger. Conscience se traîne tant bien que mal vers son ami alors que Jonathan rejoint Arbaham pour vérifier son état.
Le maire regarde avec effroi le jeune Chien, toujours encore couché par terre dans la poussière et se couvre les yeux pour bloquer la lumière du Soleil.
« Oh mon Dieu, qu'ai-je fait? » s'exclame-t-il. Il se relève et s'en va avec son fusil. - Le coeur rempli d'orgueil, Ezékiel commande à Jonathan de faire fouetter les coupables, puis il ordonne à Abraham de quitter la ville pour refaire sa vie dans la Branche voisine, sans s'exposer au péché. Il renvoie la femme adultère à son mari, qu'il rappelle à ses devoirs de veiller sur la pureté de son épouse. « Les péchés d'un seul ne doivent pas corrompre la communauté du Roi de la Vie. »
La fierté naïve d'Ezékiel se transforme en silence glacé lorsqu'il trouve, au soir, le corps du Gardien dans le caniveau, la tête explosée par sa carabine. Les armes, toujours les armes...
Résultat des courses, il a résolu le conflit sans avoir recours aux armes à feu. Erick (Baron Samedi) a choisi un Trait en conséquence.
Puis il a reçu du fallout (retombée?): une réduction de 1 à la caractéristique de Coeur pour le prochain conflit (Erick a justifié cela en faisant valoir que Frère Ezékiel avait agi purement cérébralement, si je me souviens bien). Il a également bénéficié d'une retombée positive, dont je ne me souviens plus.
A savoir aussi que la fin est certes racontées par Erick, mais nous avions discuté hors-jeu du suicide du maire. Normalement, c'est le MJ qui contrôle les PNJ, DitV fait assez classique dans la répartition des domaines d'autorité.
(Elwyn, c'est pas bien de me parler sur messagerie instantanée droit quand j'ai besoin d'un nom biblique, ça m'inspire :P
Mais rassure-toi, le personnage n'a aucunement été inspiré de toi, dans quoi que ce soit comme domaine ;))
- Frère Jebediah "Parviendra-t-il à remettre une prostituée sur le droit chemin?"
- Frère Jebediah se promenait un soir dans les rues de Bridal Falls, après une dure journée d'entraînement. Une jolie fille l'accoste:
« Bonsoir mon frère, pourrais-je vous demander un petit peu d'argent? Je n'ai rien mangé depuis longtemps! »
Elle a les yeux rougeâtres et de grandes cernes, des noirs cheveux mal coiffés.
Son haleine dégage une faible odeur d'alcool. - « Comment ta dignité peut-elle te permettre de mendier ? Tu me dis être affamée, taplastique devrait attirer les mâles à la ronde ! »
- Elle soupire. « Cela se voit donc tant cela? Si tu veux on peut négocier quelque chose dans ce goût également, j'ai le temps.«
- « Je n'ose comprendre ce que je viens d'entendre... A quelle condition te soumets-tu ? Maraude ? Je n'ai que faire à risquer de me faire égorger ou débaucher dans un tel taudis. Comment en es-tu donc arrivée là? »
- Elle regarde le jeune homme de travers.
« T'es un peu contradictoire, toi, hein? T'en fais pas, je suis seule. Je ne te demanderai rien d'astronomique, ça dépend juste de ce que tu veux.« - « Ce que je veux? Tu prétends pouvoir le satisfaire? Tu t'embourbes dans un aveuglement qui te conduiras à ta perte. Je peux t'aider ! »
- Elle lui fait de grands yeux.
« C'est quoi ce que tu dis? Si tu veux m'aider, donnes-moi donc une piècette ou décide-toi à coucher avec moi. Sinon je te laisse tranquille, faut pas te sentir obligé... » - « Penses-tu vraiment qu'un peu d'argent te permettrait de mieux vivre? »
- « Ahah... l'Homme ne vit pas d'eau et de pain seulement, c'est vrai, mais en avoir t'empêche de mourir de faim et de soif! T'es chou toi! » Dit-elle avec son plus beau sourire.
Elle carresse la joue du Chien de Garde et le regarde avec ses beaux yeux bleus. Elle a vraiment un joli visage, aves ces petites tâches de rousseur. - Jebediah attrape sa main avec force et la pousse contre le mur... « Comment oses-tu espérer obtenir ce que tu veux de moi par mes pulsions animales?
« Si la purrification par l'esprit ne suffit pas, je pourrais recourrir à d'autres moyens, car mon ascendance ne me bride pas l'âme, à moi, traînée ! » Il enserre ses mains autour de son cou. - Terrifiée, elle laisse s'échapper un cri et essaye d'appeler à l'aide, mais ne parvient pas à trouver l'air pour ce faire.
