[Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

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[Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Bonzeye » 25 Juil 2011, 11:14

Bien je vais prendre un peu de temps pour faire un compte rendu de ma partie de samedi dernier. Le point qui m'a le plus frappé est la durée de la partie et la lenteur avec laquelle l'histoire a avancé. J'aimerai prendre le temps de décortiquer la partie pour comprendre quels mécanismes et décisions ont amenés la partie à durer aussi longtemps. Les deux hypothèses que j'établis à priori sont :
1) notre manque d'expérience du jeu
2) notre excès d'expérience du jeu de rôle

En me réunissant avec le groupe avec lequel j'ai l'habitude de jouer aux jdr "traditionnels", je leur ai, cette fois, proposé d'essayer un jeu indy. Je leur ai laissé le choix entre Zombi Cinema, Prosopopée et Remember Tomorrow. Leur choix s'est porté sur Zombi Cinema. Je n'y avais moi même jamais joué et ne suis guère habitué aux jeux forgiens. Nous avons tous lu les règles, histoire d'être sur un pied d'égalité, et nous avons commencé à jouer (aux alentours de 17h).

Chacun a tiré ses petites cartes et imaginé un personnage :
Un policier ancien militaire
Une adolescente fugueuse et violente sous tutelle (du policier ci-dessus)
Un ouvrier quadragénaire
Une femme active moderne et dynamique
Un témoin de jéhovah asiatique kleptomane

Je vais décrire succinctement et de manière résumée le déroulement de la partie, donner des éléments de mes ressentis à certains moments en les illustrant par des évènements spécifiques qui se sont produits au cours du jeu. Je détaillerai les éléments qui sembleront nécessaires au cours du développement de l'analyse et des questions sur cette partie.

Nous avons commencé l'histoire à Nantes, samedi soir, dans un bar de notre connaissance où nos personnages sont tous présents. Un individu apparemment blessé et malade fait irruption. Des étudiants en médecine présents s'occupent de lui pendant que le patron appelle le SAMU. Entre temps l'homme est déclaré mort. Le policier contacte ses collègues pour venir sur place. Le policier prend nos dépositions et la zone est bouclée. Lorsque le corps de l'homme est emmené, il se relève et griffe un ambulancier. L'homme est arnaché sur le brancard et emmené au CHU.

Nous avons ensuite été convoqué au commissariat central de Nantes où nous avons été à nouveau auditionné. Nous (joueurs) avons beaucoup débattu pour savoir à quel point la "maladie" avait été relayée dans les médias, où et comment l'information sur le sujet circulait. Nous avons finalement peu joué durant cette scène. L'histoire a avancé lorsque nous avons tous (notre ami policier compris) été emmené de force par des militaires dans des camions de l'armée.

Le choix de la scène suivante a été sujet à un certain de discussion avant que nous ne décidions de jouer le trajet en camion jusqu'à la caserne. Nous avons encore discuté un bon moment pour décider du temps que mettait le camion à rejoindre la caserne (située à moins d'un kilomètre du commissariat) et notamment sur l'état de la circulation : accidents ? embouteillages ? Nous avons un peu pris le temps de jouer nos personnages dans le camion, leurs interrogation sur ce qu'il se passait, etc.

Nous nous sommes retrouvé dans la caserne, où nous avons été parqué. Nous nous sommes mis d'accord pour qu'une amie de mon personnage soit sommairement exécutée après avoir griffé un militaire lorsqu'elle fut prise d'hystérie. Nous décrivons l'organisation de la vie dans ce camp. A un moment, le quadra se retrouve tasé par les militaires alors qu'il ouvrait un peu trop sa gueule. Alors que nous l'emmenons, inanimé, le témoin de jéovah essaie de lui faire les poches. Je souhaite l'en empêcher, et nous résolvons ainsi le premier conflit entre les personnages. Nous nous emmêlons un peu avec les notions d'alliance et de soutien et nous devons sortit un peu de l'histoire pour nous repencher sur les règles. Au final le pickpocket réussi son affaire, et mon personnage ne voit rien de ce vol.

Sur une des scènes suivantes, des coups de feu retentissent dans le camp en pleine nuit. Nous construisons une petite scène qui fait intervenir un zombi isolé qui attaque un soldat et le tue. La scène est intéressante. Néanmoins, il s'avèrera par la suite que cette scène, que j'imaginais contenir des éléments à réutiliser plus tard, s'est avérée finalement n'avoir aucun apport sur l'histoire (ie les évènements ultérieurs)

Bon, je passerai en détail les scènes suivantes. Nos personnages s'échappent de la base, traînent dans la ville. On discute beaucoup de plan de survie et des moyens de s'en sortir, à la frontière entre jeu et hors-jeu. C'est au cours de cette évasion qu'un des joueurs pose un objectif pour le groupe : atteindre Saint Nazaire pour embarquer à bord du navire du beau-père de son personnage.

Nous jouons ce périble le long de l'estuaire de la Loire, la partie commence à traîner en longueur et je me sens moins inspiré et motivé pour raconter une super histoire qu'en début de partie. On termine l'histoire avec le sacrifice d'un des personnage pour permettre aux deux survivants de s'enfuir. On arrête le jeu lorsqu'il ne reste plus que mon pion sur le plateau et que l'on ne souhaite pas passer plus de temps dans les règles. Il est 22h30, la partie a commencé à 17h.

Voilà, alors par rapport à cette partie, j'aimerai explorer deux points.
- jouer à un jdr indy sans "aide extérieure" pour l'apprentissage du jeu.
- la spécificité des rôlistes (compétences, attitudes) et ses conséquences sur l'expérience de jeu.

