J'avais été profondément marqué par le voyage de Chihiro, film d'animation de Hayao Miyazaki.
Je l'ai revu lundi dernier.
Je pense que j'aurai atteint mon Graal rôliste le jour où je parviendrai à jouer des parties de JDR semblables à l'expérience fictionnelle que procure cet animé.
Les thématiques sont amenées par des situations étranges, mystérieuses et problématiques et portées par les choix de l'héroïne perdue dans ce monde étranger dont elle doit adopter les codes pour y être acceptée.
Quand Yubaba cherche à lui faire peur et à la dissuader de rester, elle s'entête à lui demander du travail. Quand le travail est harassant, elle tient bon et donne tout ce qu'elle a avec abnégation et réussit à sauver l'établissement de bains.
Chihiro qui mange des gâteaux de riz enchantés par son ami Haku et qui pleure à grosses gouttes, comme pour se purger de sa peine.
Quand le sans visage lui offre de l'or (qui pourrait l'amener à sa perte), elle le refuse car elle n'a en tête que d'aider Haku, dont la survie est incertaine suite aux maléfices qu'il a subis. Ce sont ses choix et ses valeurs qui la sauvent continuellement dans ce monde hostile.
Quand le sans visage décide de la suivre, elle ne le repousse pas malgré les horribles choses qu'il a faites et il finit par trouver un foyer chez la sorcière Zéniba...
Ensuite, l'esthétique si singulière de cet animé me semble quasiment impossible à retranscrire en JDR : des êtres au faciès grotesque, des grenouilles qui parlent, des esprits difformes et des sorcières disproportionnées. Tout cela fonctionne sans ridicule grâce à la subtilité et à la poésie du dessin. Comment amener une telle couleur en JDR sans que l'étrange se transforme en ridicule ?
En voyant une nouvelle fois ce chef d'œuvre, j'ai compris que Prosopopée et Où Nul n'a Jamais Été sont des tentatives d'accéder à cela : une adéquation entre esthétique et thématiques. J'ai le sentiment que le jour où j'arriverai à de telles parties sera celui de mon accomplissement artistique.
Prosopopée se base davantage sur Mushishi, mais si l'esthétique y est potentiellement singulière et riche, je ne suis pas satisfait de la profondeur donnée aux thématiques. Mais j'y travaille.
Où Nul n'a jamais été me paraît bien dérisoire à présent et je ne me sens pas de le mener à son terme. Notamment parce que je ne me sens pas capable de lui donner une vraie profondeur compte-tenu des thèmes que j'ai commencé à y développer. Plutôt que de poursuivre ce jeu, je compte davantage me pencher sur quelque chose de Chihiresque (dans les principes fondamentaux plus qu'une adaptation). Néanmoins, il m'a permis de déblayer un peu le terrain.