[Dirty Secrets] Héritage sordide

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[Dirty Secrets] Héritage sordide

Message par Christoph » 24 Déc 2007, 13:12

Présentation

Voici une partie que j'ai jouée il y a deux semaines sur Dirty Secrets, un jeu de Seth Ben-Ezra qui tient Dark Omen Games en collaboration avec son épouse.

C'est un jeu qui propose de se plonger dans un polar noir à la façon des grands romans des années 30 et 40 de Ross McDonald et Raymond Chandler qui mettent en scène un investigateur privé pas tout à fait net qui met son nez dans les affaires les plus dégu' que la société a vite fait de balayer sous son tapis.
L'enquête n'est donc qu'un prétexte à aller retourner des drames de famille, se mêler au milieu de la drogue et se frotter aux diverses mafias. Seth voit cela essentiellement comme une critique sociale.

Pour ce faire, la toute première règle du jeu est géniale: votre histoire doit se passer dans une ville connue (pas New York que tout le monde "connaît", mais Delémont, Poitiers, St-Malo, Montréal...) de tous les joueurs, la semaine passée. Ceci donne immédiatement des références partagées très fortes à tous les joueurs et permet tout de suite d'accéder à un côté quasi inconscient d'associations d'idées.


Mise en place

Nous étions trois: Zarina (une amie d'Orc'Idée), Julien (un gars du club de jeu de rôle de mon école dont j'ai fait la connaissance une demi heure avant) et mescolles.
Comme je semblais être la personne qui connaissait le mieux le genre du polar noir et que j'avais de surcroît déjà quelques parties de ce jeu à mon actif, nous nous sommes mis d'accord que je serai l'Investigateur: j'aurai ainsi toujours le dernier mot sur ce qui concerne le personnage principal de l'histoire.
Les autres seraient à tour de rôle l'Autorité, le joueur qui a le dernier mot sur tout le reste dans une scène.

Nous avons pour commencer déterminé un crime: quelqu'un avait volé quelque chose à quelqu'un. Okay...
Ensuite, création de personnage. Zarina s'est retrouvé avec la cartelette de personnage de la victime, Julien celle du suspect et moi de l'investigateur. A tour de rôle, nous remplissions une donnée démographique parmi les suivantes: âge, sexe, race, classe sociale, statut légal (citoyen, policier, (ex-)condamné). Il s'agissait à chaque fois de faire tourner la petite carte au prochain joueur. Une fois que tout était rempli, on récupérait notre carte, on donnait un nom au personnage et on avait éventuellement le droit de changer un champ si on en avait envie.

Je jouais une mère de famille d'origine franco-slave et je me suis retrouvé à devoir jouer le médiateur entre mon bon voisin, un flic municipal (police de proximité) et mon amie d'enfance, une flic cantonale (plutôt les grosses affaires). Le premier suspectait la seconde de lui avoir piqué un dossier sur un indic' dans une affaire chaude du moment et préférait gérer la chose à l'amiable que de faire un scandale entre les deux corps de police.


Investigation

Chaque "chapitre" commence par une proposition de scène de la part de l'Investigateur parmi: Investigation, Révélation et Réflexion. L'Autorité peut ensuite décider de laisser l'Investigateur poser la scène ou prendre la main en proposant sa propre scène d'Investigation ou de Violence.
Ces choix ont un effet sur les réserves de dés des joueurs, mais je ne vais pas entrer dans ce sujet.

Nous avons donc raconté quelques scène où l'investigatrice Marlène Grusinsky essaie de parler à son entourage (au fur et à mesure, on rempli des petites cartes de personnage si on pense que celui-ci sera important à l'histoire). Les deux autres joueurs se répartissaient les personnages secondaires au fur et à mesure qu'ils entraient en scène.

Alors que l'affaire stagne, personne n'avoue et qu'on ne voit plus où on va, Zarina pose une scène où Grusinsky reçoit un appel anonyme: "On a poignardé votre demi-soeur sur son lieu de travail!"

