Unknwon Armies et INS : entre Murder et JDR

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Unknwon Armies et INS : entre Murder et JDR

Message par Steve J » 28 Déc 2012, 04:23

Pour mon premier rapport de partie sur ce forum, j'ai décidé de fouiller loin dans ma mémoire et de retrouver les souvenirs de deux anciennes parties de JDR (elles datent toutes deux de plus de 4 ans). Ces deux parties ont évidemment un point commun : par leur dispositif elles se situaient entre le JDR et la Murder Party.

C'est le podcast de la Cellule sur la Murder Party qui m'a rappelé ces deux excellents souvenirs de partie. Je n'ai pas réécouté ce podcast depuis quelques semaines, mais il commençait dans mon souvenir par une tentative de définition de ce qu'était la Murder Party et en quoi elle différait du JDR sur table. Même si je commenterai la définition donnée, mon approche est autre : je me demande quels sont les liens entre ces deux pratiques et s'il est possible (et intéressant) de les faire communiquer.

1) Quel joueur (MJ) était-je à l'époque et quel système de règles utilisais-je ?

Même si je parlerai de mes deux parties séparément, il me semble important de préciser quelle était ma pratique du JDR à l'époque et notamment mon rapport avec les système de règles. J'étais à l'époque quasi-exclusivement MJ, je jouait principalement à des jeux "traditionnels" (1) dont INS/MV et Unknown Armies deux jeux fantastiques contemporains, le premier- plutôt parodique- mettant en scène l'affrontement des anges et des démons et le second -plus sérieux dans son ton- des mages urbains tirant des pouvoirs de pratiques plus ou moins étranges.
Plus intéressant, j'avais un rapport très méfiant envers les systèmes de règles et je gardais constamment en tête cette phrase attribuée à Gary Gygax "les dés ne servent qu'à faire du bruit derrière les paravents". Dans ma tête, un système de jeu était un mal nécessaire qui brisait l'immersion des joueurs. En tant que MJ, il me revenait de les gérer à la place des joueurs (qui ne le connaissaient pas forcement).

Même si je lisais les systèmes de règles dans les jeux, je ne les appliquais que superficiellement. On peut considérer que je n'utilisais finalement qu'un système : le BDP ("Bruits Derrières les Paravents"). Je faisais la plupart des jets de dés derrière mon écran (même ceux des PJs) en appliquant à la louche les effets ("mmmh il a un score de compétence élevée et le lancer de dés donne un résultat pas trop mauvais ==>il réussit") sans hésiter à tricher pour préserver l'intérêt du scénario (il ne me semble cependant pas que j'étais un MJ dirigiste, quand les joueurs avaient de bonnes idées d'action (2) pour les PJs, je ne leur refusais pas grand chose).

Dans le podcast de la Cellule, de nombreux intervenants amateurs de Murder Party ont souligné le fait que -par rapport au JDR- la Murder privilégiait des systèmes de règles simples la plupart des actions pouvaient se résoudre par le "roleplay" (3). On comprendra que cette particularité de la Murder par rapport au JDR, n'était en réalité pas si éloignée de ma pratique du JDR sur table de l'époque. Il y avait deux grandes différences entre mes parties de JDR et la définition de la Murder donnée dans ce podcast (et par la plupart des pratiquants des Murder) :
1) Nous ne mimions pas -où peu- les actions de nos personnages
2) Nos parties n'étaient pas des huis-clos

Par deux fois, je décidais de faire disparaître ces différences et j'organisais des parties à la frontière entre les deux types de jeu. Je précise que mes rapport de parties s'attarderont sans doute plus sur les dispositifs (dont je me souviens encore pas trop mal) que sur l'histoire racontée (dont je ne me souviens que par bribes).

2) Ma partie de Unknown Armies : Jailbreak (avec quelques Spoilers, c'est un scénario issu du recueil One-shots)

Il s'agit d'un scénario dont la totalité des personnages (une dizaine) sont des PJs (prétirés). Il met en scène un groupe d'évadés de prisons, qui tiennent en otage un policier, qui vont devoir se réfugier dans une ferme. Cette ferme est occupée par un vieux couple dont le mari est un mage qui donne vie à des automates (il doit pour cela abandonner ses souvenirs).
La première chose à m'avoir fasciné dans ce scénario était la présence de PJs violemment antagonistes (des otages et des preneurs d'otages). Comme tous les scénars du recueil, les joueurs (PJ) disposent d'une fiche de PJ très détaillée.

