Ayant des difficultés à entreprendre la maîtrise d'une partie de jeu de rôle, ou tout du moins sa préparation, j'en ai fait part à Frédéric (Démiurge) qui m'a proposé d'organiser une session d'initiation auprès de lui.
Il m'a proposé une série de trois exercices me permettant de tester trois approches dans la préparation d'un jeu de rôle.
Pour les deux premiers exercices, Magali participait en tant que joueuse. Frédéric était également joueur en même temps qu'instructeur.
Pour le premier exercice, je devais choisir l'univers et les personnages et improviser rapidement une situation initiale. Système d6 : pair réussite et impair échec.
A bord d'un vaisseau spatial, le capitaine est alerté d'une avarie dans une des ailes de l'appareil. Le capitaine décide d'aller sur place avec le machiniste. Après avoir réussi à ouvrir la porte amenant dans le couloir de l'aile, ils sortent dans l'espace en combinaison. Ils découvrent qu'une dizaine de singes sont en train de manger la coque de l'appareil. Le capitaine fonce sur eux, les singes s'enfuient.
Pour le deuxième exercice, les joueurs ont choisi l'univers et leurs personnages. Je devais préparer une situation initiale d'où survient un dilemne. Système : The Pool.
Au château du roi Arthur, l'intendant envoie sur ordre du roi tous les chevaliers restant à aller gueroyer au front car la victoire n'est pas assurée. Le chevalier Anatole (Magali) apprend par un ami que la ville de Dresse dans laquelle sa bien-aimée réside est actuellement assiégée. Le chevalier Nolstad (Frédéric) apprend par une missive que l'homme qui est responsable de la mort de sa femme est actuellement à la tête des troupes qui assiège la ville de Dresse. Tout deux décident donc de partir pour Dresse, malgré les ordres du roi. Ils décident de faire semblant de suivre les autres chevaliers mais reviennent en fin de compte au château. Le même jour, ils repartent dans le sens opposé mais sont arrêtés par l'intendant qui les somme de partir au front car la survie du peuple breton est plus prioritaire que leurs affaires personnelles. Nolstad se laisse convaincre tandis qu'Anatole prévoit déjà de reprendre la route de Dresse en secret.
Pour le troisième exercice, j'ai dû préparer un scénario en trois actes avec un coup de théâtre final qui était planté dans un des actes précédents. J'ai créé son personnage et nous avons utilisé également le système "The Pool".
A New York, un homme d'affaire découvre que sa femme a été kidnappée. Les malfrats demandent une rançon faramineuse qui correspond à toutes ses économies. Il décide tout de même d'aller retirer l'argent en liquide et se rend au rendez-vous, en ayant toutefois pris la peine de demander à un ami de prévenir la police. Au rendez-vous, une fusillade éclate entre les ravisseurs et les policiers. Un des ravisseurs tente de s'enfuir en voiture avec la femme mais se plante dans le décor. Il sort et la tient en joue. L'homme d'affaire passe par derrière avec une barre de fer et surprend la conversation de sa femme et de son ravisseur. C'était en fait un coup monté de sa femme pour le faire payer. Il lache la barre de fer et part. Au loin, il entend un coup de feu retentir.
Ces trois exercices m'ont permis d'expérimenter trois niveaux de préparation. J'ai découvert déjà que j'étais tout à fait capable de tenir une partie même sans aucune préparation. Le résultat est très peu original et fait appel à l'imaginaire collectif bête et méchant. Le vaisseau spatial dans l'espace entraîne automatiquement capitaine et machiniste, deux personnages récurrents dans ce type de fiction. Pour autant, ce petit bout de partie était très plaisant, en tout cas de mon point de vue. Ce qui prouve qu'il ne faut pas avoir peur de la banalité. D'autant plus que l'introduction des singes mangeurs de métal a ajouté une dimension originale. Probablement un effet de mon anti-conformisme obsessionnel.
Secondo, je suis tout à fait capable de créer un scénario rapidement et qui tient debout, j'en ai pour preuve les deux autres exercices qui ont un déroulement relativement cohérent en terme de fiction mais qui ont surtout fonctionné en terme de jeu. Le dilemne des chevaliers les a amenés à se confronter à l'interêt de leur peuple contre leur interêt personnel. J'ai particulièrement aimé le moment où l'intendant rattrapaient les deux chevaliers partis dans la direction opposée. Frédéric a décidé de jeter les dés avec pour enjeu que l'intendant le laisse partir à Dresse. Il n'a pas obtenu de réussite, j'ai donc conté son échec. J'ai décidé que Nolstad était convaincu par l'intendant et décidai de repartir vers le château. J'ai pu mesurer la force de cette mécanique dans la manière dont on peut diriger les pensées du personnage-joueur, bouclant ainsi une scène là où un système plus classique garderai un joueur qui peut ne jamais lacher prise.
Tertio, j'ai également découvert que j'étais tout à fait capable d'écrire un scénario avec un déroulement dramatique et de parvenir à imaginer des alternatives quand les joueurs ne vont pas dans le sens du scénario préécrit. Pour exemple, quand Frédéric (qui jouait le personnage de l'homme d'affaire) a décidé de prévenir la police, j'ai intégré cet élément non prévu pour obtenir un effet dramatique supplémentaire. Quand la police interviendrai, sa femme se ferait tuer par balle. La fin du scénario a été tout à fait inattendu de ma part, puisque je ne savais pas comment Frédéric allait faire réagir son personnage. Et malgré le coup de théâtre prévisible, j'ai été bluffé par le dénouement, digne d'un thriller classique.
L'objectif de cet initiation était de me débloquer dans ma préparation de parties de jeu de rôle et j'ai le sentiment que ça a fonctionné. J'avais l'intuition qu'il s'agissait d'un manque de confiance en moi, qui est effectivement un élément à prendre en compte, mais j'ai également compris quelques petites choses qui permettent à une partie de fonctionner davantage.
- "Show, don't tell". Ne pas raconter, mais décrire. Plutôt que de dire "Il te dit qu'il est désolé et tu vois qu'il ne l'est en fait pas du tout", il est plus intéressant de dire : "J'suis désolé, Jack! Il te regarde d'un air froid et recharge son arme mécaniquement". Cela apporte davantage de couleur et implique les joueurs dans la partie.
- Quand on est en panne d'inspiration, ne pas hésiter à prendre la première chose qui vient à l'esprit. C'est peut-être banalement mauvais, mais c'est toujours mieux que rien du tout, et ça permet de continuer la partie et pourquoi pas d'aller vers des choses bien plus originales que prévu en fin de compte. Après tout, toutes les histoires originales commencent par une situation banale. Un employé de bureau et père de famille dans American Beauty, des femmes au foyer dans Desperate Housewives, un village paisible dans Dogville...
En conclusion, cette petite initiation m'a été très bénéfique et j'en remercie vivement Frédéric. J'envisage de lancer des parties très prochainement donc nous verrons si ça m'aura réellement permis de me débloquer.