[Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

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[Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Fabien | L'Alcyon » 05 Sep 2012, 10:44

Je suis en ce moment à la recherche d'autres projets pour continuer à développer des jeux après Monostatos. J'ai pour le moment deux grandes visions:
  • l'une d'un jdr avec une esthétique organique, qui parlerait de désirs et de sexualité, et de leurs conséquences sur les relations humains, qui va vraisemblablement s'appeler Org
  • l'autre d'un jdr concentré sur l'esthétique, où on prend plaisir à apprécier la beauté de l'univers et des personnages que l'on crée ; c'est de cette vision que je vais vous parler aujourd'hui.
[J'ai aussi deux autres projets assez anciens, un jdr sur la mort et l'autre sur la cuisine et le plaisir gustatif, mais ils attendront leur tour.]

Ma vision pour un jdr sur l'esthétique
J'ai déjà fait quelques tentatives pour concrétiser cette vision, certaines sont répertoriées sur le forum (En quête d'horizons ou Métempsychoses), d'autres ont été testées sans que je prenne la peine d'en parler ici.
J'ai essayé récemment de mieux comprendre ma vision qui, comme toute vision, part dans de nombreuses directions que j'ai cherché à ordonner. Je cherche à créer un jdr qui encourage les participants à créer un bel univers et qui permette de profiter de cette beauté. Prosopopée de Frédéric Sintes l'a déjà fait à sa manière, je cherche à continuer cet effort tout en le dépassant. Pour ouvrir de nouvelles possibilités de conception de jeu, je crois qu'il faut aller du côté du signifié de cette esthétique, c'est-à-dire du côté du message qu'elle peut véhiculer. Je m'explique.
De nombreuses œuvres développent une esthétique très forte, avec un ensemble de symboles et de représentations, dont la cohérence s'explique par le message que véhicule cette œuvre, sans nécessairement l'expliciter. C'est évident dans des oeuvres comme
  • tout le travail d'Hayao Miyazaki sur l'écologie (Mon voisin Totoro, Princess Mononoke, Ponyo sur la Falaise) où la forêt est toujours un lieu surnaturel, qui peut entrer violemment en conflit avec les intérêts des humains; l'esthétique est fait de créatures surnaturelles (Totoro, le dieu-cerf, la famille de Ponyo), d'insectes, d'arbres gigantesques, de lieux propres à la contemplation ; Miyazaki a aussi abordé des questions comme le féminisme (tous ses personnages), le pacifisme (Le château dans le ciel), la société de consommation (Le voyage de Chihiro), avec des esthétiques plus ou moins développées à chaque fois
  • l'inépuisable La Horde du Contrevent d'Alain Damasio où le vent est un symbole de mouvement et de liberté, mais aussi d'accomplissement personnel dans la résistance qu'on y oppose
  • Prosopopée de Frédéric Sintes, qui cadre l'esthétique créée pour lui permettre de parler de pacifisme (les personnages agissent par des moyens non-violents) et d'écologie (les Problèmes sont liés aux désordres créés par l'homme dans la nature)
  • Sens de Romaric Briand, où l'esthétique est déjà créée, le message aussi, mais qui dévoile cette esthétique et les thèmes qu'elle contient petit à petit, poussant ainsi les joueurs à se questionner sur la nature de leur propre réalité et de leur rapport à leurs sens et au langage
  • mon propre jeu, Monostatos, le fait avec le symbole du désert, qui représente un monde difficile à vivre, dans lequel il faut se soumettre ou se rebeller
Je pourrai multiplier longtemps les exemples comme ça. L'idée fondamentale c'est le fait qu'à partir de quelques symboles, on construit tout un ensemble d'images qui ont un sens commun, le message voulu par l'auteur. J'aimerais que mon jdr permette de créer ceci, non seulement pour l'esthétique, mais aussi avec des messages variés et différents.

Je crois que je pourrai écrire de nombreux autres jdr ainsi, avec une esthétique choisie et créée par moi contenant un message choisi par moi, que les participants exploreraient pour leur plaisir. C'est vraisemblablement vers quoi je m'achemine pour Org. Mais j'aimerais que ce projet-là d'« Esthétique signifiante » permette aux participants eux-mêmes de choisir un message et de construire une esthétique autour, pour qu'ils n'aient pas besoin de l'avis de l'auteur. J'aimerais leur donner une plus grande liberté. Un espèce de jdr pour créer des univers forts (de jdr). Il ne s'agit pas seulement de créer l'univers, mais bien de le créer tout en y faisant évoluer les personnages.

D'où vient cette version du jeu ?
L'étincelle qui m'a donné envie de donner cette direction au jeu a été une réflexion sur Star Wars. Qu'est-ce qui fait que, dans le vaste univers de la science-fiction, la figure du jedi soit aussi séduisante, alors même qu'elle est passée par un processus de standardisation marketing particulièrement appauvrissant ? Je ne parviens pas à me l'expliquer entièrement par le simple fait qu'il s'agit d'êtres humains qui se transcendent, ni par l'idéologie ascétique qui la sous-tend. Je ne crois pas non plus qu'on puisse attribuer son succès à une mythologie post-moderne "geek" (si c'est le cas, comment cette figure a-t-elle eu du succès au début ?). Et tout explication par la notion de "cool" ou "classe" est vide de sens.
Je crois que l'explication la plus complète est la suivante: la figure du jedi est séduisante parce qu'elle représente une vision du monde - à laquelle on peut adhérer ou pas - et les duels jedi/partisans du côté obscur sont prenants parce qu'il y a un enjeu qui dépasse les participants au duel: celui qui gagne impose sa vision du monde au reste. Cela a des conséquences plus vastes, de longue portée. L'enjeu n'est pas: vais-je être blessé ou pas ? mais: ma vision du monde va-t-elle prévaloir ou pas ?
J'ai donc utilisé cette idée pour porter ma vision. Chaque personnage se bat pour faire prévaloir sa vision du monde (sur une question commune à tous, de manière à ce que les histoires aient une certaine cohérence), qui constitue le message autour duquel on va bâtir une esthétique.
Pour me démarquer de Star Wars et ne garder que ses bons aspects, les joueurs construisent eux-mêmes la vision du monde qu'ils veulent défendre à travers leur personnage.
Par ailleurs, le monde de l'histoire est - à l'origine - celui que nous connaissons tous les jours, de manière à ce que les conséquences des changements survenants dans le monde soient plus facilement assimilable aux joueurs.

