Yeeeeeeeees !!!
Après avoir réactualisé cette page disons... une bonne 20aine de fois aujourd'hui, j'ai enfin pu lire les derniers commentaires.
Déjà, je félicite Lews Therin pour son exploit, ensuite je réponds de manière globale.
Parce que là, si je réponds en quotant dans le détail, ça va devenir l'horreur.
Et, contrairement aux apparences, ça reste, malgré les tours et détours du raisonnement, dans le thème "La Place de l'histoire dans le JdR".
Donc, en effet j'ai ma petite idée derrière ma tête, disons ma propre grille d'analyse.
Elle n'est pas compatible avec le Modèle GNS, tout simplement parce qu'elle en réfute les bases (la distinction entre les trois "objectifs", et leur définition), vu que je n'y adhère pas. Ce faisant, je ne crois pas qu'il soit utile de tenter de l'analyser à l'aide dudit GNS. Celui-là, d'ailleurs, je reprendrai sa critique plus tard, et dans un autre thread.
Ce n'est, comme d'habitude, que "mon avis", même si là je vais motiver et justifier un peu plus que d'ordinaire, au point de peut-être avoir 'lair d'affirmer franchement par instant. :jap:
Evidemment, je n'ai pas à consacrer à la conception/structuration/description de ma grille d'analyse le temps que Ron Edwards a eu pour la sienne, et j'espérait la développer au fil des conversations sur ce forum, mais puisqu'Artanis insiste je vais tâcher de poser quelques-unes des bases qui la sous-tendent.
Evidemment, tout ça est encore "en travaux", et surtout, comme toute théorie, elle ne fonctionne que si l'on en admet les pré-supposés : autrement dit, comme tout système d'analyse de ce genre, il est subjectif.
Je l'admets pleinement, je me contente d'essayer d'en faire une thèse cohérente, avec les outils intellectuels qui sont les miens (j'y fais donc la par belle à la théorie de la communication, aux Lettres et à la narration, mais ce sera je crois une surprise pour personne.
Plus que d'une une démarche "transactionnelle" -qui s'exprime en termes d'attentes, de demande, d'offre, de statisfaction, de goût et "d'objectifs", je crois qu'une analyse du JdR relève de la com', des lettres (en particulier de la dramaturgie), de la sémantique, d'un peu d'histoire de l'art, d'un soupçon de sociologie et d'une pincée de phénoménologie.
Parce qu'avant d'être un phénomène socio-psychologique ou commercial (au sens le plus large), le JdR est une pratique certes sociale, mais donc langagière, "littéraire" (parce que basé principalement sur la parole et le texte) et finalement médiatique, donc potentiellement artistique.
Ce sont pour moi les outils les plus adaptés à l'analyse du JdR, parce ce sont précisément les sciences et méthodes en rapport avec sa pratique.
Pour le coup, je ne pense pas non plus que le JdR soit un sujet suffisament révolutionnaire pour qu'il nécessite qu'on crée de toutes pièces un outil pour le comprendre, il suffira plutôt de faire un usage un peu différents d'outils déjà existants.
Dès le départ, ma réflexion elle se fonde sur une conception "médiatique" du JdR.
Vous êtes prévenus.
On débât depuis longtemps sur la nature du JdR : est-ce un jeu, un art, un produit, un théâtre, un psychodrame, est-ce littéraire ou mathématique, est-il social, peut-il se jouer face à un ordinateur, est-ce psychologique ou purement défoulatoire...
Toutes ces notions ne permettent pas, à mes yeux, de définir le JdR : elles caractérisent certains des "états" du JdR, mais pas sa nature.
Fondamentalement, quelques soient les formes prises par ce phénomène, le JdR consiste au minimum à la transmission d'informations, sans qu'on s'interroge encore sur leur contenu : le JdR, c'est de la communication.
Comme toute communication n'est pas du JdR, c'est qu'il n'est qu'un mode de communication.
Comme tous les autres modes de communications, il se diffuse par un ou plusieurs supports, selon un ou plusieurs codes.
Comme il n'est pas spécialisé, ce n'est ni exactement un "message", ni une technologie spécifique, c'est un média.
D'après mon dico, un média est "tout support de diffusion de l'information constituant à la fois un moyen d'expression et un intermédiaire transmettant un message à l'intention d'un groupe".
J'admets que c'est vague, creusons donc un peu plus cette définition.