Tout d'abord il s'agissait là de notre première partie d'un jeu indy "en autonomie", c'est à dire sans l'assistance de quelqu'un d'expérimenté et qui connaissait le jeu pour nous guider. Je trouvais cette démarche intéressante puisque, de ce que je peux trouver de très intéressant dans l'indy c'est de proposer des jeux sans préparation et sans absorber trois tonnes de documents : des éléments idéaux pour permettre à des novices de se mettre aux jeux de fiction. Mais pour briser cette barrière de l'initiation, il faut que le jeu et son système puisse être aisément envisagé par des néophytes.

Comme nous y avons joué entre "rôlistes", nous savions quelque peu à quoi nous attendre. Nous savions quel peut être le plaisir à se raconter ensemble une histoire, nous avons cette expérience de plongée dans l'imaginaire par la communication verbale, et de plus en tant que geeks, nous avions tous une plus ou moins grande connaissance des films de zombis.

Néanmoins, nous avons été confrontés à quelques dysfonctionnement ou problèmes d'ajustements au cours du jeu. Tout d'abord en ce qui concernait l'application du système. J'avais lu les deux pages de règles précédemment, et j'en ai imprimé deux exemplaires, pour que nous puissions tous les lires avant de débuter la partie. Mais comme aucun de nous n'avait déjà joué, nous avons été confronté à certaines questions. La plupart, nous les avons résolues par la discussion en débattant pour nous mettre d'accord sur l'interprétation des textes (un peu d'exégèse dans toute ces diégèses ...). Néanmoins, certains éléments me sont resté obscurs tout au long de la partie. Je n'en ai pas discuté avec les joueurs parce que je ne pense pas que ça aurait fait avancer le schmilblick au cours du jeu. La point qui m'a paru le plus problématique est celui sur les conflits : en effet, le texte dit qu'il y a résolution lorsque le conflit est entre deux personnages. Mais il est arrivé, parfois que le conflit soit plus entre les joueurs qu'entre les personnages, que ce soit entre les narrateur et un joueur avec son personnage, ou entre deux joueurs qui ne sont pas narrateur. Ces conflits là, nous les avons résolus par le débat, et le narrateur avait son "dernier mot", mais parfois après de longs débats. De plus la frontière est ténue entre "le personnage" et "le contexte", ce qui parfois nous a posé problème pour savoir qui avait le dernier mot (un problème somme toute essentiellement théorique, puisque en jeu nous avons à peu près réussi à le dépasser).

Un autre élément que j'ai trouvé dommage dans la manière dont nous avons joué, c'est que finalement nous avons assez peu été dans un genre cinématographique. Nous avons beaucoup creusé sur les fils invisibles, les comment, les pourquoi, et ne nous sommes que peu attaché sur l'image, la description des scènes. Même sur le jeu des personnages, nous avions cette posture de metteur en scène théoricien, et j'ai eu plusieurs fois cette impression d'être vraiment trop extérieur à ce qu'il se passait dans l'histoire. Je trouve que nous n'avons pas assez respecté les codes du film de zombi à mon goût. Mais cela n'est pas spécifiquement écrit dans le système, il s'agit sûrement d'une appréciation personnelle.

Au final, les joueurs ont beaucoup apprécié cette manière de jouer différente du jeu de rôle "conventionnel", et je crois que nous pourront ou retenter l'expérience de Zombi Cinema, ou nous lancer sur d'autres jeux.
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Maitresinh » 25 Juil 2011, 16:43

Ton rapport de partie est bienvenu, car ( c'est marrant), j'en ai fait une de Zombi Cinéma dans une situation opposée; qu'avec des non joueurs (non rolistes ET non joueurs), et relativement jeunes (une fille et un gars de 18 ans, les autres ayant en moyenne 12-13 ans), en mjc, sur un coin de table, dans un endroit bruyant.

Je vais donc réaliser quelques commentaires sur ton rapport en comparant avec ce que je me souviens de cette expérience.

En ce qui te concerne, peut être que le manque de "genre cinématographique" est du au point de vue (subjectif) traditionnel des rolistes ? Dans notre cas, les joueurs ne faisant pratiquement que piocher dans des films ( mais sans les même références que moi, pas de Romero au menu), donc ce n'était pas vraiment un problème.

Par contre, j'ai eu clairement l'impression d'un "défaut" de solidité de la répartition de la narration. Vous qui étiez entre rolistes, apparemment, vous avez réglé cela par le consensus. Mais dans ma partie, non seulement c'était le bordel ("attend, non, j'ai une meilleure idée, en fait le zombi, il..."), mais ils n'arrivaient jamais à se mettre d'accord ( sans qu'il y ai conflit), car il y avait toujours quelqu'un avec une "attends, attend, j'ai une autre idée". Au final, on ne savait plus ce qui se passait vraiment.

Peut être devrait on utiliser des jetons pour prendre la parole, avec duel d'enchères en cas de conflit (sur la prise de parole), et interdiction de revenir sur un élément décrit - ni de se dédire) ou passage direct au conflit quand un joueur ne veut pas prendre la parole mais refuse une assertion.

Tant qu'a avoir un jeu "robuste" et compétitif, je pense que cette voie est intéressante même pour les rolistes, histoire d'explorer une forme de jeu vraiment différente. Sinon, si on se contente de combler les lacunes du système par la collaboration, on risque a la fois de perdre le coté compétitif de la chose et la particularité de l'expérience.

Enfin, bref, j'aimerais souligner que l'autre point de ton expérience que tu as mis en avant (jouer sans aide extérieure à un jeu ""indie"") me parait particulièrement intéressant comme "blind test" du jeu et de sa "robustesse" (a fortiori, s'il ne passait pas le test avec des rolistes, il y a peu de chances que ce soit cas avec des non joueurs). J'espère que tu nous raconteras d'autres aventures en territoire ludique inconnu :)
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Frédéric » 25 Juil 2011, 18:06

Bonjour Bonzeye,
Je dois dire que ton rapport de partie est excellent car il me donne une bonne et synthétique vision de tous les niveaux de jeu (contrat social, exploration (de la fiction), techniques de jeu etc.)