Pour faire jouer ce scénario, j'ai décidé de demander à un de mes amis de faire office de second MJ. Nous avons aussi décidé de prendre le rôle d'un PJ chacun (il y avait donc 8 joueurs et 2 MJs). Nous avons changé nos habitudes de jeu et -au lieu de jouer autours d'une table- nous avons joué dans une grande maison, que nous avons entièrement utilisée. La maison dans laquelle nous jouions avait le même plan que celle de l'intrigue et les joueurs se déplaçaient de pièces en pièces pendant que l'un des MJ leur décrivait ce qu'ils voyaient. Quand il fallait résoudre un conflit physique, on lançait les dés (même si on mimait le fait de se pointer des gros flingues sur la tempe avec les doigts) (5).

Pendant plus de la moitié de notre partie, les joueurs incarnant des otages sont restés assis sur le sol de la cuisine, avec un joueur les tenant en joue. Les braqueurs envoyait régulièrement un joueur fouiller les pièces de la maison (en tant que MJ, nous décrivions des bruits étranges venant de certaines pièces -les automates qui s'animaient). Finalement, une attaque d'automate à permis aux PJs otages de s'enfuir et la partie s'est achevée par une combat entre les deux camps en présence.

Commençons par décrire les difficultés liées à notre organisation :
-notre scénario ne tenait que si tenait deux contraintes fortes : le maintiens du huis-clos (pas trop dur) et le maintiens d'une situation de tension sans que ne meurent (trop vite) les PJs (pourtant antagonistes et armés). J'appliquais quand même assez sérieusement les règles de violence d'UA qui pénalisent les joueurs trop meurtriers (il faut réussir des jets pour commettre des actes de violence et on risque de graves séquelles psychologiques) pour décourager les PJs preneurs d'otages d’abattre les PJs otages.
-les PJs otages n'avaient pas de rôles intéressants et il nous fallut inventer des rebondissements peu crédibles pour leur permettre de s'échapper des mains des preneurs d'otages (attaque d'un automate). Dans la première partie, ils ne faisant pratiquement rien d'autre qu'attendre.
-si les joueurs se séparaient en plus de groupe, nous n'avions plus suffisamment de MJ pour leur permettre de tous jouer.
-globalement il nous fallait constamment -en tant que MJ- créer du jeu en inventant de nouvelles situations. La situation initiale, couplée aux (non) règles que nous n'utilisions menait à une impasse et il nous fallait constamment envoyer des électrochocs artificiel. La situation de huis-clos (et finalement de temps réel) ne permettait pas aux PJs d'être moteurs et de construire de l'intrigue.

Un avantage spécifiquement liée à notre organisation est quand même apparu : une grande implication émotionnelle, sans doute en partie liée à la proximité entre les actions des personnages et celles des PJs.
Un exemple qui continue à me toucher des années plus tard. En tant que MJ, j'incarnais le fermier qui était mage créant des automates. En fait, sa femme était un automate qui s'ignorait. Il avait choisi d'oublier ce fait (en sacrifiant ce souvenir en créant sa "femme").
Moi et la joueuse incarnant la femme automate du fermier nous sommes retrouvés seul dans une chambre (les personnages étaient barricadés tous les deux dans cette chambre). La femme automate était blessée et sa blessure dévoilait ses rouages. La scène que nous jouâmes alors était très étonnante, très triste. Le mage assis sur le lit, sanglotant, la femme automate débout -incapable de pleurer- décidant de lui pardonner.

3) Ma partie d'INS/MV

Le scénario était inspiré d'une courte accroche scénaristique proposée dans le supplément Sur le Terre comme au Ciel (le meilleur supplément de la gamme selon moi). Le PJ étaient séparés en deux groupes, l'un d'anges, l'un de démons (4). Les anges avaient pour but d'assurer la sécurité d'un mariage entre la fille d'un magnat de la presse et un ange, les démons avaient pour but de le faire capoter. La présence d'humains empêchaient les conflits directs entre les deux camps et assurait le maintien du huis-clos.

Là encore, nous étions deux MJs. Par contre nous n'utilisions pas une maison tout entière mais uniquement deux pièces.
Lors du repas post-cérémonie à l'église, les joueurs étaient assis dans la même pièce (à des tables différentes) ce qui était aussi le cas de leur personnage (précisons qu'à chaque table nous avions à la fois des PJs anges et des PJs démons.

En tant que MJs, nous jouions de nombreux PNJs (un prêtre particulièrement conservateurs à l'église, les invités bavards aux différentes tables). Le scénario avançait au gré des tentatives de sabotages des PJs démons, pour finir par un combat final dantesque, paroxysme d'une excellente aprèm de jeu.