Donc: petite chronologie fictionnelle
Aujourd'hui, au moment où je vous parle, des gens dans le monde découvrent qu'ils possèdent des pouvoirs dignes de super-héros. Tous n'en ont pas, on peut les perdre ou les acquérir.
Dans un an, il devient évident qu'il existe ce qu'on appelle des Voies, des forces métaphysiques sans conscience, qui donnent ces pouvoirs à celles et ceux qui réalisent leur vision du monde dans la réalité afin de les aider. Celles et ceux qui sont capables de bénéficier des pouvoirs d'une Voie sont appelés des pélerins. Ceux qui ne le peuvent pas sont appelés des égarés.
Dans deux ans, il est clair pour tous que les différentes Voies qui existent sont radicalement antagonistes. Les pélerins de Voies différentes parviennent rarement à résoudre sans violence les conflits qui les opposent. Les pélerins de chaque Voie s'organisent et créent leurs propres organisations - communautés, syndicats, sectes, entreprises... Des écoles naissent à l'intérieur de chaque Voie pour représenter différentes sensibilités. Il peut exister des Voies et des écoles cachées du pouvoir dominant ou loin des regards publics.
Dans trois ans, la plupart des grandes organisations et groupes d'intérêt mondiaux se sont adaptés à ce changement majeur et notamment au fait que les pélerins veulent changer la réalité dans des directions qui peuvent entrer en conflit avec leurs intérêts. Les gouvernements, les institutions internationales, les organisations religieuses, politiques, criminelles et les nombreux groupes d'intérêts économiques se sont tous soient alliés à des pélerins d'une manière ou d'une autre.
Dans quatre ans, des conflits armés - guerres, guerres civiles, guérillas, activités terroristes - ont éclaté dans le monde entre différentes organisations, souvent soutenues par les pélerins de différentes Voies.
Dans cinq ans, un nombre grandissant de pélerins apparaît, contestant l'obéissance aux Voies et désirant laisser à l'humanité le choix de pouvoir se diriger elle-même plutôt que de subir les guerres des Voies. Ils se nomment d'eux-mêmes les errants et tirent leurs pouvoirs de plusieurs Voies à la fois.
Dans six ans, l'existence de Gardiens de la Voie est révélée, des esprits, bêtes et entités conscientes, faites de pure énergie des Voies. D'aucuns prétendent qu'ils s'agit de très anciens pélerins, parvenus au bout de la Voie. Avoir leur appui représente une aide physique et de légitimité majeure pour pour une école de pélerins.
Dans sept ans, les pélerins deviennent assez nombreux pour que commence à éclater des conflits entre les écoles d'une même Voie, se battant pour emporter la légitimité de représenter leur Voie sur les autres écoles, en particulier dans les négociations avec les organisations d'égarés.
Dans huit ans, les pélerins errants parviennent à gagner le soutien de quelques grandes organisations, peuples et groupes activistes.
Dans neuf ans, choc majeure: on découvre, grâce aux indications de pélerins particulièrement puissants, qu'il existe des ruines de civilisations humaines ayant existé il y a plus de 10 000 ans et ayant suivi les Voies réapparues récemment. Elles sont encore imprégnées de grands pouvoirs et source de nombreuses convoitises.
Dans dix ans, notre histoire commence.

Préparation
Le jeu commence par une grosse préparation, qui fixe:
  • quel est le thème général des Voies, c'est-à-dire quelle est la question à laquelle elles répondent toutes ; par exemple: "quel doit être le rapport entre l'humain et la nature ?", "quel rapport devons-nous entretenir avec notre corps ?", "qu'est-ce qui est le plus important: l'individu ou la société?"
  • au moins deux Voies qui, chacune par leur précepte principal, répondent à leur manière à cette question, y compris en remettant en cause la question ; par exemple: l'individu doit servir la société /
  • le symbole de base de chaque Voie (à choisir dans une liste) autour duquel va se construire toute son esthétique, notamment les pouvoirs qui y sont liés
  • ainsi que d'autres éléments qui permettent surtout de créer facilement des conflits: les écoles qui nuancent chaque Voie, les alliés de chaque Voie (organisations, etc.), les conflits en cours...
Puis chaque participant crée un personnage qui doit nécessairement être un pélerin, en lui attribuant une Voie, des amis, une organisation, des pouvoirs, qui correspondent à des Traits.
Chaque personnage doit avoir un but ou un thème autour duquel son histoire va se construire.
[Beaucoup de choses sont encore floues, je les fixerai en temps voulu.]

