[Psychodrame] - Petits meurtres entre amis

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[Psychodrame] - Petits meurtres entre amis

Message par Frédéric » 13 Avr 2009, 00:48

J'ai joué ce weekend une partie de Psychodrame avec Magali, sa sœur Tiphaine (18 ans) et son copain Julien.
Et c'était une super partie !
Elle m'a permis de noter des modifs légères à faire (par exemple, exit le statut de sauveteur, l'enjeu du conflit suffit à focaliser le conflit). J'ai par exemple trouvé de meilleures manières d'expliquer certains fondamentaux du jeu et ils se sont pris au jeu et avec une aisance surprenante.
La partie était vraiment très réussie et c'était du narrativisme dans la gueule avec des abandons de conflits fréquents, par choix et des réflexions à voix haute des joueurs sur les actes des personnages : "quel enfoiré", "oh, c'est beau !" etc.

Le problème autour duquel on a construit l'histoire était que des amis trouvaient une grande somme d'argent et qu'ils ne partageaient pas les mêmes valeurs :
- Félicie (architecte d'intérieur) le perso de Magali voulait tout claquer au plus vite.
- Solïa (gendarme) le perso de Tiphaine voulait se débrouiller pour s'accaparer l'argent.
- Marc (Infirmier) le perso de Julien voulait qu'on le laisse où on l'avait trouvé.
- Timothée (Avocat), mon perso voulait le donner aux flics.
Chose importante, les personnages ont évolué entre le début et la fin de la partie :
Solïa a accepté, grâce à Félicie, de partager pour qu'on ne rende pas l'argent à la police
Marc a accepté, grâce à Solïa de partager également
Timothée s'en est trop pris plein la gueule, il est resté sur ses positions.

Tiphaine a déjà fait deux parties de JDR que j'ai maîtrisées et Julien n'avais jamais joué à un JDR de sa vie.
C'est pourtant lui qui a eu les meilleures idées de mise en scène (même quand il n'était pas metteur en scène) par exemple : « on voit quelqu'un jeter un sac bien lourd dans une poubelle en allant au cinéma », plus tard, il a proposé « qu'on enferme l'argent dans un coffre dont on possède chacun un chiffre pour qu'aucun ne puisse y accéder sans le concours des autres »...

Et c'est Tiphaine qui a apporté les meilleurs éléments dramaturgiques :
« Je suis gendarme, je vais prendre cet argent pour l'emmener au poste le plus proche (alors qu'elle voulait se l'accaparer) »
« Je sors mon flingue, « maintenant ça suffit, on ne restitue pas cet argent, on va se le garder que vous le vouliez ou non »
Elle a même fait en sorte que Marc tombe amoureux d'elle et elle a envoyer chier, Timothée son mec...

Magali et moi étions un peu en retrait, mais Magali a tout de même mis en place une scène dans laquelle Félicie offrait des cadeaux de valeur à tout le monde (car elle avait décidé qu'elle avait subtilisé une petite partie de l'argent avant qu'on ne l'enferme dans le coffre), ce qui a dégénéré en la scène du flingue...

Nous sommes restés en retrait pour vérifier au début que nos deux jeunes joueurs s'en sortent et pour ne pas diriger la partie, puis on est restés en retrait parce que le statut de spectateur intermittent nous suffisait à prendre un vrai plaisir.
Quand Solïa a sorti son flingue, j'ai eu envie que mon perso meure et j'ai tenté de provoquer le drame, j'ai trouvé que ce serait fort émotionnellement et pour l'histoire, alors que lui n'en avait pas du tout envie dans l'idée que je me faisais de son état émotionnel. Au final, je n'y suis pas arrivé, mais j'ai bien dégusté quand même, mais psychologiquement.
Ça nous fait un nouvel exemple de synesthésie divergente. ^^

Bref, concernant Psychodrame, je vais devenir sélectif sur les gens avec qui je vais jouer, parce que je dois dire que le jeu a beaucoup moins d'intérêt s'il n'y a pas une intimité entre les joueurs (là, Julien a bien joué le jeu, alors qu'on ne se connaît pas beaucoup et entre Tiphaine, Magali et moi il y avait une certaine connivence et entre Tiphaine et Julien, il y en avait également une). On peut, certes, jouer des comédies dans lesquelles on se défoule, mais bon, ce n'est pas comme ça que je prends mon pied à ce jeu. Après, en convention ou avec des gens avec qui je n'aurais jamais joué, la partie sera ce qu'elle sera...

Ils nous ont dit qu'ils avaient envie de rejouer avec leurs amis, ce qui est une grande victoire !