Et là, commence une histoire de famille sordide (en parallèle avec une activité plus frénétique à la table): nous découvrons que le père de l'amie d'enfance de Marlène est aussi le père caché de l'assassinée, que le voisin avait une affaire romantique avec la décédée, que le père en question est complètement à la masse (Julien gagne un conflit contre mon investigatrice et doit répartir des points de violence: plutôt que de viander Grusinsky, il raconte comment le gars se tire une balle dans la jambe afin de faire peur à Marlène et obtenir la protection de la police!), etc.

Il faut dire qu'il y a un mécanisme marrant si on choisit une scène de Révélation: l'Investigateur choisit un des personnages non-investigateur, puis un deuxième personnage est choisi au hasard et son type de relation est tiré au dé (ou alors, l'Investigateur peut choisir un type de relation, mais alors les deux personnages sont tirés au hasard).
Et donc tout à coup, il faut improviser des relations (types: familial, romantique, affaires) entre les personnages. Alors imaginez la gueule des joueurs quand le flic voisin de 65 ans est découvert comme ayant une relation romantique avec la défunte de 18 ans!
Ca crée souvent des délires pas possible autour de la table jusqu'à ce qu'on trouve une explication crédible. Surtout quand les relations familiales deviennent encore plus tordues qu'à Top Model!


Résolution du crime

A la fin de chaque scène, le vainqueur du conflit (par défaut c'est l'Investigateur) déplace un pion sur une grille (plus ou moins grande selon la longueur de partie désirée) et écrit un nom de personnage dans la case atteinte.
Dès que le pion ne peut plus être déplacé sur une case libre, on tire deux dés qui nous donnent des coordonnées sur la grille. S'il y a un nom de personnage sur la case, celui-ci est l'auteur d'un des Crimes (comme pour les personnages importants, il y a des petites cartes en nombre limité pour décrire des crimes importants à l'histoire).

Donc nous on tombe sur d'abord la résolution du vol, qui a effectivement été commis par l'amie d'enfance. Subtilité! Il ne s'agissait pas d'un dossier quelconque, mais d'un acte de naissance (ça on y est arrivé ensemble) pour la décédée.
Deux-trois scènes plus tard, on résout le meurtre. C'était une scène terrible: la voleuse s'était introduite dans l'appartement de Marlène et avait laissé la porte entre-ouverte. En entrant, l'investigatrice ne voit que son amie dépitée assise sur un fauteuil au salon, un flingue à la main. En avançant, on découvre le voisin mort sur le tapis. Marlène est complètement sous le choc et l'amie lui dit: "C'est pour te protéger..." et s'évanouit.

Résolution de crime donc! Qui a tué la demi-soeur de Marlène?
Lancer de dé... GASP! c'est l'amie! Hein? Quoi, pourquoi?
On pensait plutôt que c'était le vieux flic qui avait commis un crime passionnel quand sa relation est tournée au vinaigre, ou alors le père parano qui avait peur de se faire emmerder pour des histoires de thunes.
Mais non, ce n'est pas cela du tout. On réfléchit, on se creuse la tête et tout à coup Zarina dit:
"Mais c'est une histoire d'héritage, ça expliquerait pourquoi elle avait volé l'acte de naissance de sa demi-soeur et qu'elle avait essayé d'empoisonner discrètement son père à l'hôpital!"

Mon dieu, mais c'est bien sûr! Une sordide histoire d'héritage...


Réflexion

Après coup, il y a quelques incohérences mineures dans l'histoire (pourquoi cette phrase: "C'est pour te protéger..." par exemple). Je ne pense pas que ça passerait pour un scénario béton si on en faisait un film. En revanche, ça passe à coup sûr pour une histoire passionnante avec des relations pas possible entre les personnages et c'est ça le point fort de ce jeu.