Le jeu lui-même
L'histoire se crée par tour. Durant le tour d'un joueur, celui-ci joue son personnage. Un autre joueur met en place une situation à partir du thème ou de l'objectif du personnage ; durant la scène il va jouer l'adversité du personnage (qui peut être son propre personnage), les autres joueurs pouvant jouer ses alliés ou des personnages secondaires.
Il y a deux mécaniques principales.
Une pour résoudre les duels, qui permettent de faire avancer significativement l'histoire et décide de grands enjeux pour le monde (quelle Voie va l'emporter concernant ça?). Une mécanique très classique de résolution de conflit, se faisant avec des cartes. Elle permet un peu de bluff entre les participants, mais ça n'est pas révolutionnaire. Les participants peuvent utiliser comme ressources leurs Traits (qu'ils peuvent créer à volonté) et la puissance de la Voie.
La puissance de la Voie correspond au deuxième mécanisme en place, qui soutient le développement de l'esthétique des Voies. Chaque joueur a une feuille sur laquelle, à tout moment, il peut noter un acte, une parole ou une description racontée par un autre joueur et faisant partie d'une Voie - en l'écrivant sur sa feuille, le joueur sousentend que c'est lié à une Voie. A tout moment également, il peut réutiliser un élément de sa feuille (et le barrer ensuite) dans une de ses descriptions et gagner ainsi des ressources pour ses duels (le joueur qui a fait cette description en gagne également). La réutilisation peut être de tous les genres: réutilisation tel quel, enrichissement, développement, inversion... Là où ça crée véritablement une dynamique sociale, c'est que les autres joueurs peuvent à leur tour reprendre cette création-là sur leur feuille et la réutiliser. J'espère ainsi non seulement que l'univers et l'esthétique de chaque Voie va se développer à grande vitesse, mais également que chaque table va créer ses propres "mèmes" ("Que la Force soit avec toi !").
C'est une mécanique que j'ai trouvée dans Annalise de Nathan D. Paoletta, qui est d'une grande intelligence parce qu'elle fait référence directement à un élément majeur de théorie rôliste (la création/approbation) mais que j'avais trouvé mal mise en valeur, sans grande cohérence avec le reste de l'histoire.
Je crois qu'à terme, j'aimerais que le jeu rende compte de la puissance du personnage, avec des ennemis de puissances différentes, la possibilité d'augmenter sa puissance avec le temps... C'est peut-être aussi une envie qui parasite la vision, on verra bien.

Les questions que je me pose
Voilà les questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses durant ce test:
  • est-ce qu'on arrive à créer des scènes et à les jouer sans problème ? (question normale pour tout jeu sur le départ)
  • est-ce que ce système (mécanique + univers préparé) soutient la création d'une dynamique sociale (=les joueurs s'encouragent les uns les autres) d'exploration de l'esthétique des Voies, à partir du symbole de chaque Voie au départ ?
  • est-ce que les combats sont renforcés par l'enjeu du changement de l'univers ? est-ce que ça leur donne une plus grande intensité ? je sais qu'il faudra à terme une mécanique - même simplissime - pour rendre compte du fait que le personnage vainqueur a une influence sur le monde
  • est-ce que l'histoire parvient à être suffisamment riche malgré le fait que les conflits se résument toujours à des duels (même s'ils peuvent être sociaux plutôt que physiques) ?
Notre partie
Nous avons donc joué dimanche après-midi, Guillaume "Nocker", Daniel, Sonia et moi (Fabien "Monostatos", bientôt "L'Alcyon" ^^ ). Il était entendu entre nous qu'il s'agissait d'un test et que donc, ils feraient preuve d'une certaine tolérance pour le jeu.

La question sur laquelle nous nous sommes mis d'accord était: "quelle place donner au corps dans nos vies ?"
Les trois Voies qui en découlent étaient:
  • la Voie de la Tour: N'écoute pas les désirs de ton corps.
  • la Voie du Sang: Tes désirs physiques sont rois.
  • la Voie de la Chimère: Ton corps doit être l'extension de ta volonté.
Les pouvoirs que peuvent conférer ces Voies (nous n'avons pas associés spécifiquement un pouvoir à une Voie) sont:
  • ignorer les besoins et contraintes physiques (faim, soif, sommeil, blessures)
  • modelage du corps
  • manipulation du sang à distance
Le duel rituel entre pèlerins se fait nu, sans aucune autre arme ou objet que son corps.

L'Eglise Catholique et le Parti Mondial de la Décroissance (écologie politique) suivent la Voie de la Tour, pour des raisons différentes.
Le Culte de Satan, les Anonymous et la mafia russe soutiennent la Voie du Sang, également pour différentes raisons.
Le gouvernement américain et l'industrie du cinéma américain soutiennent la Voie de la Chimère.

Une guerre du crime a éclaté entre le gouvernement américain et la mafia russe. Une guerre secrète mais non moins mortelle fait rage entre l'Eglise Catholique et le Culte de Satan.

Nous créons nos personnages.
Sonia crée le père Gérard, pélerin chrétien de la Voie de la Tour.
Objectif: "aider" les peuples à se soulever en vue d'établir la Grande Légitime Théologie
Traits:
insensible à la douleur, à la faim, à la soif
expert en christ-jutsu (art martial inventé il y a deux mille ans)
soutien financier par le comité des amis de la croix de la Blanche Tulipe Inquisitrice
je peux sortir/conserver des objets et des armes dans mon corps
je suis disciple du grand évêque Jean-Pierre
Relations: a beaucoup d'amis qui sont des gros cons de droit, comme Yves notamment

Daniel a créé Prajak, pélerin sataniste de la Voie du Sang
Objectif: devenir Satan lui-même [ce n'était pas très clair si c'était un objectif métaphysique, remplacer le diable, ou bien un objectif politique, devenir chef du Culte de Satan]
Traits:
magie du sang
soutien d'une partie du Culte
comprendre la bestialité
commander aux bêtes
dévorer la force