Ce qui est problématique, d'entrée c'est qu'un média se défini essentiellement par ses moyens, son "audience" (qui le "reçoit") et son contenu, et que dans le JdR, ces trois aspects sont plutôt variables.
Il faut donc le considérer comme un média un peu spécial, dont la définition doit son nom au jeu informatique : "interactif".
En l'occurence, le principal support du JdR, c'est le langage : on peut jouer sans images, sans pions, sans feuilles de perso, sans dès, pour ainsi dire sans lumière, éventuellement sans "règles" (suivant la définition qu'on en donne) et peut-être même sans scénario, mais certainement pas sans langage. Ecrit ou oral, il est la base du JdR. Mais il est la base de presque tous nos systèmes de communication, ça prouve pas grand chose vous me direz.
Le JdR ne peut non plus être caractérisé ni par l'identité ou la "sorte" de ses participants, ni par son contenu sémantique-narratif-poétique-idéologique, ni véritablement par son cadre sémiotique (le "contexte" socio-culturel où il se produit) puisque si des "notions repères" se retrouvent dans la plupart des JdR, la plupart possèdent un vocabulaire spécifique, une certaine gamme de "tons", certaines références propres, s'expriment dans une ou plusieurs langues vivantes quelconques (enfin, y a peut-être des tordus qui jouent en latin, on peut pas savoir), à travers différents genres, différentes cosmologies, ils peuvent ou non transmettre une idéologie, ils sont le fruit de tout un tas d'auteurs, les instruments de tout un tas de joueurs variés et variables etc...
Qu'est-ce qui donc caractérise l'usage "JdR" du langage, en tant que média ?
Et bien, d'abord, sa diffusion (moyens/modes, public, objectifs) :
-il est multilatéral (à une table de JdR, tout le monde émet et reçoit), ce qui est assez rare
-il est en fait "interactif", les choix de chaque participant pouvant influencer tous les autres (c'est pas une définition stricte de l'interactivité, notez), et j'irai jusqu'à dire "pro-actif", la pratique du JdR nécessitant un certain investissement d'énergie de la part des joueurs, et qu'aucun support du JdR n'echappe à la nécessité d'avoir un public actif autant que réactif
-son support principal est le langage, parlé ou écrit, bien qu'il admette bcp d'autres supports, qu'il soit "multimédia" en quelque sorte, puisqu'au texte peuvent s'ajouter l'interprétation "théâtrale", le jeux de voix, des images, des maquettes/plans/plateaux/pions, de la musique, des accessoires
- il est relativement privé, ou du moins "sélectif", puisqu'il ne s'adresse pas à n'importe qui mais uniquement à un nombre de participants défini à l'avance et qui va normalement changer le moins possible (nombre prédéfini et strict), et que l'on s'accorde à considérer que, sauf cas exceptionnel, les participants seront les mêmes du début à la fin
-de même, le JdR s'éxerce en général entre personnes qui se sont volontairement rassemblés et accordés sur un référent, les groupes de joueurs sont hétéroclites et changeant mais fonctionnent principalement part affinités; ces groupes sont pour une forte proportion durable, l'audience du JdR est donc sélective, "élective" et "mutante", puisqu'elle est à la fois hétéroclite, multiculturelle et fragmentée, mais qu'elle se rassemble en unité homogène justement pour donner lieu à l'exercice de ce média
-il n'est pas forcément "en temps réel" (jeux par mail, forum...), il ne met pas forcément les participants physiquement en présence (alors là, tout est possible, moi il m'arrive de jouer par téléphone, j'ai connu des joueurs qui s'écrivaient, d'autres qui bricolaient avec des web-cam...) mais nécessite au moins un "point commun" dans l'espace temps, c'est à dire au moins un système/participant pour faire office de "serveur" et mettre les joueurs en relations les uns avec les autres
-rien que la façon dont ses pratiquants en parle tend à prouver qu'il porte une charge émotionelle très forte
-le seul but sérieusement consensuel du JdR est le plaisir qu'on trouve à sa pratique, bien que le JdR puisse poursuivre des buts commerciaux et pécuniers, publicitaires ou mêmes politiques : ce sont des "à côtés", pas l'objet fondamental du Jdr.
Clairement, dans son mode de diffusion, ses supports, ses objectifs ou son public, le JdR est à la frontière de la plupart des catégories existantes et il faudra sûrement que la connaissance générale de la communication et des médias progressent pour qu'une classification précise puisse positionner le JdR dans ce domaine. C'est un média sélectif, inter- et pro-actif, multi-support, communautaire et de loisirs.