La première chose à dire, c'est qu'à chaque fois que j'ai joué à Zombie Cinema ou à d'autres jeux avec de larges responsabilités narratives pour les joueurs, avec des rôlistes, je me rendais compte que ceux-ci intégraient beaucoup de leurs habitudes qui n'avaient pas forcément d'intérêt dans le jeu. Par exemple, j'ai eu des joueurs qui disaient "j'essaye de faire ça" et qui me regardaient en attendant que j'approuve ou que je leur décrive le résultat de leur action. D'autres, en posture de narrateur cherchaient à nous tendre des pièges, comme s'ils devenaient MJ de D&D tout à coup.

En fait, le système est suffisamment bien conçu pour que ces techniques ne fonctionnent pas et les joueurs soucieux du fonctionnement du jeu devraient rapidement comprendre que :
1) les seules épreuves qui comptent sont les conflits entre personnages-joueurs (puisque ce sont les seuls qui sont prises en compte par le système) ;
2) les joueurs sont libres et leurs actions ne sont pas soumises à jets de dés, donc c'est à eux d'en raconter le résultat (sauf en cas de conflit).
Mais ne même temps, le jeu est souple, donc si un joueur dit : "je fais ci", un autre peut dire : "il se passe ça en conséquence". Ce n'est pas interdit.
C'est une qualité majeure de ce jeu à mon avis : même si on suit approximativement les règles, ça tourne quand même.

Maintenant, pour avoir une expérience optimale, c'est une autre question. Il faut privilégier l'action à la réflexion.
Par exemple, je constate que vous vous discutez pour vous mettre d'accord : c'est inutile. Chacun agit, dit ce qui lui passe par la tête et les autres rebondissent. C'est l'action qui prime, il faut qu'il se passe des choses, le reste, c'est superflu (et ça peut nuire au plaisir du jeu). J'insiste sur cet aspect, il n'y a aucune bonne raison pour que vous cherchiez un consensus, c'est même quelque chose qui nuit à la partie : une bonne partie de JDR laisse le consensus à la poubelle, ce sont les choix francs qui font les bonnes parties.

Après, le fait comme le dit Maîtresinh que des joueurs négocient les narrations serait tout aussi mal venu : quand une action se produit, elle est dite, on continue, les négocier reviendrait à ne pas donner de crédit à ce que chacun dit.
Là où je pense que le jeu est un peu fragile, c'est qu'il ne donne pas beaucoup de raisons aux joueurs d'avoir des motifs de désaccords entre personnages. Les cartes à jouer permettent déjà de donner des caractères souvent antinomiques, ce qui est bon pour amener les conflits.
Ensuite, il y a des conseils de manière de jouer sur le site de l'auteur : http://www.arkenstonepublishing.net/zom ... e-for-play
Et l'un de ces conseils est le suivant : quand vous cadrez une scène, ne la cadrez pas pour votre personnage mais pour celui d'un autre joueur. De cette façon, on compense l'absence de MJ en endossant son rôle à tour de rôle et on a toute latitude pour créer des raisons d'agir et de développer des Conflits, puisqu'il n'est plus en position de plaider pour son personnage, mais de dire des trucs cools pour les autres personnages et donc les foutre dans la mouise sans avoir à les forcer.

Pour moi, cette technique (et tous les autres conseils) auraient dû se trouver dans les pages de règles pour aider justement à ce que l'expérience soit optimale. Cependant, il faut comprendre deux choses : si on veut vraiment que les joueurs puissent faire face aux problèmes et aux difficultés, ça demande plus de 2 pages de règles et du coup, le jeu devient automatiquement accessible à un public moins large. Zombie Cinema est clairement écrit pour intimider le moins possible les futurs joueurs. Donc, Eero Tuovinen a volontairement conservé uniquement l'indispensable. Et je tourve que son pari est tenu.
L'autre point c'est qu'on a affaire à du JDR : une activité abstraite, interactive, sociale et fictionnelle, autrement dit, le truc le moins intuitif du monde après l'astrophysique et la mécanique quantique ^^
Donc, c'est normal qu'il faille plusieurs parties pour se familiariser avec ce médium et avec ses approches innovantes. Je pense même qu'en fait, le JDR est une activité faite pour l'expérimentation, j'ai toujours eu beaucoup plus de mal à mener ou animer des parties de jeux que je n'ai pas eu le loisir d'essayer avant (ou dont je n'ai pas lu de compte-rendus détaillés).


Pour ce qui est de permettre aux purs néophytes d'apprécier une expérience pleine et fonctionnelle, il y a deux écoles :
- Les auteurs qui n'hésitent pas à gonfler un peu le volume de leurs bouquins pour que les joueurs aient tout sous la main.
- Les auteurs qui préfèrent se limiter à l'essentiel pour que le bouquin soit encore plus rapide à lire et les parties plus faciles à mettre en place.

Zombie Cinema appartient à la deuxième catégorie.

Edit : j'ai modifié "conflits entre joueurs" par "conflits entre personnages-joueurs" suite à une remarque de Fabien en privé. ^^
Dernière édition par Frédéric le 25 Juil 2011, 19:22, édité 1 fois.
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Fabien | L'Alcyon » 25 Juil 2011, 18:50

Salut Bonzeye, merci de ton rapport de partie !
J'aime beaucoup Zombie Cinéma, qui est un jeu très solide une fois qu'on l'a dompté, fais-moi confiance !

Concernant tes difficultés avec le jeu et ses règles

Sur la question des conflits entre joueurs, tu dis:
Ces conflits là, nous les avons résolus par le débat, et le narrateur avait son "dernier mot", mais parfois après de longs débats.