J'ai (Fabien) créé la Hyène, pélerin de la Voie de la Chimère
Objectif: briser le soutien au gouvernement américain des autres pélerins de la Voie de la Chimère
Traits:
hommes de Mr Viktor, parrain de la mafia russe soutenant la Chimère plutôt que le Sang comme ses pairs
tir de phalanges
mâchoires de hyènes
rire tonitruant
physique renforcé
Relation: Amy sa petite amie, Jackson son supérieur de son identité de couverture: comptable

Guillaume a créé Kelly Fredericks, pélerine de la Voie de la Chimère au service du gouvernement [qui n'a finalement pas été joué]
entraînée à Quantico (centre de formation du FBI)
arsenal illimité
appel du SWAT
greffes transespèce
planificatrice

Les utilisations de la feuille de Voie ont été nombreuses, en particulier dans la deuxième scène, mais je ne me souviens plus de toutes leurs utilisations. Je ne mets que celles qui m'ont le plus marqué.

La première a été jouée par Sonia, avec moi jouant l'adversité.
Le père Gérard est convoqué par son supérieur, l'évêque Jean-Pierre, dans une église de Los Angeles. Je décris l'intérieur en marbre. Il est reçu par l'évêque Jean-Pierre qui passe sa vie assit en-haut d'une tour à l'intérieur de l'église. Ayant dépassé les besoins physiques, il n'en descend plus en signe de dévotion. Il lui apprend qu'un Gardien de la Voie de la Tour a été découvert dans la région des Grands Lacs, près de la frontière avec le Canada. Des pélerins de la Tour appartenant au Parti Mondial Décroissant sont déjà sur place pour gagner le soutien du Gardien de la Voie. Le père Gérard doit les en empêcher et convaincre ledit Gardien de rejoindre l'Eglise Catholique.
Il se rend sur place et voit au loin une colonne de lumière. Les îles du lac sont surveillées par la police locale qui empêche l'accès aux badauds (y compris aux pélerins). Grâce à une de ses connaissances sur place, le père Gérard parvient à s'approcher de la surface du lac sous laquelle il s'enfonce, n'ayant plus besoin de respirer.
Il prend pied sur une des îles, s'enfonce dans la forêt et croise un campement du PMD. [Guillaume réutilise ma mention du marbre précédente pour préciser que les arbres semblent devenir du marbre à mesure qu'on s'enfonce dans ce lieu de la Voie. Il gagne un point de Voir et je gagne un point de Voie.] Le père Gérard finalement trouve le pélerin de la Tour du PMD en prière au milieu de la forêt, parlant aux esprits désincarné. Le père Gérard interrompt sa prière et l'interroge doucement. Le pélerin du PMD se met rapidement en colère et le combat (nu) s'engage [Daniel m'a dit plus tard avoir regretté que la discussion entre eux ne dure pas plus longtemps].
Je raconte l'attaque de la première manche: le pélerin du PMD s'enfonce dans l'humus et tente d'attaquer le père Gérard par en-dessous, sans qu'il puisse voir d'où vient l'attaque. Sonia raconte la défense du père Gérard: il s'élève dans les airs, les bras en croix, pour échapper à son agresseur. Sonia gagne la première manche et raconte comment cela survient.
Comme j'ai perdu la manche précédente, je raconte l'attaque du pélerin pour la manche suivante: il anime les arbres de la forêt pour agripper le père Gérard. Celui-ci se défend en sortant des lames de son corps pour couper les branches. Là il y a un petit embrouillamini parce qu'on tombe sur une égalité, cas qui n'est pas prévu par les règles. Finalement, on se débrouille en jouant prolongeant la manche et Sonia l'emporte. Le père Gérard empoisonne les arbres, dont la sève se met à fumer et à bouillir.
Comme j'ai à nouveau perdu la manche précédente, je raconte la dernière attaque du pélerin du PMD qui essaie d'absorber l'énergie vitale du père Gérard ; celui profite de la fumée des arbres qui empoisonne l'autre pélerin. Sonia gagne la troisième manche également, ce qui veut dire qu'elle peut faire ce qu'elle veut du personnage adverse. Elle raconte comme il s'éloigne et comme son personnage, le père Gérard, se met en prière pour contacter le Gardien de la Voie.

La deuxième scène est joué par Daniel qui demande à Guillaume de jouer l'adversité.
A ma demande, Daniel décrit Prajak comme un bel homme, d'origine thaïlandaise, au corps couvert de piercings, de tatouages et de lanières de cuir.
Prajak est dans son appartement lorsqu'on gratte à sa porte. Il ouvre la porte et un chat noir entre. Il s'assied au centre du salon de Prajak et... explose ! Guillaume établit que c'est ainsi que les pélerins satanistes s'envoient des messages. Le visage du pire ennemi et concurrent de Prajak apparaît dans la fumée et lui annonce qu'il a mis feu au temple de Prajak, et que si ce dernier continue ainsi, Syl finira par le tuer. Prajak coupe la communication en jetant du sel sur les restes du chat. Il se coupe le bras et avec le sang invoque un serpent qui va le conduire à Syl.
Il sort de chez lui et se met à courir. Daniel décrit une ville sous le contrôle des satanistes suivant la Voie du Sang. La nature est folle, les arbres poussent dans tous les sens. Je précise qu'ils sont couverts de piercings et de lanières comme Prajak (je gagne un point de Voie et Daniel aussi).
Prajak arrive devant son temple en flamme, où se tient Syl et ses cultistes. Le combat s'engage très rapidement.
Première manche: Syl envoie ses cultistes faire la peau à Prajak. Guillaume rajoute qu'ils ont des canons à sel avec lesquels ils tirent sur Prajak pour l'arrêter (réutilisation du sel, Guillaume et Daniel gagnent tous les deux un point de Voie). Je ne sais plus exactement comment se passe le combat, mais c'est sanglant. Prajak se bat avec des lames de sang critstallisées, les plaies se referment immédiatement et forment des tatouages... Finalement il vainct Syl et le tue.