Malgré la variété de ses contenus, on devrait pouvoir y trouver des points communs peut-être plus caractérisants que dans les modes de diffusions.
Que ce soit dans les thèmes ou les genres, le JdR est protéiforme. Rien donc à attendre de ce côté là, sinon un indice : on parle souvent de "genre", en JdR, et ce terme est directement issu du lexique de la fiction.
Et, justement, quelques soient ses prétentions documentaires, pédagogiques, idéologiques ou humouristiques, le JdR en tant que média ne véhicule qu'un seul type de contenu : de la fiction.
Pouvez chercher, vous ne trouverez qu'un seul type "d'informations" dans le JdR, et elles sont toutes imaginaires, inventées : FICTIVES .
C'est très important et ça va déjà pas mal faciliter la définition du média-JdR, parce que, coup de bol, la fiction est le plus ancien genre connu des "médias", et que l'expression d'une histoire imaginaire est vraisemblablement le mode de communication le plus étudié de notre civilisation.
Partout, la fiction a précédé -via le mythe- et survécu au "documentaire", à l'approche objective des anciennes civilisations, et ce n'est pas anodin, mais c'est surtout très pratique, puisque cela nous fourni tout un tas d'outils justement calibrés pour ça, et d'ailleurs en perpétuel développement.
Malheureusement, il n'existe pas à ma connaissance de terme désignant exactement "la science de la fiction". Cette "science" emprunterait en fait à la sémantique, à l'analyse littéraire et, principalement, à la dramaturgie.
La dramaturgie c'est, historiquement, l'art d'écrire et de monter des pièces de théâtres, mais le sens moderne en fait également la science du scénario et de la narration.
On pourrait inventer un mot, la Diégétologie, la Fictionomie, un truc du genre, mais pour éviter de trop massacrer la langue, on va simplement nuancer la dramaturgie par la sémantique.
La sémantique, elle, étudie le langage, son organisation, ses variantes, au niveau du sens et de la classification des contenus plutôt que selon l'approche "mécaniste" de la linguistique.
Bon, comme ça je suis sûr que c'est dit, si la précision était inutile, désolé.
Donc, on a sur la table de dissection un média assez bâtard et rothéiforme, mais on sait déà qu'il est de l'espèce "fiction" et ça se découpe avec de la dramaturgie, de l'analyse littéraire et de la sémantique parce que ça a spécialement été conçu pour.
On peut passer le JdR au crible de tous un tas d'autres outils matériels ou intellectuels, on en apprendra certainement des tas de choses intéressantes, notamment si on entend lui donner une diffusion commerciale ou d'autres applications spécifiques, mais si on entend étudier ses mécanismes intrinsèques et sa nature, ce serait pas mal de commencer par utiliser les instruments qui sont le plus conçus pour ça.
Je dis "le plus", parce qu'evidemment le JdR n'est pas un média simple ni historique, et que sa composante ludique échappe au moins en partie à ses outils, mais disons que c'est ce qu'il y a de moins inadapté.
Nous avons dit que, par principe, le JdR ne diffuse que de la fiction.
C'est l'une de ses 2 caractéristiques essentielles, en ce qui concerne sa valeur comme média et comme phénomène social.
L'autre est l'interactivité.
Car ce qui distingue le Jdr de tous les autres médias, et particulièrement de la "veillée autour du feu à raconter des histoires" qui est le "média" qui y ressemble le plus dans ses formes, c'est justement sa composante ludique.
Aussi, on pourrait tenter d'établir une méthode d'utilisation de nous outils de dissection médiatique en décidant qu'à chaque élément littéraro-dramatico-sémantique devrait être adjointe une "interprétation ludique", comme correction à la dérive de nos instruments de mesures de la fiction, pour qu'ils s'adaptent à une "fiction jouable".
[i]Il est a noté que le terme "Fiction Jouable" n'est pas de moi, mais de David Thomas, un autre anglo-saxon pilier d'une autre communauté de réflexion rôlistique, "Places to Go, People to Be" et que, référnece pour référence, l'expression titre cet article :
http://ptgptb.free.fr/0011/gameable.htm
Il est à noter que je ne partage pas non plus toutes les positions de cet auteur, je suis même assez gravement en désaccor avec une bonne partie de ce qu'il raconte, mais vu que je le cite... [i/]
D'ailleurs, mais ce n'est peut-être là encore qu'une opinion sur le JdR, il me semble qu'il serait mieux désigner par le terme "Jeu de Fiction", mais peut-être serait-ce là sortir de sa définissions stricte.