Mon conseil est d'aller beaucoup plus vite: dès que les joueurs ne sont pas d'accord, celui qui a le dernier mot choisit et c'est fini. Evitons les débats et le consensus. Le dernier mot, c'est le dernier mot.
C'est cette rapidité qui permet au jeu de se créer vraiment. En général, le consensus donne des choses assez décevantes en jeu de rôle, parce qu'on fini par créer quelque chose qui plaît à tout le monde plutôt que quelque chose d'intense et qui fait réagir.
Une autre solution est de transformer les conflits entre joueurs en conflits entre personnages, quand c'est possible. Comme il y a des règles spécialement conçues pour cela, cela permet de faire avancer dynamiquement l'histoire tout en résolvant le conflit.

Dans le même esprit, apparemment, vous avez beaucoup discuté pour mettre en place les scènes. Comment avez-vous appliqué la règle du joueur actif qui a le dernier mot pour mettre en place la scène ? J'aime bien qu'il mette en place la scène comme il veut, éventuellement en prenant en compte les suggestions des autres joueurs, plutôt qu'en en discutant trop longtemps avec les autres.

Un autre élément que j'ai trouvé dommage dans la manière dont nous avons joué, c'est que finalement nous avons assez peu été dans un genre cinématographique. Nous avons beaucoup creusé sur les fils invisibles, les comment, les pourquoi, et ne nous sommes que peu attaché sur l'image, la description des scènes.

Je crois qu'il n'est pas nécessaire de rechercher des descriptions "cinématographiques". D'abord parce que rien dans les règles ne t'y pousse. Ensuite parce que je trouve (et c'est uniquement mon point de vue) que le jeu est beaucoup plus intéressant si on se penche sur les conséquences des actes des personnages et si on les plonge dans des dilemmes douloureux (que puis-je accepter pour survivre ?). Sans aller trop dans la théorie qui le soutient, Zombie Cinéma est un jeu qui privilégie les dilemmes et le drame, plutôt qu'une esthétique de films de zombie.
Ma meilleure expérience de Zombie Cinéma était d'ailleurs avec une famille (de non-rôlistes) qui ne connaissait rien des films de zombies et qui prenait très au sérieux l'idée de cadavre ambulant.

A propos du fait que la partie traînait en longueur, apparemment vous avez joué peu de Conflits, je me trompe ? Comment avez-vous vécu le fait de voir le pion zombie avancer alors que vous personnages ne bougeaient pas ?
Même si les règles ne le disent pas exactement comme ça, les joueurs ont intérêt, s'ils veulent sauver leurs personnages, à amener des Conflits entre leurs personnages (notamment lorsqu'on est joueur actif, à travers la mise en scène), ce qui leur permet d'avancer sur le plateau, vers la Fuite. Attention, on n'est pas forcé de jouer ainsi: on peut aussi préférer préserver les autres, au risque de voir son personnage y rester... aux joueurs de faire le choix !

Sur la spécificité de débuter avec des jdr indépendants, surtout quand on est rôliste

Même si les jdr indépendants exigent beaucoup moins de préparation que les jeux traditionnels, on se casse parfois les dents à la première partie, même en respectant les règles à la lettre : ça m'est arrivé avec Zombie Cinéma mais aussi avec Prosopopée et Dogs in the Vineyards.

La meilleure chose à faire est de chercher à comprendre le but des règles à la fois dans ce qu'elles doivent provoquer chez les joueurs (ici, selon moi, des dilemmes) et dans le genre précis d'histoires que ça doit amener. Zombie Cinéma est laconique à ce propos, même si je trouve cette phrase très importante:
La terreur, le désespoir et le combat constant pour la survie poussent vers des décisions dans l'instant à propos de la vie, de la mort et de ce qui importe vraiment.

Normalement, il me semble que c'est à l'auteur du jeu de l'expliquer, mais certains font le choix de ne donner que les règles nues, sans explication.
C'est pour ça qu'un forum comme celui-ci est important (voir comment d'autres on joué à ce jeu) et c'est pour ça que la théorie qui soutient ces jeux est importante (elle permet de comprendre où l'auteur du jeu veut aller quand il ne le précise pas lui-même). Mais ça vient aussi avec l'expérience.

Je pense que c'est d'autant plus vrai quand on est rôliste. Comme je l'ai dit, ma meilleure expérience était avec des non-rôlistes, je pense parce qu'ils prenaient les situations très au sérieux, alors que des rôlistes, qui ont plus tendance à être baignés dans la culture geek, peuvent les prendre au second degré, ce qui casse la force des dilemmes auxquels font face les personnages.

Est-ce que tout ceci t'aide à mieux prendre en main Zombie Cinéma ? Est-ce que ça répond à tes questionnements ?

P.S.: est-ce que tu permets qu'on utilise ton vrai prénom sur le forum ? c'est plus convivial, mais ce n'est pas obligatoire
P.P.S.: j'approuve tout à fait le message de Fred (j'ai mis du temps à rédiger mon propre message !)
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Ma sélection de jdr indépendants à essayer

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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Bonzeye » 27 Juil 2011, 14:16

Merci pour ces différents commentaires de mon compte-rendu, cela m'aide en effet à avoir une vision un peu plus claire du jeu et de la manière d'y jouer, et vous évoquez d'autres sujets qui me semblent intéressants à traiter.