Après, si je dois méditer sur la cible, il faut dire que Tiphaine aime particulièrement le cinéma dramatique, ça en fait une bonne cliente, elle a eu une facilité à produire des narrations choc, j'étais parfois déboussolé !

Quand Solïa (la petite amie de mon perso) a fini par nous menacer avec un flingue pour qu'on ne rende pas l'argent à la police, je lui ai dit que son attitude avait brisé quelque chose entre nous, et elle s'est mise avec l'autre mec du groupe, son confident, qui lui a avoué être amoureux d'elle.
Mon score de tristesse a explosé (on a décidé que c'était le bon moment pour jouer le dénouement).
Ainsi s'est finie la partie : Je les ai dénoncé à la police pour la menace armée, elle a fait de la prison et a été virée de son poste de gendarme et quand elle est sortie de prison, elle est venue retrouver mon perso et l'a assassiné.

cool, non ?

Il y a eu des répliques extraordinaires que je ne pourrai pas vous retranscrire ici, mais à un moment, Julien m'a regardé et il m'a dit : « ben là, je dois dire que je trouve son argument fort, quand même, je n'ai pas spécialement envie de me défendre », ce qui a donné lieu à un abandon de conflit.

Personne n'a cabotiné et ça, c'est essentiel pour la crédibilité de la partie.
Tous les choix ont été fait en fonction des objectifs des personnages, de la situation et de leur background, ils ont vraiment bien saisi ce qu'était une partie de JDR.

Magali a testé le principe du don gratuit de cartes de la part du spectateur à un personnage qu'il veut aider, ça a bien marché.

L'implication émotionnelle était tout de même faible d'un point de vue « drame humain » (encore que ça dépendait des moments), mais je mets cela sur le compte du thème choisi qui n'était pas très impliquant pour nous et du fait qu'on n'était tout de même pas suffisamment intimes pour nous dévoiler et nous laisser aller à nos émotions.
En tout cas les retournements de situation étaient vraiment le point fort de cette partie.

La grande difficulté, c'est que sur l'ensemble des conflits, j'ai à chaque fois dû préciser quand il pouvait y avoir conflit.

J'ai toujours une grande difficulté à expliquer : pour qu'il y ait conflit, il faut que l'un des joueurs lance un hameçon et que l'autre y morde, vous ne pouvez pas simplement piocher vos cartes parce que vous avez « attaqué » quelqu'un.
Et ça, c'est la grosse faiblesse de mon jeu aujourd'hui : le déclenchement d'un conflit et le principe des enjeux qui sont pourtant proches de ceux de Dogs in the Vineyard. Simplement dans Dogs, le MJ faisant office d'accompagnateur, il a tout le loisir de prendre le recul nécessaire pour déterminer quand il y a conflit et comment en déterminer les enjeux. Alors que là, comme tout le monde a la tête dans le guidon, jamais les joueurs ne pensent à tout cela, qu'ils soient novices ou routards, c'est toujours moi qui en viens à dire : « euh, là il faudrait peut être lancer un conflit... » ou « non, il faut voir si l'autre s'oppose à ton acte ».

Avez-vous une idée de comment faciliter ça ?
Frédéric
 
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Message par Frédéric » 14 Avr 2009, 00:37

Une question qui m'est venue suite à cette partie :
Parfois les évènements fictifs produisaient un impact émotionnel (en tout cas sur moi, mais les réactions montraient que je n'étais pas le seul). Mais on avait tout de même un peu de distance vis à vis de nos personnages, on n'y était pas très attachés.

Et je me demande ce qui permettrait d'accroître l'attachement du joueur aux personnages (y compris les PJ des autres joueurs).
Voici les quelques pistes qui me sont venues à l'esprit, développons-les, infirmons-les, critiquons-les tous ensemble !

    - La durée : tout un chacun s'est rendu compte qu'au fil d'une campagne, on s'attachait à son personnage et à ceux des autres, il y a un lien qui se crée : on a vécu une histoire ensemble.

    - Les aspects négatifs du personnage : les personnages lisses et parfaits nous agacent plus qu'ils nous émeuvent. Les défauts des personnages, leurs fragilités sont d'excellents moyens pour les humaniser et créer une empathie.

    - Leurs qualités : il ne faut pas qu'ils n'aient que des défauts. On pleurera davantage la mort du protagoniste joyeux et altruiste (comme Harvey Milk) que d'un sale connard égoïste et prétentieux qu'on ne peut pas voir en peinture.