Pour la troisième scène, je demande à Daniel de bien vouloir jouer l'adversité. Je lui demande d'essayer d'amener un affrontement entre pélerins de Voie différentes, puisque jusque là c'était tous des pélerins de même Voie qui se battaient entre eux.
Daniel met en place la scène. Mon personnage arrive à son bureau où il passe ses journées. Il se rend compte que son ordinateur a été piraté par les Anonymous (qui suivent des pélerins de la Voie du Sang). Il enquête grâce à sa compagne qui est consultante en sécurité informatique et se rend compte qu'il s'agit de son chef. Mon personnage enfile son identité de "La Hyène" (sweat à capuche et machoîre de hyène hypertrophiée) et part en chasse.
La Hyène retrouve son supérieur au moment où il descend de voiture devant chez lui. Il interroge son supérieur, sans se démasquer, celui-ci ne comprend rien... il est manipulé comme une marionnette par un pélerin du Sang à distance. Là aussi, combat musclé pour retrouver les deux Anonymous qui envoient des zombies de sang contre la Hyène. Quelques actions dont je me souviens: la Hyène balance du sel de route contre les zombies de sang pour faire souffrir leur marionnettiste. L'Anonymous qui soutient le pélerin déclenche toutes les alarmes et les lumières du quartier d'un seul coup pour brouiller ses sens de fauve de la Hyène. Final sur l'autoroute où les Anonymous s'enfuient et où la Hyène tire ses canines inférieures dans leurs pneus. Je gagne le duel.

On arrête là, par manque de temps. On a joué environ 4 heures (explications du jeu + préparation + jeu lui-même).

Commentaires
On a eu un bon temps de discussion après la partie. Je ne vais pas retranscrire les discussions de mécaniques que nous avons eues, elles me suffisent. Je voudrais faire des réflexions d'ordre plus général.

D'abord, je me suis vraiment amusé. Je n'ai pas eu besoin de trop intellectualiser, je me suis laissé faire par l'histoire et les apports des autres. Un bon point, l'histoire se crée sans trop de difficulté grâce aux multiples enjeux et conflits présents naturellement dans l'univers. C'est déjà un cap d'arriver à passer la création de situation et d'adversité.
Il faut prendre l'habitude de faire attention à la réincorporation d'éléments esthétiques, mais je crois qu'on peut y arriver avec un peu de pratique. Je pense qu'elle a une vraie utilité, mais peut-être faut-il la cadrer plus fortement ? Il est néanmoins encore trop tôt pour se prononcer sur l'existence d'une dynamique sociale aussi forte que celles de Prosopopée ou Innommable.

Quelques points négatifs ou qui me font douter maintenant.
Je n'ai pas trouvé que les combats étaient "chargés". Les personnages se battaient beaucoup pour eux-mêmes plus que pour leur vision du monde. Je crois qu'il faut qu'on puisse explorer les conséquences de leurs duels, notamment avec un épilogue dans le combat. Le message de chaque Voie n'était pas très affirmé, c'est vraiment dommage. Guillaume a aussi fait remarquer avec justesse que les règles ne poussent pas du tout à questionner le comportement d'un personnage vis-à-vis de la Voie, afin de se concentrer sur l'esthétique de cette Voie (c'était voulu de ma part). C'est peut-être aussi pour ça que le message est un peu noyé.
Les esthétiques créées étaient sympathiques et vivantes, mais je ne peux pas dire que je les aies trouvées vraiment belles ou fascinantes. On verra comment améliorer ça avec le temps. En diminuant le nombre de symboles ? A voir.
J'ai été frappé par la violence incroyablement forte des combats. Ca a été sanglant, (auto)mutilant, empoisonnant... J'ai rarement vu un tel niveau de violence, même à Monostatos. Peut-être était-ce dû au thème choisi (le corps) ?
D'une certaine manière, ça m'a parfois fait penser à ces fins de parties d'Innommable où tout s'emballe, tous les éléments esthétiques s'emmêlent, les personnages se transforment, souffrent, etc. sauf que dans Innommable ça se tient puisqu'il s'agit du moment où la réalité se déchire sous le poids de divinités horribles et que les personnages deviennent fous. Mais ici, ça n'est pas vraiment cohérent avec l'ensemble et je crains que l'enjeu esthétique ne s'efface alors.
Il faut nuancer tout ça en précisant que cette partie était la première du genre, avec des règles encore grossières.

Peut-être qu'il faut que je resserre l'esthétique autour d'un unique symbole pour mieux la canaliser ? Mais est-ce que ça marcherait aussi avec des joueurs moins prolifiques que Sonia, Daniel et Guillaume ? Daniel proposait aussi de reprendre le conseil de Ron Edwards dans S/Lay w/Me: prenez votre temps. Avant de partir au duel, il faut laisser l'univers se développer doucement et profiter de l'esthétique. De même, je vais insister dans la description du canevas d'univers sur le fait qu'il existe des lieux sacrés, reculés, des monastères ou des églises dédiés à une Voie particulière, loin de la violence et où l'esthétique peut se déployer pleinement.
Je crois aussi qu'il faut que j’approfondisse les conséquences des duels. Il faut passer plus de temps sur le fait que celui qui gagne a un impact ensuite sur le monde. Non seulement ça permet de rendre les combats plus intenses, mais ça donne une occasion supplémentaire de faire de l'esthétique.
Sans doute aussi qu'il faut que la puissance des personnages soit encadrée, non pas pour les limiter, mais pour mettre l'accent dans l'esprit des joueurs sur la taille des enjeux de chaque combat. Pour quoi se bat-on ?