Elle retrouve cependant ses esprits et regarde l'homme avec des yeux noirs de haine.
Elle envoie un coup de genou dans les bijoux de famille de Frère Jebediah, avec beaucoup de conviction, tandis que son visage vire au bleu-violet. - Dans un étranglement rauque, frère Jebediah râle : « Tu es irrécupérable, le démon t'as souillée et à maintes reprises, ton châtiment sera à la hauteur de ta luxure ! »
Il se rue alors sur elle et serre, serre de toutes ses forces, son visage rougissant d'une fureur incontrôlée... - Le corps de la jeune fille devient tout mou, les iris partent sous les paupières, elle a perdu conscience. Sa respiration est faible, les marques à la gorge sont profondes. Additioné à l'alcool qu'elle avait dû boire avant, ça ne présage rien de bon pour son cerveau.
- Frère Jebediah sent un instant l'hésitation l'envahir. « Faut-il la laisser vivre? Elle ne prendra pas cela comme un sauvetage... Elle va s'éloigner davantage du chemin de dieu... Je ne peux pas la tuer... Elle ne mérite pas un tel châtiment... J'ai le choix, je suis maître de mon destin ! Pourtant, j'hésite ! Pourquoi mon coeur s'emplit-il de ce doute? Est-ce cette hésitation, le véritable symptôme de la liberté ? Et elle ! Elle s'est elle-même mise dans cette situation. La mort sera une délivrance face à l'inéluctabilité de son destin. »
Cela fait déjà plusieurs minutes que le souffle de la femme s'est éteint, que le sang a remplacé la salive coulant depuis la commissure de ses lèvres. Frère Jebediah s'éloigne en regardant fixement ses mains écarlates.
On n'a pas encore lancé les dés et déterminé le trait de fin d'initiation, faudra qu'on le fasse.
Problème d'IRC, c'est que c'est lent. En plus il fallait se familiariser avec les règles, donc tout ce qui est rapporté là correspond en fait à presque 6h!
On a aussi pas mal discuté hors jeu, c'est vrai, mais la lenteur du média me donne de plus en plus envie de m'acheter un casqueµ et d'utiliser Skype.
Néanmoins, j'ai trouvé super chouette et bien que je me faisais du souci puisque c'était la première fois que je maîtrisais, ça c'est très bien déroulé. Erick avait connaissait bien les règles et a pu m'aider sur quelques points, donc c'était tout à fait gérable.
Erick et Fred, je vous propose de poster à la suite dans ce thread vos personnages mis à jour (pour Fred, dès qu'on aura eu le temps de gérer les retombées).
On pourra également discuter des points positifs et négatifs et autres détails en attendant une prochaine partie!
[Ajout du 13 août 06: ]
Voici l'initiation du personnage de Wenlock:
- Frère Samuel "Va-t-il pouvoir rendre de la joie de vivre à Aleister Cray avant de partir ?"
- Fin d'aprés-midi près de la ferme des Cray, une sorte d'oasis matriarcal dans un océan d'herbe jaunie au soleil. Une poignée de vaches traînent dans l'enclos. Frère Samuel chevauche Hannibal par le sentier de la vallée et monte pesamment vers le portail en bois grossier, baissant la tête pour se protéger de la poussière soulevée par le vent d'est.
- La vieille maison en bois devenu grisâtre sous les lents assauts du temps fait un arrière plan tristounet pour les femmes travaillant dans le jardin. Elles saluent Frère Samuel et Soeur Bénédicte vient ouvrir le portail, souriante.
« Bienvenu, Frère Samuel. J'espère que tu as fait bonne route et que tu te portes bien! Déborah va bien? » - « Bonjour, ma soeur. Oui, Deborah se... porte... très bien. Voilà, très bien. »
- « Cela fera du bien à Frère Aleister que tu viennes le voir, il n'a pas du tout le moral ces jours. »
- « Je... oui, je m'en doutais, c'est à dire même en fait que... hem. Je...je suis venu pour le voir. »
- En marchant, les autres femmes se lèvent pour te saluer brièvement puis retournent à leur tâche. Soeur Bénédicte te conduit à la maison et prend ensuite Hannibal pour le conduire à l'écurie. La porte est ouverte, il fait sombre à l'intérieur.