    - La troisième personne : ma prof d'histoire de l'art m'avait dit : d'un point de vue dramatique, "il" est toujours plus fort que "je". Je pense qu'il y a des moments où la désincarnation a vraiment du bon d'un point de vue dramatique ; j'en ai décrit un exemple dans le premier post :
    moi a écrit :Quand Solïa a sorti son flingue, j'ai eu envie que mon perso meure et j'ai tenté de provoquer le drame, j'ai trouvé que ce serait fort émotionnellement et pour l'histoire, alors que lui n'en avait pas du tout envie dans l'idée que je me faisais de son état émotionnel. Au final, je n'y suis pas arrivé, mais j'ai bien dégusté quand même, mais psychologiquement.
    C'est un genre de posture et de décision que l'on retrouve fréquemment dans de bonnes parties narrativistes, du fait du jugement des actes des personnages par les joueurs.

    - Mettre de soi : enfin, un personnage dont les problématiques de vie se rapportent aux nôtres a plus de chance de stimuler notre empathie.


Je développe tout cela en réfléchissant surtout pour Psychodrame, mais je pense qu'il y a des éléments à retirer pour tout autre jeu.
Frédéric
 
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Message par Christoph » 14 Avr 2009, 22:04

Salut Frédéric

Ça donne! Ça fait plaisir de voir ce projet arriver gentiment à maturité.

Savoir quand déclarer un conflit est un point délicat. Zombie Cinema / Zombeja! Ovella! fonctionne de la manière suivante: le joueur cherchant le conflit pose son dé au centre de la table, le joueur défié décide d'y donner suite en posant son dé en face, ou renonce en cachant son dé. C'est seulement après cela qu'il y a la phase de "boostage" (alliances et soutiens des autres joueurs).
Dans Psychodrame, tu peux imaginer que le joueur qui défie doit flanquer son paquet de carte au milieu de la table, puis l'autre fait de même ou pas. Et après on tire des cartes.
En pratique, il faut souvent tout à coup que quelqu'un dise "hé, mais c'est un conflit ça!" et après on revient un peu en arrière et on pose les dés/cartes. Tu peux donner cette responsabilité aux joueurs dont les personnages ne sont pas directement impliqués.


Une de mes plus fortes réactions émotionnelles a eu lieu lors d'une des parties de Paladin 40K (la mini-campagne avec les règles de Paladin, dans le monde de Warhammer 40K).
J'étais MJ, les cinq chevaliers gris (inquisiteurs en armure) sont insérés dans un bidon ville pour anéantir un culte à un dieu de la maladie. Effectivement, il y a beaucoup de malades. Au passage, ils croisent une fillette saine qui cherche son père. L'un des chevaliers gris est un peu désemparé, lui dit qu'il ne peut pas l'aider, mais quand la fille lui tend la main il l'accepte et ils marchent un moment. Coupure, passage à une autre scène où ils flambent le repaire des sectateurs. Ils se cassent illico de la planète et préparent le bombardement stratégique pour endiguer la potentielle contamination (c'est Warhammer 40K).
Pour clore la partie, je décris donc la chute et le sifflement des bombes, et une petite fille toute triste, assise par terre et qui regarde les étoiles.

J'étais mal pendant encore plusieurs heures, un peu comme si j'avais fait quelque chose que je regrettais.
J'ai ressenti quelque chose de similaire à notre partie test de Psychodrame à St-Malo, où mon personnage s'est vu refuser toute tentative de réconciliation (alors qu'il n'avait rien fait de mal pendant la partie). J'étais dégoutté (dégoutté des personnages ou des joueurs? n'étant pas rancunier, la distinction n'a probablement pas une grande importance ici).


Si ces exemples ont quoi que ce soit à voir avec le sujet que tu tentes de soulever, alors, ma petite théorie est la suivante.
Cela n'a rien à voir avec la complexité du personnage, cela n'a rien à voir avec la durée depuis laquelle je le "connais", cela n'a rien à voir avec la troisième personne¹, mais ça touche directement à des valeurs personnelles.
Le jour où mon père est mourant, j'aimerais bien être en paix avec lui. S'il me refuse cela, ce serait tout simplement horrible. L'enfant innocent qui a besoin d'aide et qui se fait bombarder, c'est un peu gros, mais ça me fait réagir. Ils auraient pu la sauver en prétextant qu'elle était résistante aux démons, ça aurait intéressé l'ordre des chevaliers gris tout entier (c'eut été problématique pour elle de vivre cela, et le choix des joueurs est tout aussi pertinent que celui que je propose, mais dans un cas, l'enfant innocent meurt).