Il y a beaucoup de discussions entre joueurs: surtout quand il faut tout à coup improviser le lien entre deux personnages ou trouver une explication cohérente quand l'auteur d'un crime est déterminé par la grille. Parfois, on doit ajouter des détails à une scène passée afin que ça colle.
Il faut donc toujours être prêt à se débarrasser de ses préjugés: parce qu'on a forcément rapidement des hypothèses sur qui est le méchant, mais c'est rare que ce soit aussi simple. Il faut aussi en rester à des croquis de scènes. Si on applique tout de suite la couleur, on risque de se trouver avec un tableau final dépareillé.
Une très belle leçon de non-linéarité et de lâcher de contrôle.


Si vous avez des questions, n'hésitez surtout pas, je conçois que ceci peut paraître assez abstrait et peut-être même lacunaire.
Christoph
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Message par Frédéric » 24 Déc 2007, 13:44

C'est une expérience qui me tenterait bien. Aurais-tu un schéma simple pour les mécaniques du jeu, parce que là je suis largué sur qui fait quoi et prend l'autorité.
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Message par brand » 24 Déc 2007, 14:04

Ce jeu avait l'air déjà très interessant avant, cela ne fait que renforcer cette impression. Cela dit, je ne peux m'empecher de faire le parallele avec ton jeu.
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Message par Christoph » 24 Déc 2007, 16:15

Salut,

L'Investigateur joue l'investigateur. C'est le personnage principal de l'histoire, pas forcément un investigateur au sens légal du terme d'ailleurs.
C'est toujours lui qui propose d'ouvrir une scène d'un des types suivants: Investigation, Révélation et Réflexion. Il décide de ce que fait et dit son personnage (sauf éventuellement s'il perd un conflit).

L'Autorité est un rôle qui tourne à la fin de chaque chapitre (après une scène d'Investigation ou de Violence) et peut annuler la proposition de scène de l'Investigateur (sauf la Réflexion: moment de "détente" pour l'investigateur, purement pour l'ambiance et l'approfondissement psychologique, ainsi que pour remplir les réserves de dés de tous les joueurs) et la remplacer par une autre scène d'Investigation ou de Violence (une scène où se fait agresser l'investigateur). Elle décide de tout ce qui ne concerne pas directement l'investigateur.
C'est elle qui remplit les petites fiches de personnages et de crime lorsqu'ils sont déclarés digne d'être retenus pour la suite.

Les autres joueurs sont des Conseillers. Ils peuvent proposer toutes sortes de choses (sous réserve de véto de l'Investigateur ou de l'Autorité). Ils peuvent faire Appel si une décision les gonfle, et alors la proposition dénoncée est annulée s'il n'y a pas au moins une tierce personne qui la soutient.

Les personnages secondaires sont attribués pour être joués selon leur ordre d'apparition dans la scène, en commençant par l'Autorité, puis les Conseillers. Le voisin qui était flic était donc joué par Zarina ou Julien, selon les scènes.

Si jamais les aides de jeu sont en libre téléchargement si tu veux jeter un coup d'oeil à la grille ou aux fiches.


Jérôme, tu as tout à fait raison de faire ce parallèle, mon petit jeu a aidé Seth a sortir d'un problème technique, concernant justement le fait qu'on n'avait pas besoin de déterminer à l'avance qui était le méchant pour obtenir une enquête plus ou moins cohérente quand tous les joueurs rajoutent leur grain de sel.
Cependant, son jeu se dirige plus vers le côté critique sociale et le mien plus vers la résolution d'un crime, si je puis dire.
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Message par Romaric Briand » 25 Déc 2007, 01:50

Je comprends maintenant ce que tu voulais dire Christoph quand tu disais que tes parties etaient souvent en 70% hors jeu.

Ce qui me frappe tout de suite dans ce style de jeu c'est que l'imagination des joueurs semblent servir à rattraper les aléas du pion sur le plateau.
On créer des incohérences pour faire des noeuds dans la tête des PJS et c'est à eux d'expliquer comment et pourquoi il y a ces noeuds dans l'espace imaginaire, par un discours hors jeu.
Le processus de création d'histoire est terrible ! Il entraine des rebondissements de situation que personne ne peut prévoir (et ça me fait mal de dire ça).