- Frère Samuel (qui, donc, avait préparé son discours dans sa tête tout le long de la route et se trouvait fort dépourvu de n'avoir pas conservé l'initiative de la conversation) reprend un peu contenance pendant ces quelques pas. « Merci, ma soeur. »
Il entre dans la salle à manger que les volets fermés remplissent d'ombre, cherche des yeux les reflets métalliques du fauteuil et salue avec un sourire triste : « Bonjour, Caporal. » - « Salut Frère Samuel. Je te propose de juste m'appeler Frère Aleister, l'armée c'est fini pour moi, il y a bien longtemps. Viens t'asseoir près de moi. »
Visiblement ému de la venue de Frère Samuel, il n'en dit rien pour autant. - Samuel s'avance dans l'ombre, dans la vague direction d'une silhouette de chaise libre.
« Pourquoi restes-tu ainsi dans les ténèbres, mon frère ? Pourquoi fuis-tu la lumière ? » - L'homme abattu regarde l'âtre éteinte devant lui et semble réfléchir.
« J'aurais trop mal de voir ce que je ne puis plus parcourir. » - « Tu te trompes : tu ne peux plus courir, mais il ne tient qu'à toi de chevaucher encore, de vivre encore, autrement qu'avant.
« Tu n'es pas mort mon frère. Il me semble parfois que tu le regrettes, mais ne crois pas que le Créateur te punis.
« Il t'offre au contraire une chance de vivre encore. Différemment, c'est tout.
« Il me semble, mon frère, que tu t'évertues à gâcher cette chance en la refusant plutôt qu'à l'accepter pour en jouir.
« Ce n'est pas seulement irrespectueux de Sa volonté, c'est aussi dommage. Il faut que tu te décides à vivre encore parce que le Créateur qui n'a pas voulu que tu meures ne voudrais pas non plus te voir gâcher ta chance. Tu dois sotir d'ici, regarder le soleil et tes soeurs qui travaillent dans le jardin, et qui ont besoin d'un frère aussi capable que toi. Tu es leur seul frère, Aleister, ne te gâches pas puisqu'elles ont encore besoin de tout c que tu pourras leur donner, de la voix, de la tête et des bras. Viens mon frère, sors donc à la lumière et regarde si ce que tu crois perdu est si loin que tu crois. » - Il te suit la mine basse, les roues grincent ostensiblement, le parquet craque. Arrivé au seuil, il regarde la vue, sourit, respire, puis s'effondre en larmes et se cache le visage dans les mains.
Entre deux sanglots: « Comment veux-tu que je leurs sois encore utile? Je ne peux rien faire, rien! Je ne suis qu'une bouche à nourir et un homme vieillissant à entretenir! » - Samuel regarde autour de lui, silencieusement. Il regarde les soeurs, la mère, le petit potager, les collines proches, le chemin, l'enclos, les bovins inertes...
...et l'écurie.
Il s'éloigne à grands pas vers l'écurie, ouvre la porte, sourit à Hannibal, entre dans le box pour le détacher, lui flatte une oreille et y murmure :
« Viens mon vieil ami, je dois te présenter quelqu'un... »
Puis il guide le cheval hors de la grange, vers le perron.
Il arrête le cheval au seuil de la maison.
Il chuchotte encore : « Reste-là ».
Puis se tourne vers le caporal en larmes : « Frère, viens avec-moi. Lève-toi. »
Et Samuel s'avance vers le fauteuil, en bloque les frein et soulève le caporal sous les aisselles.
Il le soulève de son siège, passe son bras droit sous ses épaules et fait descendre Aleister jusqu'au cheval : « Tu te souviens d'Hannibal ? Grâce à lui, je t'ai extrait du trou d'obus qui a dévoré ta jambe, mon frère. Il est lui-même blessé, mais il marche, vois-tu ?
Et il va te porter encore aujourd'hui pour que je te montre le cadeau que le Créateur t'a fait... » - « Mais... tu n'as pas honte de t'en prendre ainsi à un infirme, Sam? » proteste-t-il en souriant alors qu'il monte sur le cheval avec l'aide de Fère Samuel.
Il s'essuie les larmes du revers de sa chemise, prend les rênes en main et marmonne: « Je vais jamais y arriver... » - « Avec quoi dirige-ton un cheval, caporal ?»
- « Avec les genoux ?»
- « Alors puiqu'il te reste les deux, il me semble que tu as tout ce qu'il faut pour y arriver, au contraire...»
- Le caporal rayonne et regarde son ami et le salue: « Merci sergent! » Le cheval démarre sur un trot assuré.
- « Allons nous promener, mon frère, je crois que bien des arbres ont bourgeonnés sur tes terres sans que tu viennes leur rendre hommage, il faut y remédier... »
Alors, Samuel accompagnant Aleister à pied, les deux vétérans s'éloignent en devisant à travers les collines que le soleil de l'après-midi couvre d'or et de pourpre...