En ce qui concerne la notion de "genre cinématographique" :
(je vais peut être faire quelques erreurs conceptuelles dans ce qui va suivre, alors je préfère prévenir)
De ce que j'ai perçu de Zombie Cinema, tirer des éléments du cinéma pour produire la fiction me semble tout à fait opportun : c'est dans le titre ! Si l'intention de l'auteur est autre, il a alors commis une erreur de symbole et de sens en posant ce titre.
Lorsque je parle du manque de dimension cinématographique, ce n'est pas forcément pour reprendre des scènes de films, des types de scènes codifiés, mais plutôt de penser la fiction comme le déroulement d'un film. Comme si ce que l'on racontait serait ce qui sortirait de l'écran. La dimension cinématographique devrait se ressentir sur :
- Les techniques : les prises de paroles et les actions sur la fiction par les joueurs prennent en compte un vocabulaire et des techniques de cinéma. Ne serait-ce que la notion de cadrage de scène, de décor, de lumière. Il me semble que le cadrage de scène en début de tour est tout à fait un rôle de metteur en scène. Utiliser par exemple le champ lexical des effets de caméra comme technique narrative me parait tout à fait approprié, en parlant de zoom, de panoramique, de travelling arrière. De même, utiliser une bande son, ou tout du moins décrire des effets sonore, inclure des bruitages, est pour moi tout à fait approprié.
- La couleur / l'univers : le genre est celui des films de zombies, qui recèle de nombreux codes esthétiques et symboliques, que les joueurs doivent s'approprier pour apporter finesse, forme et contenu à la fiction. Hélas, je n'y connais rien en genres cinématographiques, et je ne saurais m'étendre là dessus.
Lorsque vous dites que Zombie Cinema fait un focus sur les survivants, les tensions entre eux et les choix terribles qu'ils doivent faire, alors de fait le jeu se focalise sur un aspect précis du genre du film de zombi. Cet aspect est, je crois, présent dans toutes les productions du genre, mais dans des mesures très différentes.

Clairement, dans notre partie, nos personnages ont globalement collaboré, et leurs histoires personnelles étaient peu approfondies. Nous avons finalement très peu poussé l'exploration sur les personnages. Il était évident que nous avions un problème conceptuel avec le déroulement "normal" du jeu quand nous avons évidemment constaté que pour avancer notre pion sur le plateau, il fallait que d'autres reculent, et donc qu'il y ait des conflits. Cela à été une de nos difficultés principales que de mettre en place un conflit, puisque nous avions cette attitude sous jacente de "se serrer les coudes entre survivants", héritées de nos pratiques de jdr "classique" et des parties de Left 4 Dead. Néanmoins, après cette compréhension du fonctionnement, il y a eu des évènements intéressants comme le sacrifice d'un des personnages, qui se jette à l'eau avec un zombi pour permettre à un autre personnage de s'enfuir.

Peut être est-ce en effet un élément un peu faible du jeu que de ne pas avoir systématiquement d'élément qui aident à la création de conflits entre les personnages, comme par exemple le fait d'avoir des objectifs différents tout en ayant cette nécessité de rester ensemble, entre survivants. Il est vrai que les cartes de personnages, bien qu'elles présentes une ouverture et une force d'interprétation importantes, ne forcent pas dans ce sens.

Sur la spécificité de débuter avec des jdr indépendants, que l'on soit rôliste ou non

Tout d'abord, je reconnais que le "jeu de rôle indy", "jeu symbolique d'adulte", "jeu narratif", "jeu de rôle", "fiction ludique partagée" ou tout autre appellation bancale et imparfaite par laquelle on dénomme le Truc, est une pratique de jeu radicalement différente des expériences de jeu que l'on a l'habitude de connaître. Par contre je ne dirai sûrement pas qu'elle n'est pas intuitive, bien au contraire ! Il n'y a pas de concept qui prenne à rebrousse poil notre sens commun. L'héritage de ces jeux est présent dans notre histoire et dans notre culture : rapport à l'oralité et à la fiction, rapports à des règles du jeu, il n'y a là rien de si extraordinaire que ça. Ce qui en fait quelque chose d'original, c'est la manière d'assembler tous ces éléments et de produire/expérimenter/jouer une fiction qui n'a d'autre but que notre divertissement et notre amusement. (Allez, je vais me mettre en mode militant).
Culturellement, l'activité de création est soumise à un critère de technicité qui la réserve à une certaine élite : musique, cinéma, illustration, ... L'acte de création du quidam est considéré comme vulgaire et inutile. Il en résulte que la création se retrouve cloisonnée et soumise à des normes strictes. Quoi de plus aberrant et contradictoire que d'associer création et norme. Nous pouvons peut être même dire que nous passons de la création à la production. Le jeu, chez l'enfant, est un acte de création, parce que l'activité créatrice n'est pas encore cloisonnée dans la technique (en déplaise à certains parents qui rêvent d'enfant prodige). Chez l'enfant le jeu est création : on peut le voir dans les jeux symboliques, les jeux d'exploration du monde qui réutilisent et réinventent des sens nouveaux à des objets dont le rôle est figé, les jeux de construction, ... Mais lorsque l'on passe à l'âge adulte, et au jeu chez l'adulte, la création s'en trouve traditionnellement absente. La belote, le scrabble, le football, la pétanque, les jeux en boîte, etc. tous sont des jeux réglés, figés, normés, qui activent et fonctionnent mais qui n'ont aucune démarche créative. La démarche est fonctionnelle. C'est sûrement sur ce point que le jeu de rôle est si troublant : il propose de créer, sans technicité particulière, alors que l'on n'est plus un enfant.

Aujourd'hui, il est peut être nécessaire pour pouvoir découvrir un jeu de rôle, de se renseigner, d'être initié, de discuter avec d'autres personnes, en bref d'avoir une démarche active de recherche, j'ose espérer qu'on n'en restera pas là. Je trouve cette manière de faire pour découvrir du jeu somme toute très élitiste. Alors certes, on peut retrouver cet aspect dans bien d'autres formes de jeu : ne serait-ce que pour les jeux en boîte, savoir lire et interpréter une règle est un savoir-faire. Le savoir faire est un élément que l'on retrouve dans beaucoup de pratiques de jeu. Mais je suis convaincu qu'il ne doit pas en être un condition nécessaire.