Dans tous les cas, je suis déterminé à continuer à explorer cette version pour arriver à quelque chose de plus abouti. Dans un premier temps, je vais rédiger les règles en incluant nos conclusions, et ensuite je me remettrai au banc de test. Juste après le premier test est toujours un moment difficile: on se rend compte que la vision magnifique qu'on a dans la tête ne marche pas aussi bien que prévu et il faut s'y accrocher en se convaincant qu'on peut y arriver !

Dernière remarque: je me rends en fait compte que même en voulant libérer le message de l'univers, je suis obligé (pour des raisons de conception de jeu) d'encadrer les possibilités. Impossible de faire une Voie sur la non-violence par exemple. Le canevas de l'univers, s'il laisse des trous importants, établi également d'autres éléments très fortement. Bon.

Comme d'habitude, j'invite les participants à exprimer leurs visions et leurs avis, et je réponds aux questions et suggestions des autres avec plaisir !
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par shiryu » 05 Sep 2012, 20:49

Bonjour Fabien
Je ne vais rebondir que sur star wars. Bon, c'est pas le point majeur du jeu mais comme c'est ton point de départ, peut être que ça peut t'intéresser.
Il existe dans la version cassette VHS et DVD de la trilogie un interview bonus de G Lucas qui explique les points que tu soulèves :
- le choix des couleurs, comme le noir et blanc pour l'empire et le vert et le marron sur la lune des ewoks, le code couleur des sabre-lasers...
- le succès du premier film qui tiens dans les valeurs du héros et les codes mythologiques des jedis, dans un contexte cinématographique où il n'y avait que des loosers et des anti-héros, voir les polars noirs avec un détective privé qui fumait, buvait, était corrompu, finissait par mourir ou se faire larguer par sa nana (si elle ne mourrait pas ou ne le largait pas avant)...
Voilà, c'est un peu vieux pour être plus précis.

Si ça t'intéresse, ça ne doit pas être trop dur de mettre la main dessus. Au pire, je le revisionnerai pour te faire un résumé plus frais.
shiryu
 
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Frédéric » 07 Sep 2012, 15:32

Salut Fabien ! Content de voir que ton projet avance.
Je dois dire que le rapport de partie m'a stupéfait par le burlesque et l'énergie des scènes que tu décris. :)

Petite remarque concernant la réincorporation :
Dans Prosopopée, avec le don de dés, on est incités à chercher l'approbation des autres. Réincorporer est une bonne manière de s'attirer les faveurs du joueur qui est à l'origine de l'élément que l'on recycle. Le jeu ne l'oblige pas, mais il dit : "faites du qualitatif !" Donc, si l'on réincorpore, on devrait chercher à le faire de manière qualitative. A priori la dynamique du jeu nous laisse le temps et l'espace nécessaire pour s'intéresser prioritairement à la qualité de l'esthétique de la fiction.

Tel quel, le principe de liste dans le contexte de ton jeu me donne l'impression d'une dynamique quantitative : "j'ai besoin d'un bonus en plus, allez, qu'est-ce que je pourrais réincorporer ?"
Je ne sais pas ce que tu en penses, mais l'exemple des canons à sel me paraît manquer cruellement de crédibilité. Il y a beaucoup d'effets spéciaux, mais ils paraissent un peu tombés du ciel. Comment permettre aux joueurs de lier tout ça et de donner une cohérence forte à l'ensemble ?
Est-ce que la dynamique de combats farouches ne donne pas à la dimension esthétique de ton jeu une valeur plutôt utilitaire ?
Frédéric
 
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Fabien | L'Alcyon » 07 Sep 2012, 22:54

Merci shiryu pour cette précision. Ce n'est pas nécessaire d'aller faire des recherches, néanmoins, j'ai les réponses qu'il me faut ici.

Fred, en effet, l'esthétique est sans doute trop utilitaire ici à cause des combats; ça demanderait un deuxième test pour en être 100% sûr. Je ne crois pas que cette mécanique soit mauvaise, mais il faut la placer dans un autre système pour en tirer le meilleur.
Oui, il y a un problème quant à la cohérence. Je ne sais pas vraiment comment le régler, mais je pense qu'il faut que je diminue le nombre de symboles que je précise de « quoi » exactement on cherche à décrire l'esthétique.

Mouais, plus j'y réfléchis, moins ça me plaît. C'est presque toujours ainsi: je sors enthousiaste de la partie, et, avec le recul ça me plaît de moins en moins jusqu'à ce que je me lance dans un autre projet sur une autre vision. Pfff. Combien de temps ça va durer avant que je sois satisfait (au moins à minima) de mon premier jet d'un jeu ? Est-ce que ça « avance » vraiment ? J'aimerais me relancer dans un projet qui me tienne à coeur, mais je n'arrive pas à retrouver l'enthousiasme que j'avais pour Monostatos. Je me demande à quoi ça tiens ; peut-être que j'ai besoin de laisser à nouveau maturer les choses longtemps (auquel cas, ces tests me semblent utiles, même si ce n'est pas directement pour faire réémerger un jeu).