En effet, jusqu'ici, l'extrême majorité des jdr proposent pour principe essentiel de jeu l'incarnation d'un alter-ego imaginaire, le "rôle".
Néanmoins, dans quel cadre un "rôle", en tant que personnage d'une diégèse, pourrait-il s'exprimer sinon dans celui de la fiction ?
Mais au moins cela reste un indice pertinant pour la définition du JdR : c'est une fiction jouable à travers un "rôle", le plus souvent.
Bref, la place de l'histoire dans le JdR, pour moi, c'est le noyau.
Disons qu'avec le jeu notre sujet soit un objet bi-nucléaire, je crois que le noyau "fiction" serait tout de même plus gros que le noyau "jeu", simplement parce que même lorsque c'est le jeu qui s'exprime, il le fait toujours à travers le filtre de la fiction, de l'histoire et à mon avis plus précisément du "drame".
Redéfinissons le drame. Le terme vient du latin "drama", qui signifie "action". Néanmoins, comme synonyme de catastrophe, le "drame" renvoie aussi à la souffrance et aux émotions violentes, comme genre littéraire c'est celui des grands sentiments et des grands malheurs.
Pour la suite de notre démonstration, on lui donnera plutôt sa valeur en "dramaturgie", c'est à dire à la fois l'action et l'émotion qu'elle génère, ce que qu'Arta appelait "émotiaction". En fait, comme le terme "motion" signifie avant tout "élan", "mouvement", on pourrait pareler plus poétiquement "d'action d'émoi".
Mon postulat est que, justement, c'est l'émotion que crée le drame dans le cadre de la fiction qui va différencier le JdR dans certaines situations équivoques :
-dans une partie de wargame, le joueur qui perd fait traverser le champs de bataille à son leader pendant que ses autres unités cessent le tir et, sortant l'arme de son logement de plastique, le joueur pose symbliquement la pièce aux pieds de la figurine représentant le général adverse et fait son petit discours de reddition... voilà qu'on bascule vers le JdR par l'addition de ces seuls éléments : une fiction se crée à partir d'une "simulation" (j'y reviendrai), grâce à l'interprétation d'un rôle et par l'émotion qui se dégage des événements et de la part d'émotion, presque de "pathos" qu'on y projette.
-dans "les Loups-Garous de Tiercellieux" les persos sont imposés et archétypaux (voir "fonctionnel"), la simulation et les règles réduites à trois fois rien, le point de départ de la narration est toujours le même et les événements se ressemblent furieusement d'une partie sur l'autre (mais pas leur organisation, ni l'émotion qu'on y trouve), mais c'est déjà à la limite du JdR puisqu'on y trouve une histoire intercative où les joueurs s'introduise via un personnage.
-dans le jeu de cartes "Il était une fois" qui consiste essentiellement à raconter une histoire en groupe, il suffirait que les joueurs soient contraints de relier les péripéties de l'histoire chacun à un personnage précis pour que d'un seul coup cela devienne du JdR, ou du moins du "jeu de fiction".
-dès que deux enfants se poursuivent à travers un jardin en beuglant "Je suis Baaaaaaaatman et tu ne m'échapperas plus, damné Pingouin !", on a une fiction jouée et des rôles, et c'est donc peut-être bien du JdR aussi.
Donc, à l'évidence, cette définition du jeu de rôle implique d'inclure comme "JdR" des tas de jeux qui n'ont pas grand chose à voir avecl'image habituelle d'une poignée d'ados attablés face à un type planqué derrière un bout de carton.
Et ce n'est anormal, car le JdR "sur table" n'est plus en réalité qu'une des manières de pratiquer la "fiction jouable" : le GN, les MMORPG, le Game of Throne d'une certaine manière, les soirées-enquêtes (qui ne sont qu'une forme particulière de GN) et toutes sortes d'autres tentatives dans le domaine.
Vous me direz : c'est encore très large, le "jeu de fiction".
Le "JdR" va peut-être changer de définition un jour, mais ce qu'il entend regrouper actuellement est effectivement très vaste : connexe, mais multiple et protéiforme.
Je vous laisse digérer ça pour commencer (enfin, si vous êtes encore plusieurs, ce qui serait miraculeux), j'assénerai un deuxième coup plus tard.