Si, par exemple, il faut analyser les règles et leur sens pour pouvoir jouer, et donc avoir une démarche intellectuelle assez poussée, juste pour pouvoir jouer à Zombie Cinema qui est, il faut l'avouer, un bête jeu de zombi en deux pages (oui je sais, c'est délibérément provoc' de dire ça), je trouve ça vraiment dommage. Clairement, l'intention de l'auteur est justement de pouvoir faire passer un tel type de jeu facilement, avec peu de lecture et de préparation. Alors pourquoi donner un contenu léger si derrière il faut de l'expérience, de l'analyse et/ou de la lecture pour jouer de manière satisfaisante ?

Voilà pour aujourd'hui. Je crois avoir dit suffisamment de bêtises comme ça.

PS : oui Fabien, tu peux m'appeler par mon prénom, ça ne me dérange pas.
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Christoph » 27 Juil 2011, 15:41

Hello

Je suis toujours ravi de lire un rapport de Zombie Cinema, merci de le partager avec nous !

Je me permets un ton un peu mordant, mais c'est juste pour la clarté du propos et un peu d'humour, là où j'ai perçu pas mal de confusion dans votre partie.

Je te propose un autre angle sur la question, qui part du postulat que le jeu est vraiment simple et s'adresse à toute personne qui est intéressée par l'idée. Les conseils dont Frédéric parle c'est plutôt pour approfondir la compréhension du jeu (règles simples mais ramifications complexes, comme beaucoup de jeux traditionnels d'ailleurs) ou si on veut le présenter en convention (où la rapidité et l'efficacité de la démonstration sont primordiales). À mon avis, les règles seules suffisent pour jouer quelques fois.

Il y a néanmoins deux prérequis, posés dans la première colonne des règles : c'est que chaque joueur se sente investi du désir de créer un « film » de zombie (à ce propos, tous les emprunts au cinéma sont valables : souvent je dis explicitement que ma description représente ce qu'on verrait dans un film, avec travelling qui révèle petit à petit la scène, etc.) Au-delà de ça, il faut que chaque joueur soit investi de la mission de plaider pour son personnage. Et on n'est pas commis d'office, on prend fait et cause pour son personnage (on a le droit d'ignorer les cartes, re-tirer, échanger, etc. si vraiment on ne croche pas). Sans cela, c'est mal parti. Cette attitude rend la parodie difficile, et comme l'expérience de Fabien le confirme, moins intéressante.

D'après ton rapport, il y avait au moins un joueur qui était en mode parodie, celui du témoin de Jéhovah kleptomane. C'est typique des rôlistes qui ont de la bouteille de vouloir faire le personnage le plus emmerdant original possible (probablement parce qu'ils sentent que la partie à venir va être fade, alors autant jeter un grain de sel dans l'engrenage pour s'amuser). Mais franchement, c'est quoi ce concept de personnage pour un film de zombie ? Vous avez discuté de vos personnages entre vous afin d'unifier le ton ? Le joueur a peut-être une vision plus subtile que je ne le crois, alors pourquoi ne pas lui laisser le bénéfice du doute. Hmm... alors qu'est-ce qu'il fait dans une taverne un bar, lieu de vice où on va pour boire de l'alcool, rarement dans le respect des traditions que Dieu a transmis ? Le concept s'effrite. Le joueur était-il vraiment investi des deux points cruciaux pour le jeu ? J'en doute.
Avance-rapide sur la scène où ledit kleptomane tente de commettre son méfait. Bon, soit, il vole quelque chose (je peux éventuellement expliquer pourquoi ceci ne vaut même pas la peine de lancer les dés). En général, on se rend assez vite compte quand on s'est fait voler quelque chose, alors est-ce que le joueur du personnage lésé a-t-il profité de la scène suivante pour faire tout un cirque sur le fait qu'on lui ait volé quelque chose, et accuser le témoin de Jéhovah ? Là il y a un conflit d'intérêt entre les personnages : démontrer qu'un membre de « l'équipe se serrant les coudes » est en fait nuisible, et qu'il faut s'en méfier. Je dois peut-être revoir mon jugement du joueur du roublard témoin : après tout il a tendu une perche à toute l'équipe pour faire de son personnage le « traître » qu'on doit gérer (et si son personnage meurt, il joue les zombies, contre qui les survivants peuvent alors vraiment lancer les dés et se serrer les coudes). Si le joueur du quadra n'a pas donné suite à cet événement, comment peut-il prétendre plaider pour son personnage ? Il ne réclame pas justice !

Ensuite, une clarification purement technique, où je serais encore plus catégorique et procédurier que Frédéric et Fabien. C'est le joueur actif qui décide comment cadrer une scène, y compris placement de tous les personnages. Il peut bien sûr écouter l'avis des autres, mais c'est le seul qui ait quelque chose à dire, sauf non-respect de la cohérence ou du niveau de la menace zombie. Ensuite chacun joue son personnage (mais pas ceux des autres), et le joueur actif peut déléguer, mais décide de tout le reste. Finalement, il peut y avoir un conflit entre personnages, à l'issue duquel le vainqueur obtient le droit de décrire les actes des autres personnages pour décrire les conséquences et clore la scène. Il n'y a pas lieu d'avoir des conflits, débats ou de longues discussions entre joueurs, puisque le jeu attribue clairement la parole à tout moment. Appliquez ces règles et vous économiserez facilement une à deux heures de jeu, tout en ayant un rythme plus soutenu et fertile (Fabien évoque la raison à cela). J'ai envie de faire un parallèle au paradoxe que tu évoques entre création et norme : débattre de tout c'est une forme de négociation sociale permanente pour l'établissement d'une norme sur la création d'un joueur auquel le jeu donne pourtant toute liberté de créer (bien sûr, les limites entre création et normes vont dépendre de chaque jeu, ce qui est bon pour Zombie Cinema n'est pas forcément bon pour le dK).