Ce test de partie m'aura appris surtout qu'un jeu peut avoir des enjeux esthétiques de plusieurs manières différentes, ceux de Prosopopée ne sont pas les seuls. Je pense - ou du moins j'espère - qu'il est possible de dépasser Prosopopée, mais de bien des manières différentes, en variant l'objet dont on creuse l'esthétique ainsi que les « briques » avec lesquelles on crée cette esthétique (on en reparlera une fois que Sens Néant sera sorti).
Une des questions qu'il faut se poser c'est « de quoi est-ce l'esthétique ? ». J'imagine qu'on pourrait parler de l'esthétique d'un lieu ou d'une personne (j'y pense beaucoup comme piste pour la conception de jeu).
Ici, c'est l'esthétique d'une Voie, c'est-à-dire d'une position morale... beaucoup trop abstrait. Sans doute une autre difficulté de ce test.
Je pense - ou du moins j'espère - qu'il est possible de dépasser Prosopopée, mais de bien des manières différentes, en variant l'objet dont on creuse l'esthétique ainsi que les « briques » avec lesquelles on crée cette esthétique.

Ce que j'ai encore du mal à comprendre, c'est comment l'esthétique intervient dans un système. Ici, clairement, une des difficultés vient de ce que l'esthétique est une ressource trop évidente, et donc est forcée par les joueurs qui ont besoin d'en tirer parti, ce qui lui fait perdre de sa finesse et de sa beauté. Ca la limite à une esthétique au sens le plus simple: ensemble (plus ou moins) cohérent d'images et de symboles, sans beauté. Il faut donc que les enjeux esthétiques soient apportés de manière détournée, moins évidente, mais néanmoins soutenus par le système. Sacré défi.
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Frédéric » 07 Sep 2012, 23:37

J'ai quelques idées de pistes :
si tu fais en sorte que les mécaniques de résolution anesthésient les résistances asymétriques de confrontation et de compétition, les joueurs devraient se recentrer sur la séduction. S'il y a une manière de lier ces trois résistances asymétriques, c'est tant mieux. Mais saches qu'il est tout à fait envisageable d'obtenir des combats spectaculaires et flamboyants en diminuant ou en annihilant les enjeux de réussite ou échec des mécanismes de résolution. C'est le cas dans Sens : Comme le MJ est le seul à connaître les valeurs des Runes des PNJ, les joueurs ne peuvent pas vraiment faire mousser la partie tactique du jeu. Ils auraient besoin d'un parfaite transparence à ce niveau-là, comme aux échecs, tu sais tout le temps où se trouvent les pièces de ton adversaire.
Tu peux donc imaginer un système où les questions de victoire ou d'échec sont secondaires ou anesthésiées de façon à ce que les joueurs préfèrent décrire des combats magnifiques plutôt que de se préoccuper de leur issue et des moyens pour la favoriser.
Par exemple : si l'on sait l'issue du combat avant de le raconter, on perd les enjeux de confrontation et de victoire. Si l'on n'a aucun moyen de savoir qui gagne ou qui perd et qu'on le découvre à la fin, c'est pareil.
Dans Prosopopée il y a une petite particularité : tant qu'on n'a pas les moyens de résoudre les problèmes, on n'a pas de raisons de chercher la victoire avec hargne. Ensuite, on ne peut pas "optimiser" étant donné que si on lance trop de dés, la victoire ne sera que partielle et engagera des effets indésirables.

C'est une autre manière d'anesthésier le type d'enjeux dont on parle. Je me demande si ça ne fonctionne pas spécifiquement grâce au rythme général du jeu...

Tu peux aussi créer des parenthèses esthétiques : des moments où un joueur a droit à un monologue (comme les monologues d'Innommable), séparé de la furie ambiante du reste de la partie et permettant de créer ces moments d'esthétique même si le reste du jeu est en deçà.

Dernier point : te débrouiller pour que les éléments esthétiques ne soient pas une carotte, mais une nécessité ou une contrainte forte. Par exemple : à la fin du combat, les joueurs jugent la qualité esthétique du combat, des narrations de chaque participant. Du coup, on joue tout le combat en faisant de notre mieux avec une récompense sur la qualité de la prestation totale à la fin. Ou alors une façon plus rude : quand un joueur raconte quelque chose que les joueurs jugent "peu esthétique", ils baissent ses chances de succès...

Bref, voici un ensemble de schémas possibles, à toi de voir si ça t'aide et comment en tirer quelque chose pour ton jeu. ;)

***

Le truc de "quand on découvre que le travail qu'il reste à accomplir est bien plus important que ce qu'on pensait, voire pire : que tout est à refaire", c'est mortel mais extrêmement courant dans la création de JDR. D'autant plus quand ton projet ne recycle pas un ensemble de bases solides empruntées à d'autres jeux, car on n'a pas grand chose sur lequel s'appuyer. Je pense que l'un des facteurs qui permet de dépasser ça, c'est de pouvoir re-tester rapidement le jeu avec de nouvelles modifications. le fait de devoir attendre longtemps ajoute à la démotivation. Donc n'hésite pas à organiser rapidement une nouvelle séance de playtest (ou on se fait ça par Skype).
Ensuite, je sais que mes phases de démotivation stoppent dès que j'ai une idée de comment modifier le jeu : soit en trouvant des mécaniques encore meilleures, soit en retirant la partie inadaptée du système. Poster sur Silentdrift est aussi un moyen de trouver des pistes pour relancer la machine. :)

Autre chose, j'ai un leitmotiv : "ça semble infaisable, c'est donc un défi pour moi !"
Ça fait un peu mégalo, mais c'est ce que je me dis quand je suis coincé dans la création. Généralement, ça me redonne un bon coup de fouet. ^^
Je n'abandonne un projet de JDR que quand je me rends compte que le jeu ne m'emballe plus une fois que j'ai pu le tester vraiment.
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par soulclone » 08 Sep 2012, 00:03

Salut Fabien, j'ai été bluffé par ton rapport de partie, ça avait l'air puissant !