INS/MV n'est pas un jeu qui joue sur les émotions (outre le rire et la tension liée au déroulement de la mission) et nous n'avons pas retrouvé les beaux moments d'immersions que nous avions connu avec notre partie d'UA. Par contre la situation initiale permettait parfaitement de créer du jeu à partir des actions des PJs.

4) Une rapide conclusion
Je tire deux conclusions différentes de mes deux parties sur mon idée initiale de mêler Murder et JDR.
Ma partie d'UA m'apprend que ce dispositif permet de créer de beaux moments d'émotions entre les personnages. Le fait de rapprocher les actions des joueurs de celles de leur personnage est un moyen puissant d'identification entre les deux. Elle m'apprend aussi que le dispositif peut foirer et produire beaucoup de moment d'ennui pour les joueurs !
Ma partie d'INS/MV m'apprend que le dispositif peut-être viable. Il permet notamment de créer des JDRs de compétition entre deux équipes de PJs qui tiennent la route.

En mettant sous forme écrites ces vieux souvenirs de joueur, je suis partagé entre l'envie de repenser le rapprochement Murder/JDR et le "à quoi bon" ? Il y a là la possibilité de faire jouer des moments "forts" et d'organiser des parties amusantes en mettant en compétition deux équipes. Mais je termine mon texte en me posant une question : est-ce que mon dispositif n'était pas un peu artificiel, bancale, était-t-il réellement responsable des bons moments que j'ai vécu en mastérisant ces deux parties (il était en tout cas responsable d'une partie des échecs de ma partie d'UA). Je suis encore incapable d'y répondre.


(1) Tentons une rapide définition : j'appelle "JDR traditionnel" un JDR qui partage les rôles entre des joueurs qui n'ont en charge que la description de ce que leur PJ cherche à faire et un MJ qui décrit tous le reste (dont l'univers et l'effet des actions du joueur sur l'univers).
(2) Evidemment j'étais seul juge de ce qu'était une "bonne idée" et de ce qu'était "l'intérêt du scénario". Cela faisait reposer une charge très lourde sur mes épaules de MJ. Il me semble cependant (et cela me surprend en le racontant a posteriori) que nos parties étaient le plus souvent réussies. Pour info, c'est avant tout l'absence de challenge réel (car entièrement décidé par le MJ) qui nous a fait changer de rapport aux systèmes de règles.
(3) Je ne sais plus si c'est le terme qui était employé. J'utilise ce mot en lui donnant le sens que je lui donne à me table. Faire du "roleplay" c'est chercher à reproduire les actions du personnage que l'on incarne. Cela englobe à la fois le fait de faire parler son personnage par le discours direct (les mots du joueur sont ceux de son personnage) et de mimer ses actions (se lever au lieu de dire "je me lève").
(4) Les anges et démons du jeu ont forme humaine, ils ne sont en théorie pas reconnaissables mais peuvent choisir de "faire flasher leur aura". Ils projettent alors une lumière (rouge pour les démon, bleue pour les anges) visibles des seuls anges et démons. Evidemment il peut est très dangereux de faire flasher son aura (on peut être repéré par des membres du camp d'en face). Ils n'ont pas le droit de faire usage de leurs pouvoirs devant des humains et doivent donc être discrets.
(5) Oui à l'époque je ne sortais les dés que pour les actions physiques.
Steve J
 
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Re: Unknwon Armies et INS : entre Murder et JDR

Message par Christoph » 07 Jan 2013, 15:36

Salut Steve, soit le bienvenu ! Moi c'est le modo, si jamais t'as des questions sur le forum tu peux m'écrire.

J'en profite pour te féliciter pour tes rapports de partie très intéressants et bien écrits ! Si cette approche hybride entre murder et JdR t'intéresse toujours, saches que les Scandinaves ont une scène spécialisée dans ça : Vi åker jeep (site en anglais), il me semble justement que leur objectif est de jouer sur l'intensité émotionnelle amenée par l'expérience physique, sans non plus trop se prendre la tête avec les décors, costumes, etc. Je connais deux auteurs de la Forge qui s'en sont largement inspiré pour écrire des jeux : Emily Care Boss (Under My Skin) et Seth Ben Ezra (A Flower for Mara). Ce sont des jeux assez expérimentaux et intimistes. Si j'ai bien compris, Doubt de Tobias Wrigstad est un des jeep-form les plus connus/réputés (traductions en cinq langues quand même). Je n'ai pas d'expérience personnelle de ces jeux, je ne saurai donc pas en dire beaucoup plus.
Innommable: hurlez.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
Christoph
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