Un soucis constant que j'ai en étant MJ, c'est que les joueurs se sentent concernés par ce qui se passe dans le jeu.
Alors quand je connais bien les joueurs, je peux plus ou moins deviner ce qui les fait réagir, mais ça reste brouillon.
Je peux également le leur demander directement. Dans ma partie en cinq actes d'Inquisitor 40K avec les règles de Paladin, j'ai testé une technique dont parle Ron Edwards dans Sorcerer. Le coup de pied (kicker).
Il s'agit pour le joueur de définir un événement qui se déroule dans l'univers et qui affecte son personnage de façon irrévocable. Cet événement a tout autant de légitimité et de force que n'importe quelle décision du MJ, une fois qu'il est integré au jeu.
La réaction du personnage sera ensuite jouée pendant la partie et sera, si tout se passe bien, le point d'amorce de toute une chaîne d'événements qui porteront la partie jusqu'à la fin de la séance, voire au-delà.
Pour autant, le coup de pied doit permettre une série de réactions vraisemblables et intéressantes pour le personnage. Si le choix du joueur est univoque, on perd du potentiel à générer des événemens bien prenants. En effet, selon les autres événements (y.c. les coups de pied des autres PJ) les bases pour effectuer un choix sont forcément différentes de ce qu'impliquerait le coup de pied isolé.
Ce qui est important, mais déroutant d'après mon expérience, c'est que c'est le joueur et non le MJ qui détermine un aspect du contexte fictif. Il n'y a rien de plus efficace pour garantir de toucher un sujet qui parle au joueur et lui donner l'occasion de jouer là-dessus par la suite.
C'est déroutant parce que classiquement, ce genre de pouvoirs est réservé au MJ.
Certains joueurs n'aiment pas cette approche, car ils ont l'impression de perdre en spontanéité ou en immersion.
Par contre pour ceux à qui cela parle, c'est parfait!
Une fois que le coup de pied est résolu, il suffit d'en écrire un nouveau. On peut même en cumuler plusieurs si on aime se compliquer la vie.
Quelques exemples tirés de cette mini-campagne:
- Alors que le groupe doit exécuter des témoins génants, un des PJ a un flashback et voit ses parents dans la situation des témoins génants, il y a longtemps. Leur meurtrier n'est autre que leur bon et juste supérieur!
Ceci a plongé le personnage d'abord dans une période de trouble (le passé des persos était sensé avoir été effacé pour empêcher tout attachement émotif à l'extérieur de l'ordre). Finalement, dans le dernier acte, il ne put se résoudre à rester les bras croisés.
Le personnage affronte le supérieur en duel à mort, décidé à venger ses parents ou périr dans la tentative. Tragiquement, ce fut sa mort qu'il connut, mais son honneur était sauf!
Un moment fort de la partie, à mon sens.
- Un coup de pied élaboré par deux joueurs. Des expériences secrètes ont été menés dans le passé par quelques membres influents de l'ordre des inquisiteurs, sur un sujet féminin. Il s'agissait de voir s'il était envisageable d'intégrer des femmes dans l'ordre, déjà d'un point de vue purement pratique.
Or, vu que cette expérience était hautement hérétique, la femme restait détenue dans un cachot, caché des membres les plus conservateurs de l'ordre.
Un des PJ fut mis sur l'affaire et tomba amoureux de la femme.
Un autre appris par erreur l'existence de la femme. Lui était par contre de l'aile extrémiste-conservatrice.
Ca a donné du beau grabuge dans la dernière partie, surtout que j'ai encore rajouté des complications par-dedans.
En gros, cette femme, en devenant prétendûment le réceptacle de la divinité que servait l'ordre des PJ, a provoqué un schisme destructeur au sein de l'ordre.
Les joueurs ont dû choisir leurs camps, ou autrement composer avec cet élément. Le PJ amoureux a par exemple à merveille incarné le conflit entre pouvoir et sentiments.
Bref, ce coup de pied est devenu l'instrument de la fin de l'ordre (et de la campagne du même coup) et c'était à mon sens beaucoup plus riche et intéressant que si j'avais tout dû créer moi-même sans trop savoir ce qui pourrait motiver les joueurs.
Il y a eu d'autres coups de pieds intéressants, mais je m'en tiendrai à cela pour l'instant.