C'est excellent !

Une question : Il y avait-il du rôle play au cours de la partie ? Un jeu d'acteur ?
Pour l'instant, je ne me vois pas jouer un role dans une telle partie ne sachant pas qui je suis vraiment. Puisque ce que les actes que je vais effectuer dépendent du plateau ? non ?
Un personnage de fiction souhaitant s'incarner dans la réalité... Les rolistes sont mes proies...
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Message par Christoph » 25 Déc 2007, 03:37

Il y a absolument du roleplay "classique" une fois qu'on est lancé dans une scène et avant d'arriver à un de ces noeuds à démêler.

Par exemple: la scène du coup de fil anonyme pour annoncer l'assassinat de la demi-soeur, c'était tout en posture d'acteur. Zarina a fait la voix mystérieuse (dont on ne saura jamais qui c'était!), ensuite j'ai appelé le flic voisin pour savoir quoi faire, et c'est Julien qui a "décroché" pour me répondre. S'ensuit une discussion entre lui et son commissaire joué par Zarina tandis que je décris comment je fonce à toute allure en direction du lieu du crime, brûlant tous les feux rouges.
Ensuite, tout le monde a rajouté quelques détails quant à la dispersion du sang sur le sol, la distance que la victime avait parcourue en rampant, et la couleur de l'eau de la piscine (puisque c'était cela son lieu de travail). Zarina connaissait la vraie piscine, car nous jouions à Lausanne, et elle nous expliqué la disposition des pièces.

Si j'avais enregistré ces 10 minutes de manière isolée, personne n'aurait pu différencier d'avec une partie d'un jeu plus classique. Zarina passait pour le MJ, moi pour le joueur dont le perso était le plus actif dans la scène et Julien comme deuxième joueur.

Le plateau n'a d'influence qu'au moment où on détermine qui est l'auteur d'un crime (on n'a pas le droit de déclarer officiellement un personnage comme ayant commis un crime autrement: c'est un de ces aspects où il faut en rester au croquis et attendre avant de passer la couleur). La procédure mécanique nous livre juste le nom, après il faut qu'entre joueurs on trouve comment cela s'est passé. Là c'est de la discussion en posture de metteur en scène, et une fois qu'on a "synchronisé", on repart comme des acteurs.
C'est effectivement une excellente utilisation de l'aléatoire dans un jeu de rôle, à mon avis. L'autre aspect c'est quand on détermine de manière semi-aléatoire des relations entre deux personnages. C'est très "sport" pour les joueurs de devoir improviser des explications, et j'adore cela.

Et puis, à tout bout de champ, quelqu'un fait une remarque humoristique sur un personnage ou un lieu (surtout Zarina, qui connait Lausanne particulièrement bien pour y avoir passé quasiment toute sa vie), ou raconte une blague par association d'idées, avant de repartir dans le jeu.

J'aime beaucoup l'alternance de ces postures dans Dirty Secrets. Un jeu où l'on ne fait que discuter tels des metteurs en scène me met un peu mal à l'aise (il me manque quelque chose): c'était le cas des premières moutures de mon jeu d'enquête, par exemple.
Après on peut discuter sur le dosage et la manière, mais j'ai besoin d'un rapport "intime" avec au moins un personnage pour me sentir concerné par la fiction et la posture d'acteur est un choix très solide pour cela.
Curieusement, un de mes jeux préférés, Polaris, n'encourage pas vraiment de se mettre dans la peau d'un personnage (avec ces phrases clés qui chamboulent la narration), mais j'ai quand même un lien très fort avec lui, donc ça va très bien.
Christoph
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Message par Romaric Briand » 25 Déc 2007, 04:04

YEAH ! Ok alors là c'est vraiment un pur JDR. J'ai hâte de tester. D'autant plus que pour Sens Chaos (Sens 5) je prévois un système très proche de celui ci. Avec l'espoir secret du même résultat.
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