Explo[nar]rateurs est un jeu indépendant de Pierre Gavard-Colenny (aka Saladdin) disponible gratuitement en PDF ici et dont la version imprimée est disponible sur Lulu (un joli et tout petit bouquin de JDR vendu pour un prix modique).
Le jeu propose d’incarner des gens ordinaires qui se retrouvent projetés dans des univers fictionnels (appelés « Fictions »). A chaque scénario, ils s’incarnent dans un avatar, un personnage de la Fiction.
Le système de résolution est très simple mais repose sur une idée assez étrange à la lecture : on lance un dé -le dé Omen- pour savoir si l’action sera une réussite et plusieurs dés -les dés de narration- pour savoir qui raconte l’issue de l’action (PJ ou MJ). Le nombre de dés de narration dépend des caractéristiques et des traits du personnage, pas le dé Omen. Le fait de réussir ou d’échouer ne dépend donc (presque) pas des caractéristiques des personnages.
Le jeu peut se jouer avec un système de MJ tournant -ce que nous avons fait- ou dans une configuration plus traditionnelle avec un MJ et des PJs fixes.
Un point apparemment important pour l’auteur : l'esthétique des supports de jeu repose sur des nuages de mots, qui caractérisent la Fiction. Nous avons trouvé que ce point était assez anecdotique et je pense que nous créerons nous même des univers sous la forme -esthétiquement quelconque- de liste de mots.
Le point de règle qui -par contre- a provoqué mon coup de cœur pour le jeu c’est la notion de « brisure de fiction » : le but des joueurs est de construire une histoire intéressantes impliquant leurs avatars. Ils doivent éviter de réaliser des actions qui ne cadrent pas avec le genre de la Fiction et -plus amusant encore- ils ne peuvent pas parler de la Fiction en présence de PNJs (en clair pas de métajeu en présence de PNJs). Je vais essayer d’insister sur ce point dans mon CR, pour montrer comment le jeu intègre élégamment le métajeu.
Nombre de joueurs : 4 (en utilisant le système de MJ tournant)
Durée de la partie : 3 heures (dont 1/2 heure d’explications des règles)
Fiction choisie : Harry Potter (disponible sur le site de l’auteur, rubrique Fiction)
1) L’Histoire racontée dans la Fiction
Nous avons choisi de jouer à l’époque où James Potter et Lilly (future Potter) étaient à Poudlard. Nous avons incarné nos PJs dans les avatars de James, Lilly, Rogue et Hagrid. Je jouais James.
James et Lilly n’étaient pas en couple mais ils étaient déjà amoureux l’un de l’autre, sans oser se le dire. A l’époque, James était un adolescent particulièrement prétentieux qui martyrisait continuellement Rogue. La vie n’était donc pas facile pour Rogue, d’autant qu’il était amoureux de Lilly.
Tout commença par l’arrivée d’un article de journal. On apprenait que l’école primaire de la ville natale de Lilly avait été détruite, sans doute par des forces magiques (rappelons que Lilly vient d’une famille de moldus). Notre partie commença dans une bibliothèque avec Rogue cherchant timidement à consoler Lilly. Celle-ci, bouleversée par les événements, le rejette.
Arrive alors James, accompagné d’Arthur Weasley, qui se moque de « ce misérable vermisseau de Rogue ». Par bravade, il propose d’utiliser sa cape d’invisibilité pour se rendre dans les ruines de l’école. Il insulte un peu Rogue, « je suis sûr qu’un misérable vermisseau comme toi n’osera jamais nous accompagner ». Il a déjà discuté avec Hagrid qui propose de les faire sortir en douce de Poudlard dans la nuit. Évidemment Rogue -pas très rassuré- décide de les accompagner.
La petite troupe arrive donc en pleine nuit chez Hagrid (grâce à la cape d’invisibilité). Pas de chance pour eux, Dumbledore a lui aussi décidé d’aller lui rendre visite pour prendre le thé. James fait un peu peur à Arthur Weasley et lui conseille de rentrer, Arthur accepte.
Hagrid fait alors sortir les 3 élèves de Poudlard, il décide quand même de les suivre à distance -pas très rassuré. James, Rogue et Lilly sont donc tous les trois sur un balais et survole la ville de moldus où a grandi Lilly. James décide d’embêter Rogue et lui faisant courir une chocogrenouille (un bonbon animé en forme de grenouille) dans le dos. Pas de chance, le bonbon tombe à côté d’une maison et nos héros décident d’aller le récupérer. Ils se posent dans le jardin.
James et Lilly décident de s’approcher pendant que Rogue fait le guet. Bizarre : ils entendent des paroles d’incantations venant de l’intérieur de la maison. En passant la tête par la fenêtre, ils tombent nez à nez avec Voldemort.
Voldemort décide de les éliminer. Il lance une boule de feu en direction de James et Potter. Rogue la dévie mais James est gravement brulé. Hagrid surgit de derrière les buissons, agrippe James et lilly par le col, monte sur son balai et s’enfuit.
S’ensuit une course poursuite effrénée. Lilly soigne James, Voldemort poursuit tout le monde en volant. Hagrid cherche à utiliser une cheminée d’usine pour se téléporter vers les chemins de traverse : c’est raté mais James attaque Voldemort avec un Patronus. Voldemort tombe dans la cheminée d’usine en criant « NOOOOON ».
Finalement tout le monde rentre à Poudlard devant Dumbledor. Pour éviter que son ami Hagrid soit accusé, James décide de dire qu’ils ont réussi à quitter l’école sans son aide. Il raconte à Dumbledore que Voldemort est mort. Dumbledore accepte de croire à leur récit mais décide de donner 3 semaines de colles à tout le monde. Fin de la Fiction.
2) Un exemple de métajeu
Comme je l’ai dit, le but des joueurs est de construire une histoire de qualité. Deux difficultés se posent à eux :
*le résultat des dés est très imprévisible (car non lieu aux caractéristiques des personnages)
*les joueurs ne peuvent pas discuter de l’histoire en présence de PNJs.
Dans l’histoire, au moment d’arriver à côté de la cabane d’Hagrid, les autres PJs sont accompagnés d’Arthur Weasley (un PNJ). Ils décident de lui conseiller de partir. Pourquoi ?
Tout simplement pour pouvoir discuter tranquillement de la suite à donner à l’histoire racontée. Une fois Arthur et Dumbledore partis, les PJs se retrouvent entre eux.
A ce moment, nous avons joué une longue scène de discussion autour de l’intrigue « ça serait cool si on arrivait à quitter l’école mais qu’Hagrid nous suive dans l’ombre », « pourquoi ne pas laisser tomber un de nos objets personnels avant de quitter l’enceinte de Poudlard ? ».
Plus amusant, ces moments nous permettaient de discuter du début de la partie. Par exemple en tant que joueur de James, j’ai demandé à la joueuse incarnant Rogue « ça va tu ne m’a pas trouvé trop puant ? ». On pouvait même se lâcher et faire des plaisanteries complètement hors thème « pfff c’est chiant de t’appeler Rogue, je préfère Severus ») voire graveleuse (pas d’exemple je laisse faire votre imagination, en tout cas ce n’était pas dans le « canon » Harry Potter ^^).
Ce décalage entre les moments où l’on joue son avatar et ceux où l’on joue son personnage est très amusant. Le jeu est séparé entre des moments « roleplay » (en mode « c’est sérieux là ! On joue, on parle après ! ») et des moments de purs délires où les joueurs sortent de leur avatar. Ce qui est génial c’est qu’il orchestre à merveille cette séparation en l’intégrant dans son système de jeu.