C'est vrai que parfois une scène s'annonce super intéressante et après elle ne mène nulle part. C'est quelque chose que des joueurs expérimentés peuvent apprendre à éviter, en réincorporant des éléments évoquant cette scène plus tard dans la partie plutôt que d'inventer du neuf. Cadrer une scène donne un droit de création de contenu, mais ce n'est pas une obligation de s'en servir. Mais même si on ne fait pas ça, c'est rarement un problème, puisque il y a toujours le fil rouge des zombies pour tout ramener à la question de la fuite ou de la mort des personnages.

Bref, tout ça pour tenter de mettre en avant la difficulté que vous avez rencontrée : en tant que joueurs de jeux classiques confirmés, certains d'entre vous ont appris à ne pas faire confiance aux textes de jeux, ne pas faire confiance aux MJ, à ne pas s'investir dans son personnage (qui notoirement se fait ridiculiser, malmener et ne sert à rien en fin de compte puisque c'est le super PNJ qui règle tout), et tout contester débattre afin de s'assurer le moins de coups de pute possible de la part du MJ (les discussions sur le réalisme sont souvent le seul moyen de protéger son personnage de l'arbitraire du MJ). Les règles ne s'adressent effectivement pas à des joueurs qui ont ce passé et ces réflexes protecteurs, pour eux ça demande un travail personnel (qui heureusement s'accomplit le plus facilement en jouant et en débriefant la partie).
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Bonzeye » 27 Juil 2011, 17:48

Ah ah ah, merci Christoph pour ta réponse.

Alors j'ai pris le temps de lire les conseils de jeu et j'ai un peu réfléchi à tout ce qui a été dit, et clairement, pour notre groupe, les trois choses sur lesquelles nous n'avons pas été très clair sont :
- Le rôle de narrateur, qui a une autorité forte sur la fiction, et qui est en position d'affirmer cette autorité.
- La dimension filmographique : décrire et raconter du point de vue de la caméra et du micro.
- Plaider pour son personnage, et rendre cet aspect central dans le jeu. Je vois en effet que les scènes doivent justement pouvoir donner lieu à des conflits, par exemple en mettant en scène des enjeux qu'un personnage peut vouloir s'approprier. De même, ce rapport tripartite en le joueur, l'histoire et le personnage n'était pas très clair pour nous.

Néanmoins, pour reprendre un ou deux éléments que tu as mentionné sur les comportements de "rôlistes confirmés", notamment sur le fait d'avoir appris à "ne pas", ou sur la contestation/justification pour se protéger des coups de putes, il ne me semblait pas que ces éléments soient caractéristiques et/ou maladifs des personnes avec qui je joue. Après je peux me tromper et ne pas voir certaines choses qui sont évidentes pour d'autres. En fait la problématique qui me semblait la plus présente vis à vis de l'expérience de jeu de rôle "classique", c'était :
- le rapport à la distribution de la crédibilité (il y a eu quelques "et là, je vois quoi ?", "est-ce que mon personnage peut faire ça", et si ils revenaient de temps en temps, cette attitude est passée au fil du jeu). Du coup, cette répartition a été interprétée comme un consensus, alors que c'est plutôt de la forme "tyrannie cyclique"
- la sous culture "geek-rôliste-manga-comics" qui se manifestait parfois en une tendance au burlesque et au "poutrage de zombie" au détriment de l'exploration des personnages et des conflits entre personnes.

Et donc, si les règles de zombi cinéma ne s'adresse pas à des joueurs qui ont un passé de joueurs de jeux de rôle "classiques", alors ce n'est pas un jeu de rôle, c'est plutôt une "fiction narrative partagée" pour lecteurs de télérama.

Je reprend aussi sur le joueur qui jouait le Témoin de Jéovah / Voleur niveau 3,14. Tout d'abord, il a en effet décidé de jouer un personnage plutôt burlesque. Et il affirmait dés le début (implicitement), qu'il serait une source de conflit, celui que les autres n'aimeraient pas dans le groupe. En début de parties, nous avons eu quelques discussions sur nos personnages, mais ne sachant pas vraiment à quoi nous attendre dans le déroulement de la partie, nous n'avons pas remis en cause son personnage. Il voulait jouer cela, après tout pourquoi pas. Enfin, l'autre problème qui est arrivé au cours de la partie avec ce joueur, c'est qu'il a dut quitter le jeu à une heure donnée, la partie ayant duré bien plus longtemps que prévu. Etant près des zombis, il a effectué un sacrifice (dont je ne me souviens plus) pour faire avancer un autre personnage.

Bon, je pense que je vois bien plus clair maintenant sur la manière de jouer à Zombie Cinéma, il faut que j'en refasse une partie !

Par ailleurs, je pars en colo en tant qu'animateur la semaine prochaine, et je me demandais avec quelles spécificités je pouvais faire jouer à des ados (de préférence avec un rôle d'animateur plutôt que de joueur).
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Christoph » 28 Juil 2011, 11:08

Hello

La tyrannie cyclique, ce n'est pas faux, mais ça risque de donner la mauvaise impression que les rapports de force sont de mise entre les tyrans. Ce n'est pas non plus un combat pour imprimer de force une direction au jeu, déclarant vainqueur celui qui a le plus influencé l'histoire. J'ai marqué le côté autoritaire des règles pour mettre les caractéristiques du jeu en valeur sur le papier. En pratique, il est de loin préférable de se considérer comme pairs créatifs qui sont tour à tour responsables de certaines choses pour l'intérêt de la partie (il faut considérer que mettre en danger le personnage d'un autre joueur est une chose bénéfique pour le propos du jeu). Il faut un consensus sur le fait qu'on laisse chacun être un peu un « dictateur » (au sens prévu par la république romaine à la base) à certains moments. Quand on en vient à invoquer des arguments d'autorité absolue, c'est qu'il y a quelque part un malentendu entre les participants.