Mais j'ai l'impression que c'était quand même un peu éloigné de ton envie de départ (qui a l'air vraiment intéressante, si tu arrives vraiment à aller plus loin que prosopopée ça vaut le coup de s'accrocher).

Je me trompe peut être mais j'ai l'impression que le problème à l'air de venir du fait qu'a chaque tour un joueur joue l'adversité d'un autre (à la manière de Remember tomorow en fait) et donc entraine la scène vers une scène d'action ou de combat. J'ai l'impression que ce déluge d'action n'est peut être pas se que tu cherches.
Sinon je pense aussi que dans Prosopopée ce qui pousse forcément vers l'esthétique c'est le fait que l'univers soit très peu décrit dans la base et aussi le principe d'interpréter des peintres qui créent cet univers au fur et à mesure . Peut être que dans ton jeu l'univers est un peu trop décrit ou ancré dans quelque chose de codé (là ou l'univers de prosopopée est très flou) ou alors c'est peut être ton envie d'esthétique qui n'est pas assez présente au niveau "méta" du jeu.

Encore une fois je peux me tromper, mais quoiqu'il arrive je suivrait avec intérêt ce projet que je trouve vraiment très intéressant !
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Fabien | L'Alcyon » 08 Sep 2012, 13:07

OK, merci beaucoup pour vos réponses, ça m'aide et je vais maturer tout ceci.
Je prends particulièrement conscience de l'importance du cadre fictionnel sur l'histoire créée autant que dans son interaction avec les mécaniques.

Je me rends aussi compte que j'ai complètement oublié de mentionner le cœur de ma vision dans la description ci-dessus ! Pour les archives, la voici:
J'aimerais créer un jeu de rôle dans lequel les participants créeraient ensemble une esthétique signifiante dont ils puissent ensuite profiter en l'explorant et en y jouant. Je voudrais que le jeu lui-même permette de créer et de profiter en même temps de cette esthétique.
Prosopopée le fait, mais en ayant déjà donné le message (même si on peut un peu l'amender, j'ai des exemples en tête).
Innommable le fait aussi, mais un des participants (le meneur) a déjà établi à la fois l'esthétique et le message (sa peur fondamentale). Les joueurs peuvent enrichir l'esthétique en question.
Comme je le disais, ce test m'a fait prendre conscience que 1. on doit pouvoir y arriver de multiples façons 2. il faut bien se demander de quoi précisément on va créer l'esthétique.
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par shiryu » 08 Sep 2012, 13:22

Fabien (Monostatos) a écrit : D'abord, je me suis vraiment amusé.
+
Quelques points négatifs ou qui me font douter maintenant.

J'ai peu de conseils car j'ai du mal à voir le déroulement de la partie. Ce qui me semble clair, c'est que tu sembles te concentrer sur les points négatifs dans ton analyse et finir par ne voir plus que ça. Je pense qu'il faut arriver aussi à te recentrer sur les points positifs, même s'ils ne sont pas techniques, juste des impressions et de bêtes pulsions de joueurs, car c'est quand même ce que vont vivre les joueurs la plupart du temps. Si le jeu a pu t'offrir ça, c'est qu'il y a du bon en lui (oui, avec une inspiration comme star wars, je ne pouvais pas la laisser passer celle-là).
Je ne peux donc que t'encourager à modifier juste 1 ou 2 trucs et de refaire un test. Si tu changes trop d'un coup, même si tu es convaincu que c'est nécessaire, tu ne pourras pas estimer l'impact de chaque changement.

Pour t'encourgaer, j'ajoute juste 2 citations :
- je ne fais que les chantiers impossibles, il y a moins de concurrence. (le responsable de l'installation de la ligne de chemin de fer à travers les rocheuses)
- pour chaque traversée, on s'est préparé sans se demander si c'était possible, sinon on ne se serait jamais lancé. (le tétraplégique qui a rejoint les 5 continents à la nage).
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Frédéric » 08 Sep 2012, 13:59

Je suis assez d'accord avec Shiryu et j'ajouterais qu'il faut tirer parti de l'imprévu et des accidents de parcours : Prosopopée n'est pas forcément comme je le voyais au départ, mais durant les playtests, certaines choses m'ont parues si fortes que j'ai préféré les conserver au détriment de ma vision initiale.
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Re: [Esthétique signifiante] La Tour, le Sang et la Chimère

Message par Fabien | L'Alcyon » 08 Sep 2012, 18:53

shiryu a écrit :Ce qui me semble clair, c'est que tu sembles te concentrer sur les points négatifs dans ton analyse et finir par ne voir plus que ça.

Et oui, malheureusement, je fonctionne beaucoup comme ça, par vagues d'enthousiasmes et de découragements. Arriver à la publication d'un jeu dont on soit satisfait, c'est aussi une épreuve psychologique, surtout si on essaie de sortir des sentiers battus. J'ai réussi à tenir avec Monostatos parce que je m'étais piégé moi-même en développant complètement l'univers avant de m'attaquer aux règles. Là, j'ai un peu l'impression de papillonner, même si j'apprends vraiment des choses d'un test à l'autre.

Pour le moment, je n'ai pas ni le temps ni l'énergie de me remettre à cette version du jeu (publication de Monostatos, rentrée, tout ça...). Je m'y remettrai quand je pourrai. J'entends bien ton conseil méthodologique, shiryu, qui est tout à fait pertinent, mais je ne peux pas encore me plier à cette rigueur. On va voir ce que ça donne avec Org.

Merci de votre soutien, ça compte beaucoup.
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