On peut y mettre du sien consciemment ou non, parfois la partie dérive sans crier gare sur un sujet sensible (Warhammer 40K était certes un exercice d'éthique appliquée, mais je ne pensais pas que je prendrais cela autant à cœur). Je ne sais pas comment diriger la conception d'un jeu pour obtenir cela.
Dans tous les cas, c'est une fine ligne entre invitation à explorer des sujets à forte charge émotionnelle et un grotesque gavage (sois triste! subis mon art et mon message!)


---
¹ j'utilise la troisième personne pour éviter un trop plein de pathétique. Par exemple, à DitV, Remi descend accidentellement la seconde femme de l'Intendant du village. Merde, je dois raconter une scène de mort, avec toute une famille en pleurs. Comment je m'y prends pour ne pas être pathétique? Je décris "objectivement" à la troisième personne ce que font les personnages, le sang qui coule sur le parquet, le bois qui absorbe le sang. Imagines-toi ce que ça donne si je dois "jouer" le mari en pleurs, reniflant et hurlant son désarroi... ridicule.
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Message par Frédéric » 15 Avr 2009, 00:12

Super ces développements !
J'ajoute juste un ingrédient à ma liste et je reviens plus tard pour répondre à ton post.

- Plus un personnage souffre, plus on tend à éprouver de la compassion à son égard et donc de l'attachement, c'est l'une des règles principales en dramaturgie. Attention, toutefois, il faut que les causes de cette souffrance soient un mélange de causes internes et externes si on ne veut pas tomber dans le caricatural, le pathos et l'exaspérant (je développe à la demande).
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Message par Frédéric » 15 Avr 2009, 17:30

Ah, ben adjugé, j'ai adopté le principe de Zombie Cinema ! Je pense que c'est exactement ce qu'il faut vus les comportements des joueurs : ils ont tendance à piocher les cartes parce qu'ils veulent un conflit, sans se soucier de la réponse de l'autre en face et quand je leur dit qu'il faut que l'autre "morde à l'appât", ils oublient complètement que les conflits existent...

Autrement, pour le développement sur l'attachement, bien que je mettais ça dans un contexte émotionnel, c'est bien uniquement la question de l'attachement au personnage que j'essayais d'aborder (bien entendu, j'ai dans l'idée qu'un fort attachement pourrait augmenter l'implication émotionnelle), je ne cherche pas les recettes pour déclencher de l'émotion, mais réunir un maximum de moyens qui sont identifiables comme générateurs d'attachement au personnage.

Bien sûr, ça semble sorti de nulle part, mais tout ce que je sers ici, je le sors de mes lectures (bon, j'arrête de me toucher l'hypophyse avec mes arguments d'autorité sans citation de source...)

Sauf peut être pour la question de la durée, là c'est plus une question d'expérience personnelle. Mais quand tu auras vu Six feet under, tu ne pourras qu'être d'accord avec moi ! =D

En revanche, je suis d'accord que c'est quand les problématiques font écho à notre vécu que l'impact est le plus fort !

Mais sérieusement, les questions de complexité de personnage etc. ça joue énormément. Le mec qui a le même genre de problématiques existentielles que toi, mais qui n'a que des qualités, ça fait un très mauvais personnage de fiction dramatique. Pareil pour le mec à qui tout réussit.

Autrement, je tenais à dire que je trouvais l'exemple de la gamine remarquable !
De même pour l'exemple d'utilisation de la troisième personne.

Contrairement à ce que mon message peut donner comme impression, je ne cherche pas une recette pour émouvoir (je trouverai ça naze, parce que dans tous les cas, ce serait sans doute plus proche de Plus belle la vie que de Six feet under), mais bien ce qui peut produire un attachement au personnage. Il m'est arrivé de jouer des PJ dont je n'avais pas grand chose à faire
Mais les jouer sur toute une campagne... je finissais par m'y attacher...

Il y a parfois des lignes qui peuvent avoir une importance dans la réussite d'une partie. Par exemple, j'aurais évité bien des batailles rangées dans Psychodrame si j'avais développé le principe des traits contradictoires avant...

Dans tous les cas, c'est une fine ligne entre invitation à explorer des sujets à forte charge émotionnelle et un grotesque gavage (sois triste! subis mon art et mon message!)

Ça, je pense que c'est exactement ce qui fait que la qualité émotionnelle des parties de Psychodrame dépend des joueurs. Moi je pose un cadre avec des pistes, à eux de les saisir ou non. C'est pour éviter le gavage que j'ai utilisé les émotions positives et que j'ai fait en sorte que la fin ne soit pas forcément tragique etc.
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