C'est vrai que la distribution de la crédibilité n'est pas évidente à première vue, mais comme tu l'as remarqué, vous vous y êtes habitués en cours de partie. J'accepte tout à fait que mon analyse concernant les habitudes trop ancrées chez certains rôlistes ne s'applique peut-être pas à vous (mais le côté référence à outrance est un autre symptôme : j'ai passé des soirées entières à entendre fuser des références filmographiques/geeks plutôt que de jouer, apparemment parce que c'était plus amusant que d'avancer sur le scénar...) Je pense qu'il n'y a pas de mal à jouer des parties en mode « poutrage » si les règles sont bien respectées, mais ça risque de devenir lassant assez rapidement, alors qu'en fait le jeu permet une richesse inattendue au niveau de l'exploration des personnages.

Pour le jeu avec des adolescents, Lionel (Nonène) nous a écrit deux rapports de parties effectuées avec les élèves de sa classe :Si tu suis le lien dans ma signature tu devrais trouver tout ce qu'il faut pour créer des exemplaires de ce jeu (sous deux formats en plus !) Un point qui m'a marqué dans l'expérience de Lionel c'est la possibilité de donner le jeu et les règles à un groupe de joueurs et les laisser se débrouiller, sans la présence de l'enseignant/moniteur. Tu peux donc en profiter pour faire une expérience en rapport avec les questions que tu te posais ici : est-ce que des jeunes gens non-rôlistes comprennent les règles sans aide extérieure ?
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Bonzeye » 29 Juil 2011, 17:35

Hop, petit message parce que manque de temps.

Alors Christoph, en ce qui concerne le mode "poutrage", cela était un peu présent dans notre partie sans être excessif (tout du moins en apparence), néanmoins les attitudes et comportement des joueurs étaient sous-tendus par des références à Left 4 Dead notamment. Du coup, on se trouvait avec des personnage qui se serraient les coudes et pour lesquels l'adversité explorée n'était ni en eux, ni entre eux, mais face aux hordes de zombis. Mais je pense que si je rejoue avec eux, ça devrait être beaucoup mieux (hélas ça risque de ne pas être avant un bon moment !)

Par ailleurs, je souhaitais parler un peu de ma prochaine grosse expérience de jeu de fiction : ma colo sur le thème "jeux & jeux de rôles". Et donc sur l'éducation et la formatisation des jeunes génération de joueurs de jeux de rôles et autres. Tes liens des ACL de Lionel (que j'avais un peu suivi quand je découvrais Silentdrift) sont en effet très intéressant et pertinents pour réfléchir à la manière d'amener le jeu aux jeunes. Si j'ai le temps dans ma colo (ce qui est loin d'être sûr), je ferais un petit compte-rendu.

A dire vrai, j'aimerais beaucoup développer ce rapport du jeu de rôle forgien / indy / narratif aux jeunes, la manière de l'amener, les différentes expériences et autres. J'ai quelques ateliers au croisement de ces thèmes en perspective (comme par exemple un jeu de création de "cadre de jeu", ou comment "créer un scénario en jouant de manière collaborative"). J'essaierai de poster des compte-rendus, bien que le temps risque de me manquer.
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Re: [Zombi Cinema]Rôliste malgré soi

Message par Footbridge » 30 Juil 2011, 13:47

Un fil très très intéressant, que je découvre un peu tard.

Je vais quand même vous faire part de mes réactions.

Je pense qu'on aura bien expliqué l'importance d'avoir une autorité dans le récit. Trop de consensus tue le jeu et la créativité. Il faut un parti pris pour réussir à créer quelque chose qui ait une certaine saveur. Il faut donc que quelqu'un tranche. Alors quand il y a un MJ c'est facile (quoique...). Par contre quand il n'y en a pas, il faut que quelqu'un ou qu'une mécanique s'y substitue. Si je prends ma propre expérience avec New Heaven (qui a aussi un joueur actif par tour qui cadre le récit) je me rends compte qu'il FAUT donner au joueur actif une autorité. Et puis le tour suivant un autre joueur pourra prendre le relais et ainsi de suite. Il n'y a vraiment que comme ça que cela fonctionne. Quand le joueur actif ne s'affirmait pas assez, on arrivait dans une phase de jeu un peu molle et qui créait des parties trop longues.

Deuxième remarque très pertinente sur la densité des règles. Il y a effectivement deux partis pris : faire une règle courte ou bien la faire longue et touffue. En fait à mon avis cela dépend vraiment du public visé. Un public de joueurs rôlistes aimera avoir une règle bien détaillée, pleine d'exemples, qui explique tous les cas possibles. Par contre un public non roliste, joueur de jeu de société à tendance narrative (appellation non déposée ;-) ) façon Il était une fois ou Fabula, préfèrera des règles souples et ouvertes. Il n'y a pas de juste milieu. Si on part sur une description complète et détaillée c'est minimum 20 ou 30 pages, ce qui peut rebuter un novice.

Sur la questions des novices, je nuancerai quand même ce qui a été dit précédemment. Jouer à se raconter des histoires, surtout sans meneur de jeu, ça peut être un peu impressionnant dans le cas de joueurs qui manquent d'imagination, que ce soient des rôlistes ou des non rôlistes. J'ai déjà eu à ma table lors de tests de New Heaven une joueuse aguerrie de D&D (joueuse tout le temps, jamais MJ) qui s'est retrouvée complètement bloquée à l'idée de créer une histoire à partir d'indications. A l'inverse j'ai eu des gens qui n'avaient jamais touché un jdr qui s'en sont très bien sortis...

J'ai pas mal ramené à mon expérience avec NH mais comme les principes de la règle ont quelques similarités avec ZC (Joueur actif, narration au tour par tour...), je pensais que ça pourrait être pas mal d'apporter cette contribution.
Footbridge

La Bible du Meneur de Jeu & Le Blog des MJs : http://www.labibledumeneurdejeu.com
New Heaven, le jeu narratif post apocalyptique : http://www.newheaven.fr
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